Vous étiez un des premiers à souligner l’importance du design dans le retail. A-t-il encore autant d’importance dans le monde numérique d’aujourd’hui ?
R.D.: « Plus que jamais. Le retail a déjà connu différentes époques : lorsque j’ai commencé dans le monde des affaires, le design était l’élément clé. Ensuite, on a mis l’accent sur la logistique (comment aménager son magasin pour obtenir un retour maximal sur investissement). Après cette période, on ne parlait plus que de ‘engineering’ (comment optimaliser au maximum l’efficacité de la chaîne d’approvisionnement). Aujourd’hui, le monde est de plus en plus influencé par le numérique.
Ainsi, pour faire leurs preuves, les commerçants physiques doivent travailler davantage aujourd’hui. L’expérience en magasin est un des moyens mis à leur disposition : le magasin doit offrir un vécu intéressant en partie grâce au ‘look-and-feel’ de l’établissement.
Dès lors, une nouvelle ère du design dans le retail devrait voir le jour : de nouveaux concepts intéressants et interactifs devraient être créés. Des magasins multichannel proactifs où le design jouerait un rôle important, c’est dans ce sens-là que nous devons travailler. Je plaide donc pour une renaissance du design dans le retail. Cela signifie que les designers vont devoir réfléchir davantage, et être bien plus intelligents. »
Vous dites que les designers devront se surpasser, mais est-ce que tout n’a pas déjà été inventé ?
R.F.: « Non, certainement pas. Le magasin du futur exige des données nouvelles qui n’existaient pas lorsque j’ai commencé ma carrière. Aujourd’hui, un retaildesigner à succès doit comprendre le ‘digital journey’ du consommateur, autant que le parcours physique. Les clients ont un pied dans le monde numérique et l’autre dans le monde physique, c’est une évidence. »
Pour créer ce genre d’expérience, les pure players peuvent-ils également utiliser le design ? Ou cette expérience est-elle exclusivement réservée aux espaces physiques?
R.F.: « L’homme qui a inventé le concept des Apple Stores explique que l’achat en ligne est synonyme de spirale descendante. Le prix et le confort sont les deux choses qui comptent lors d’un achat en ligne. A 3 heures du matin, vous pouvez acheter n’importe quoi à un prix intéressant. L’e-commerce n’offre rien de plus que cela. Pas d’interaction, pas d’expérience physique, aucun aspect social, et ainsi de suite.
On pourrait donc encore améliorer des tas de choses dans l’e-commerce, et c’est là que le design entre en jeu. La plupart des sites e-tail sont assez lamentables : il n’y a aucune émotion, alors que même un supermarché ordinaire possède un ‘capital émotionnel’ important. L’e-commerce devra donc également investir dans le design. D’ailleurs, il ne s’agit pas uniquement d’une question d’aspect extérieur, le design peut également concerner le système de navigation d’un webshop, par exemple. Vous avez besoin de designers pour faire en sorte qu’un seul clic suffise, et que vous n’ayez donc pas à cliquer trois fois pour arriver là où vous le souhaitez. »
Les magasins physiques doivent-ils dès lors également se concentrer sur les prix ou doivent-ils, comme contrepoids par rapport au e-commerce, jouer uniquement sur ce ‘capital émotionnel’ ?
R.F.: « Les retailers et les fournisseurs parlent de ‘créer de la valeur ajoutée’, parce qu’ils ont peur de prononcer le mot ‘bon marché’. Si vous demandez aux consommateurs ce qui a ‘de la valeur’ pour eux, ils vous répondront toujours le prix. Et si vous leur demandez s’ils accordent également de la valeur au design, au service, etc., ils vous répondront oui, mais moins qu’au prix.
C’est ancré en nous depuis la crise de 2008, et selon moi, cela ne disparaîtra plus jamais. Nous ne voudrons plus jamais payer plus que le stricte nécessaire. Offline, les consommateurs ne voudront pas payer plus qu’en ligne. L’offline devra donc baisser ses prix pour atteindre le niveau du online, mais avec cette petite chose en plus. Par ailleurs, les prix en ligne devront inévitablement augmenter. »
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Traduction : Laure Jacobs