Un anniversaire spécial, des chiffres contradictoires, une erreur de marketing et une carte de vœux en provenance directe d’Absurdistan : tels sont les principaux ingrédients de ce nouveau Filet Pur bien saignant où la réalité dépasse souvent la fiction.
CEO en activité complémentaire
Hip hip hip hourra ! Nous célébrons un anniversaire spécial aujourd’hui : il y a exactement un an, un peu avant neuf heures du matin, je me trouvais avec plusieurs centaines de clients et de professionnels curieux dans la charmante bourgade Pelt pour voir le grand showman Frits van Eerd, CEO en activité complémentaire, allumer en personne le feu d’artifice qui célébrait l’inauguration du premier Jumbo de Belgique au son des beats assourdissants de Martin Solveig (de nos jours, il laisse ces corvées à des collaborateurs de rang inférieur – diriger, c’est déléguer). Le reste appartient à l’histoire.
Félicitations, Monsier Van Eerd ! Peut-on déjà tirer quelques conclusions prématurées après douze mois seulement ? Bien entendu, nous allons nous gêner… Même ses plus fervents adversaires le reconnaîtront, le Péril jaune a accompli un parcours remarquable. De beaux magasins, un assortiment surprenant, des prix compétitifs, une armée disciplinée d’employés enthousiastes et, surtout, de nombreux clients satisfaits : Jumbo a saisi à deux mains l’occasion de faire une bonne première impression. Il faut dire qu’ils n’ont pas lésiné sur la dépense… Mais quoi qu’il en soit : chapeau bas…
Relooking extrême
Que le nouveau venu n’ait pas provoqué de bain de sang jusqu’à présent est aussi à saluer. Aucune vague de faillites n’est à déplorer et Colruyt a pu à maintenir ses meilleurs prix. Parfait. Sinon, le retailer poursuit tranquillement sa route. Quinze magasins en 2020 ? Bah, la moitié, ce n’est pas plus mal. À ce rythme, il faudra vingt ans avant d’atteindre la centaine. Et ils ne pourront pas éternellement invoquer la pandémie. Espérons-le du moins. En tout cas, ils ouvriront un premier City l’an prochain. À Turnhout, à une distance à peine tolérée par les nouvelles normes sanitaires de l’Albert Heijn local. Tiens donc.
Jumbo ne sème donc pas encore la panique, pas même à Rijkevorsel malgré le nombre impressionnant de supermarchés au mètre carré. Le cancre du village, un vieux Carrefour, a rouvert cette semaine sous la forme d’un éblouissant Market 4.0 après un relooking extrême. Les clients se sont même vu offrir des lunettes de soleil à l’entrée, c’est dire si le nouvel intérieur est étincelant. « Même pas peur », se sont manifestement dit ces entrepreneurs courageux : le magasin n’a pas cédé un centime à la concurrence, et dans son nouvel habit de lumière, c’est une marche triomphale qui s’annonce. D’autant que Carrefour a solennellement promis de ne pas augmenter ses prix d’ici la fin de l’année. Vingt mille prix, plus précisément. Impressionnant, non ? Les lecteurs attentifs auront remarqué que l’enseigne n’a pas promis de les baisser. Ben oui…
Qui ment ?
Ahold Delhaize se porte très bien, merci pour eux. Les ventes en ligne ont de nouveau explosé, ce maudit virus n’a pas que de mauvais côtés. Et même s’il se plaint de l’augmentation des coûts liés à la pandémie, le retailer s’est permis de relever ses prévisions de bénéfices. La situation ne doit donc pas être si terrible. Frans Muller est certes légèrement inquiet du chaos qui règne après les élections aux États-Unis – qui ne l’est pas ? – mais se félicite de voir Delhaize continuer à gagner des parts de marché en Belgique. Au détriment de Carrefour, entre autres.
Holà, attendez un peu. Il a vraiment dit ça ? Oui, il a vraiment dit ça. Mais Carrefour n’avait-il pas annoncé la semaine dernière avoir à nouveau gagné des parts de marché en Belgique après un trimestre record ? L’un des deux ment, c’est clair. Ou s’est un peu embrouillé dans ces calculs, c’est aussi possible. Mais qui ? Tous deux sont cependant d’accord sur une chose : le nom du perdant. Et c’est, encore une fois, Colruyt. Mais à Halle, on a promis de ne pas faire de commentaire jusqu’à la mi-décembre. OK. Nous non plus, alors.
Argot
La Belgique était à nouveau en ébullition le week-end dernier. Ou du moins la partie de la Belgique qui est sur Twitter et qui a une opinion de la Belgitude et la tradition populaire. Qu’un hyperambitieux Jan Boone laisse tomber la dénomination séculaire de « spéculoos » pour pouvoir jouer dans la cour de géants comme Coca-Cola et Heinz avec Lotus n’a pas plu au Belge moyen : l’averse de réactions indignées sous le hashtag #jeuisspeculoos a été si violente que le grand chef s’est étouffé avec son propre biscuit. Il ne fait vraiment pas bon être trop ambitieux dans ce pays.
En matière de bourde marketing, l’entreprise n’en est pourtant pas à son coup d’essai. Les plus âgés se souviennent sans doute de Spunk. Spunk ? C’était le nom que Lotus a donné à un biscuit caramélisé au chocolat pour laquelle le groupe nourrissait déjà des ambitions internationales au mitan des années 1990. Problème : Spunk est synonyme de sperme en argot britannique – authentique. Et ils ne l’ont découvert que lorsque les paquets étaient déjà en rayons. À l’époque, la société s’appelait encore Corona-Lotus. La réalité dépasse parfois la fiction.
Ambiance et convivialité
Dans les magasins également, depuis cette semaine. Où l’où assiste à des scènes déchirantes de consommateurs qui se voient refuser l’accès à leurs produits habituels. « Non essentiel ? Non essentiel ? Ce David Clarinval sait-il ce que signifie essentiel ? J’ai mes p*** de bas qui filent, et je veux pouvoir en acheter de nouveaux MAINTENANT », a-t-on pu entendre hurler une dame écarlate en train de trépigner devant le rayon vêtements dont un employé consciencieux avait soigneusement barré l’accès à l’aide de grandes bandes de scotch. Les chamailleries sur ce qui est permis et ce qui ne l’est pas se poursuivent : même les ministres semblent perdus.
En tout cas, si vous cherchez des jouets avant le 6 décembre, vous devrez vous adresser à Jeff Bezos – le gouvernement a décidé ainsi. C’est comme ça qu’ils pensent soutenir la classe moyenne ? Bravo. Seules les bougies sont encore en vente libre, car elles apportent ambiance et convivialité dans la maison. 100 % d’accord. Mais ces règles absurdes restent aisées à contourner. Au Carrefour de Korbeek-Lo (et peut-être ailleurs), ils ont même fait preuve de proactivité : ils ont ouvert un stand où les clients peuvent simplement commander les articles non essentiels qu’ils souhaitent pendant qu’ils font leurs autres courses. Le colis sera prêt quand vous arriverez à la caisse. Et manifestement, c’est parfaitement réglementaire. Donnez une loi au Belge, et il trouvera une faille. Typique. Heureusement, les bières spéciales sont toujours considérées comme des produits essentiels. Je file refaire le plein. À la semaine prochaine !
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