Le mouvement Black Lives Matter tient le monde des entreprises sous sa coupe : de nombreuses grandes marques mondiales souhaitent (sous la pression ou non) prendre position et redorer leur image.
Cadeaux et témoignages de soutien
Suite au décès de George Floyd fin mai et aux protestations contre le racisme qui ont suivi, les témoignages de soutien de la part des marques et des détaillants inondent les réseaux sociaux : de Nike à Sears, tous ont déclaré soutenir cette cause et agir contre le racisme.
Depuis, le mouvement a pris de l’ampleur et les militants, tant les organisations de défense des droits civiques que les clients inquiets, ciblent également les entreprises. Parce qu’à l’ère de l’information critique, les mots ne suffisent pas et les consommateurs sont attachés aux promesses qui leur sont faites ; elles doivent joindre le geste à la parole.
La liste des entreprises, principalement américaines, qui ont fait des dons à des organisations de défense des droits civiques ou à des associations caritatives défendant l’égalité des chances est désormais longue. PepsiCo a annoncé un plan de pas moins de 400 millions de dollars pour soutenir les communautés noires, tandis que des enseignes européennes, telles que H&M et LVMH, font également des dons.
La position détermine le comportement d’achat
Pourquoi ? Dans le contexte actuel, les marques font de plus en plus de déclarations politiques et sociales. Et cela va plus loin : elles se sentent obligées de réagir, en partie, et peut-être surtout, à cause d’une réalité économique : selon un sondage d’Adweek, 60 % des consommateurs américains déclarent suivre les réactions des marques à ce sujet et adapter leur comportement d’achat en conséquence. Selon Forrester, la réputation sociale générale d’une marque est déterminante pour un tiers des consommateurs. Chez les jeunes consommateurs, ce pourcentage est en forte hausse.
De plus, les réseaux sociaux ont créé un nouveau type de marketing : du « marketing de contenu », on est rapidement passé à des déclarations faciles à partager, souvent des déclarations ou des citations qui les confortent dans leurs convictions et leurs idées. Mais ces mêmes réseaux sociaux mettent également les marques face à leurs responsabilités et soulignent les erreurs ou les défauts, en particulier lorsqu’il s’agit de comportements incohérents.
Le fait que, outre des dons, L’Oréal mette en place un comité de diversité et adapte l’emballage de ses crèmes unifiantes pour le visage de sorte qu’une peau « claire » ou « parfaitement blanche » ne soit plus qualifiée d’idéal de beauté, intervient peu après le (nouveau) débat autour du licenciement du mannequin transsexuel noir Munroe Bergdorf comme égérie de la marque de cosmétiques. L’Oréal a dû s’excuser et promet de redoubler d’efforts.
« Stop Hate for Profit » (« Arrêtez la haine pour le profit »)
Starbucks n’a pas non plus tardé à changer son fusil d’épaule : critiquée pour avoir interdit à ses employés de porter des vêtements faisant référence au mouvement « Black Lives Matter », la chaîne de café a désormais rejoint la campagne de boycott « Stop hate for profit » contre Facebook et vend même ses propres produits « Black Lives Matter » dans certains magasins.
Puma et Adidas ont également rejoint le boycott de Facebook, à l’instar d’une centaine d’autres marques. Les entreprises interrompent temporairement la publicité sur Facebook et Instagram, afin de faire pression sur le réseau social pour qu’il prenne des mesures plus strictes contre les messages racistes et haineux.
Adidas va encore plus loin, en promettant par exemple d’offrir au moins 30 % de tous les nouveaux postes aux États-Unis à des personnes d’origine afro-américaine et latino-américaine. Le poste de directeur mondial des ressources humaines est d’ailleurs déjà vacant : l’actuelle directrice RH a démissionné après avoir qualifié le racisme de « bruit » ne franchissant pas les frontières des Etats-Unis., lors d’une réunion l’année dernière.
L’appel au changement fait également écho auprès d’autres marques, souvent après des critiques sur les réseaux sociaux : Uncle Ben’s pourrait arborer un nouveau visage, Quaker fait évoluer le personnage stéréotypé de la « Aunt Jemina » et Colgate-Palmolive change pour la deuxième fois le nom du dentifrice Darlie. En chinois, cela signifierait dentifrice pour les Noirs, ce qui était explicitement suggéré par le nom (Darkie) et l’emballage jusqu’en 1989.
Une représentation « pitoyable »
Cependant, un changement proactif est également imminent : Dans un discours virtuel à l’occasion du Cannes Lions, Procter & Gamble a déclaré que la société travaille à une représentation multiculturelle de 40 % et vise également une plus grande diversité dans les agences de publicité et les médias avec lesquels le fabricant de marque collabore. Le PDG de Coca-Cola est même allé jusqu’à qualifier de pitoyable la représentation culturelle au sein de sa propre entreprise et promet d’œuvrer pour une direction plus diversifiée.
Quelles que soient leurs motivations ou leurs raisons, les marques sont donc de plus en plus conscientes de leur passé, généralement celui d’hommes blancs en costume gris, et de la nécessité de faire évoluer la réalité contemporaine. La route sera probablement longue et semée d’embuches, mais les entreprises doivent devenir véritablement orientées client.