Dieter Penninckx, PDG de FNG, brise le silence : il continue à croire fermement au modèle omnicanal qu’il avait en tête pour son groupe, mais la société n’était pas prête pour la crise du coronavirus, a-t-il déclaré à la rédaction de RetailDetail.
Rythme effréné
L’histoire de FNG, et de l’ex-PDG Dieter Penninckx, rappelle celle d’Icare : les trois camarades de classe Dieter Penninckx, Anja Maes et Manu Bracke étaient déterminés à devenir les stars de la vente au détail de prêt-à-porter en Europe. Le trio s’est lancé en quête de croissance à un rythme effréné, un rythme qui semble avoir brûlé les ailes de l’ancien responsable lui-même.
À l’apogée, les actions de FNG se négociaient encore à 32 euros chacune, mais avant la suspension de l’action en mai, elles ne valaient plus qu’à peine 3,5 euros. La réorganisation judiciaire a été demandée, mais, parallèlement, les interrogations et les allégations concernant des montages financiers se multiplient. Nous appelons Dieter Penninckx, qui souhaite désormais briser le silence dans lequel il s’est réfugié depuis sa démission début avril. À l’autre bout du fil nous répond la voix d’un homme fatigué, éreinté. L’entretien doit même se conclure prématurément pour des raisons de santé.
« Certains choix auraient pu être différents »
Il veut néanmoins se faire entendre, « surtout pour les gens qui luttent courageusement pour permettre la reprise », déclare Penninckx. Le co-fondateur se sent toujours responsable de sa création : « Je ne renie pas ma responsabilité en tant qu’être humain. Je disais souvent : ne pas faire de choix n’est pas une option. Nous l’avons fait. À postériori, il y a eu des choix que nous aurions aussi pu faire différemment, ou mieux. C’est évident. »
Ses regrets ? Le PDG est intervenu trop tard lorsque sa santé s’est dégradée : « J’ai probablement roulé trop longtemps et trop vite dans le rouge. » Cependant, selon le cycliste amateur, cette analogie ne concerne pas sa société : « Ce sont deux éléments distincts. Même si, avec du recul, et cela est toujours plus facile, nous étions peut-être une trop petite équipe pour prendre en charge tous les projets et tout le travail. »
Dès le premier jour de la crise, malgré la présence de « personnes travaillant jour et nuit pour maintenir le navire à flot », des managers au profil plus entrepreneurial, tels que l’actuel PDG et directeur financier, auraient dû intervenir, admet Penninckx. « Entraîné dans ma course, je ne m’en suis pas rendu compte. J’étais sur ma lancée. »
Tout se déroulait comme prévu avant 2020
Il y avait pourtant un conseil d’administration et un comité d’audit solides, avec de nombreux grands noms du monde de la vente au détail. N’auraient-ils pas pu, et dû, intervenir ? L’entrepreneur ne veut pas entrer dans un jeu d’accusations stériles, mais dit avoir agi « dans l’intérêt de l’entreprise » et « toujours sur conseils professionnels ».
La crise du coronavirus est tout de même la cause majeure des problèmes actuels de Penninckx. « En tant qu’entreprise, nous n’étions pas prêts à affronter la crise du coronavirus. La crise a fait table rase : jusqu’à la fin de l’année dernière, nous discutions encore du financement et de l’extension de nos projets. Notre ambition de devenir un acteur européen majeur n’était nullement remise en doute à l’époque. »
L’entrepreneur reconnait que les étapes de croissance pour concrétiser cette ambition ont été franchies très rapidement. C’est dans la nature des choses, mais « une organisation comme la nôtre est évidemment également assaillie de pressions de toutes parts. » Néanmoins, Penninckx s’accroche encore aujourd’hui « aux rêves que nous avions ». Au passé, car « après la crise du coronavirus, il faudra les adapter » ; une problématique qui, selon lui, concerne désormais tous les détaillants. Comment avancer ? « Pour moi, une entreprise, c’est avant tout les gens, avec leurs connaissances et leur savoir-faire. Ce sont eux, notre principal actif. Et ils sont toujours là, combatifs. »
« Il y a peu d’acteurs ayant les mêmes atouts »
Comment voit-il l’avenir de son ancienne entreprise ? « FNG dispose d’atouts majeurs pouvant faire la différence dans ce monde en pleine mutation. Voyez les choses du point de vue du client : il y a plusieurs millions de clients fidèles aux Pays-Bas (Miss Etam) et en Belgique (Brantano) qui, d’un point de vue du profil, sont assez similaires à ceux d’Ellos, c’est-à-dire la femme, la mère de famille, qui gère souvent plus de la moitié du budget familial. Le client le plus rentable dans les pays nordiques est celui qui achète des produits de différentes catégories. En quelques années seulement, Ellos s’est intégralement converti à la vente en ligne, élargissant son offre de prêt-à-porter avec des produits pour la maison et l’intérieur, et rencontre aujourd’hui un franc succès. La crise a accéléré l’évolution des comportements d’achat. »
« Même après la réouverture, Brantano enregistre un chiffre d’affaires en ligne exponentiel. Le bénéfice pour les pays nordiques est une amélioration significative de la marge grâce à la plateforme d’achat. Les premières prévisions étaient prometteuses. Je reste fermement convaincu que cet “atout”, soutenu par la clientèle en Belgique et aux Pays-Bas et combiné à l’expertise en matière de sourcing et d’achat, fera la différence. Cela nous permet de nous faire une place dans le secteur de la mode, du style de vie et de l’intérieur au Benelux. Il y a peu d’acteurs ayant les mêmes atouts. »
Entre-temps, les syndicats ont indiqué dans une lettre sans équivoque ne plus faire confiance aux fondateurs. Toutefois, à l’heure actuelle, les trois compères sont toujours les actionnaires majoritaires. Cela va-t-il changer ? « Pour Anja (Daems, son épouse et co-propriétaire, N.D.L.R.) et moi, FNG est le travail d’une vie. À la maison, nous parlons encore de Fred & Ginger, plutôt que de FNG. Pendant dix-sept ans, nous nous sommes investis et battus jour et souvent nuit pour construire cette entreprise. La survie du groupe est la priorité. » Penninckx affirme également être en contact avec les familles qui l’ont soutenu jusqu’à présent : « J’ai récemment parlé à plusieurs familles. Les discussions ont été positives et constructives. Ils émettent bien entendu des critiques compte tenu des circonstances, mais ils réfléchissent et se tournent vers l’avenir. »
À court terme, le plan de transformation est l’une des priorités conclut l’entrepreneur, qui doit en rester là. Il s’estime déjà heureux que les détenteurs d’obligations aient accepté le report. L’ex-PDG souhaite également enterrer une allégation : selon lui, l’enquête lancée par la FSMA était une enquête régulière, ce n’est pas le régulateur qui a demandé l’annulation de l’action, mais FNG, afin d’avoir le temps d’apporter des réponses aux questions. Pas l’inverse, semble-t-il. Néanmoins, les réponses à ces questions se font toujours attendre…