Une portion parfaitement assaisonnée dans laquelle nous vous révélerons où vous pouvez faire vos courses en toute sécurité, qui travaille le plus chez Colruyt, qui est le plus rapide chez Delhaize et qui est le plus intelligent chez Amazon. Avec quelques bâtises en rab, c’est vrai.
Agoraphobie au supermarché
Vous aussi, vous avez immédiatement eu envie de faire la fête ? À peine Pfizer a-t-elle annoncé des résultats prometteurs pour un vaccin que les bouchons de champagne se sont mis à sauter à la ronde et que les investisseurs se sont débarrassé de toutes les actions qu’ils avaient accumulées avec passion jusque quelques secondes auparavant. Revenez sur terre, les supermarchés : vous avez perdu votre bonus corona. Dégagez, Deliveroo & co : les plats à emporter, c’est soooo 2020. Nous retournerons bientôt dîner au restaurant. Allez pleurer dans votre coin, Amazon et bol.com : nous voulons faire du shopping dans des rues commerçantes animées, faire la file devant des cabines d’essayage bondées. Malheureusement, personne n’a encore développé de vaccin contre la bêtise. La gueule de bois, c’est pour plus tard.
Une pandémie ? Quelle pandémie ? Chez Makro, ils essaient d’en profiter un max : « Bienvenue dans les magasins les plus vastes de Belgique ! », claironnent-ils sur leurs canaux sociaux. « Vaste assortiment, vastes parkings, vastes couloirs, des magasins vastes pour faire votre shopping en toute sécurité. » Bien vu, cette unique selling proposition. Le risque d’être contaminé chez Makro nous semble en effet assez réduit : vous n’y rencontrerez guère d’autres clients, et pas beaucoup d’employés non plus après les mesures d’économies mises en place. Garanti sans aérosols, donc. Mais rien pour les agoraphobes.
Frimeurs
En attendant, demandez aux employés des magasins des efforts surhumains pour maintenir les stocks à un niveau correct dans les rayons. Mais ceux qui travaillent le plus chez Colruyt ces jours-ci ne sont manifestement pas les vendeurs polyvalents, plutôt les délégués syndicaux qui se sont lancés dans un dernier sprint avant les élections sociales. Et ont décidé de fermer en vitesse quelques magasins pour décrocher cette fameuse prime corona. Sans compter ces quelques suffrages qui leur manquent encore la semaine prochaine. Frimeurs. C’était au tour de Seraing hier. C’est de saison…
Autre enseigne qui ne cesse de faire l’actualité : Jumbo. La semaine prochaine, le Péril jaune ouvrira un nouveau magasin à Ranst. Cette semaine, il a annoncé ses nouvelles cibles. À Zelzate, par exemple, l’arrivée de la chaîne est bouclée, selon le bourgmestre. Chez Jumbo, on ne fait aucun commentaire. Comme il y a trois ans, quand l’emplacement du premier magasin belge avait fuité. Mais voyez : finalement, ces rumeurs avaient un fond de vérité. Ils ouvriront un magasin à Bree l’année prochaine. Si les travaux ne prennent pas de retard, du moins.
Preuve par l’absurde
Ils ne voulaient pas l’annoncer sur tous les toits. Ce n’était pas vraiment un problème. Juste une évolution logique. Parfaitement normal, en somme. Mais, oui, un peu de couverture médiatique n’aurait peut-être pas fait de mal après tout. Qui veut se saisir du cas ? La semaine prochaine, un nouveau Albert Heijn franchisé ouvrira à Willebroek en face d’un supermarché de AD Delhaize. Et le propriétaire de ces deux magasins est une seule et même personne, un homme d’affaires intelligent qui a réussi à obtenir la primeur : pour la première fois, un affilié Delhaize est autorisé à ouvrir un AH. Chez Ahold Delhaize, on utilise le qualificatif assez laid de « Dual Franchise ».
Une révolution ? Le monde appartient à ceux qui se lèvent tôt, comme dit. Frédéric Van Hoecke risque de voir débouler une foule de collègues curieux de connaître les chiffres au cours des semaines et des mois à venir. Le service Expansion d’Albert Heijn peut également s’attendre à être inondé d’appels d’entrepreneurs impatients qui ont flairé une opportunité. C’est plus facile d’organiser sa propre concurrence, non ? « Une preuve que les deux formules sont parfaitement complémentaires », réagissent en chœur Albert Heijn et Delhaize. Mais ils parlent aussi de « projet pilote ». Il y a quand même un problème : normalement, on commence par faire un essai, et on en tire des conclusions ensuite. Marrant d’avoir procédé dans l’autre sens : un raisonnement par l’absurde, dit-on en mathématiques. En latin : reductio ad absurdum. Sans commentaire.
Fake saucisse
Le Bonus Albert Heijn accueille d’ailleurs Fristi et Chocomel (c’est l’alias néerlandais de Cécémel) cette semaine. À un euro le litre à peine, personne n’y gagne rien. Et certainement pas FrieslandCampina : le producteur laitier est obligé de supprimer un millier d’emplois, y compris dans notre pays. Les agriculteurs ne s’en rendront pas compte (ils gagnent trois fois rien de toute manière), la direction peut oublier ses bonus. Le grand coupable est évidemment ce satané virus : le secteur out-of-home s’est effondré. Mais en quoi distribuer ses produits presque gratuitement dans la grande distribution peut-il bien les aider ?
Peut-être devraient-ils miser sur les boissons végétales : elles se taillent déjà 14% du marché belge des produits laitiers, bien qu’on ne puisse pas les appeler produits laitiers. Les substituts à la viande aussi progressent à marche forcée, même s’il faudra au moins un demi-siècle avant que leurs ventes se rapprochent de celles de l’authentique filet pur. Mais cela n’empêche pas McDonald’s de développer sa propre gamme de burgers végétariens, de nuggets de poulet végétaux et de faux hot-dogs. L’avenir sera végan ou ne sera pas.
Le côté obscur
Ils sont très en colère, les hypermarchés français qui doivent fermer leurs rayons non-food pour éviter toute concurrence déloyale pendant le confinement. Une règle absurde, affirment-ils : car il y a évidemment un grand méchant étranger qui s’accaparera tous les bénéfices tant que ce virus fera rage. Pour Jeff Bezos, il n’y a aucune urgence à développer un vaccin. Pour répondre à Amazon, les food-retailers vont donc ouvrir leur boutique en ligne aux commerçants locaux. Par solidarité, soi-disant. Mais aussi par intérêt personnel flagrant, évidemment.
Ce n’est pas nous qui dirions du mal d’Amazon, en tout cas. Au contraire, le géant de la vente en ligne figure parmi les invités d’un événement RetailDetail 100% corona-proof et super-intéressant. Jeff Bezos a malheureusement un empêchement, mais le grand manitou sera dignement suppléé par Stijn Demeersseman, une sommité belge qui, après de nombreuses péripéties internationales pour le compte de P&G et L’Oréal , a opté sans équivoque pour le côté obscur de la force et tente désormais de battre les records de ventes de sèche-cheveux, de brosses à dents électriques et de rasoirs depuis Londres. Son message se résumer de la manière suivante : « le category management est mort. » Cela vous fait peur ? Réservez votre billet ici. Une excellente affaire, vraiment. Et pas satisfait, c’est remboursé. La qualité est notre meilleure publicité. À la semaine prochaine !
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