La crise du coronavirus a presque complètement fait fondre les profits de l’industrie mondiale de la mode : McKinsey prévoit une baisse de pas moins de 93% cette année. Ceux qui sont parvenus à se développer l’ont fait soit en ligne, soit grâce à l’Asie-Pacifique. Le numérique sera également au premier plan en 2021.
Seuls les plus grands deviennent plus grands
Après une année de croissance timide en 2019, durant laquelle les bénéfices économiques de l’industrie de la mode ont augmenté de 4%, l’épidémie de coronavirus a désormais mis le secteur au point mort : dans son nouveau rapport The State of Fashion 2021, McKinsey parle d’une baisse globale des bénéfices de pas moins de 93%. Quelque 73% des grandes entreprises de mode cotées en bourse ont perdu de la valeur cette année, ce qui tire également vers le bas la valeur de l’ensemble du marché.
Les entreprises de mode qui s’en sont bien sorties en 2020 partagent toutes au moins une caractéristique : elles excellent sur le plan numérique et/ou se concentrent sur le marché asiatique. Les acteurs de la mode qui réalisent plus d’un tiers de leur chiffre d’affaires en Asie-Pacifique ont vu leur valeur boursière augmenter de 9%. Les détaillants en ligne ont fait encore mieux : en août, le cours des actions de détaillants en ligne tels qu’Asos, Zalando et Farfetch était en moyenne 35% plus élevé qu’en décembre 2019. La crise du coronavirus a vraisemblablement aussi profité aux discounters (+5%), et aux enseignes de vêtements de sport (+7%).
Au final, ce sont surtout les grandes entreprises qui sont devenues encore plus grandes : au cours des neuf premiers mois de cette année, les vingt plus grandes entreprises de mode ont vu leur valeur augmenter de 11%. Et cela ne manque pas d’alimenter la polarisation : il n’est guère surprenant que, cette année, les investisseurs aient préféré miser sur les 20 entreprises les plus performantes plutôt que sur les autres, si bien que, dès le mois d’août, les « grands gagnants » avaient tellement bien récupéré que le cours de leur action n’était que de 5% inférieur aux niveaux d’avant la crise. En avril, leur valeur avait tout de même chuté de 25%.
Cinq ans de progrès sur le plan numérique
Nombre de ces tendances se poursuivront jusqu’en 2021, et encore au-delà, estime McKinsey. En Chine, le cabinet de conseil prévoit un chiffre d’affaires de 5 à 10% supérieur à celui de 2019, tandis que le marché de la mode en Europe continuera à se contracter : le continent devrait continuer à ressentir les effets de la baisse du tourisme, entraînant une baisse du chiffre d’affaires de 2 à 7% en 2021 par rapport à l’année pré-Covid 2019.
Les chercheurs n’entrevoient pas un rétablissement complet avant le troisième trimestre de 2022. Les États-Unis suivront une évolution similaire, avec un recul du chiffre d’affaires de 7 à 12% l’année prochaine par rapport à 2019, et une légère reprise à partir du premier trimestre de 2023 seulement.
Les canaux numériques continueront à être le principal moteur des dynamiques positives, là où elles seront. En quelques mois, nous avons fait l’équivalent de cinq ans de progrès sur le plan numérique, selon le rapport de recherche : au niveau mondial, le secteur de la mode enregistrera une croissance numérique de plus de 20% en 2021 (voire 30% en Europe et aux États-Unis) par rapport à 2020. La croissance des plateformes poursuit également sur sa lancée, en particulier maintenant que les marques et les consommateurs s’intéressent de plus en plus au local.
Un système économique en demande
Mais le comportement des consommateurs évolue également. Comment, par exemple, les acteurs de la mode affronteront-ils les conséquences économiques de la pandémie, qui tirera également vers le bas la demande des consommateurs l’année prochaine ? Les voyages resteront également limités pendant un certain temps, prédit McKinsey, ce qui obligera les segments de la mode et de la beauté à adopter une nouvelle approche.
Les consommateurs veulent également évoluer vers un commerce et une chaîne de valeur plus équitables, afin que la planète et les travailleurs du textile ne revivent plus la situation dramatique de cette année. En interne, les maisons de mode tirent également les leçons des évènements de 2020. Il semble désormais évident que la multiplication des produits, des choix et des stocks n’est pas toujours synonyme de plus profits. L’appel de nombreux concepteurs en faveur d’un modèle plus simple, plus clair et davantage axé sur la demande sera suivi dans les années à venir.
Évolution des rapports de force
En outre, l’écart qui continue à se creuser entre les gagnants et les perdants est une raison de poursuivre la consolidation. Les investisseurs opportunistes voient de nombreuses possibilités d’intervenir et de reprendre les entreprises en difficulté. Ainsi, de nouvelles alliances plus solides se dessinent, tant entre les marques et les détaillants qui travailleront main dans la main qu’entre les maisons de mode et leurs fournisseurs.
Et les magasins dans tout cela ? McKinsey prévoit que la tendance à la fermeture des magasins se poursuivra, mais constate également une évolution dans les rapports de force entre les propriétaires et les détaillants. Si les propriétaires de magasins ont moins de poids, les loyers peuvent baisser et des concepts de magasins plus intéressants sur le plan financier peuvent à nouveau émerger. D’autres employés travailleront davantage à domicile, ce qui créera de nouvelles formes de rapports avec l’employeur, de travail en équipe et de contrôle des coûts.