Des chiffres rouges et l’économie au noir ont coloré la dernière semaine du secteur de la distribution des produits alimentaires. Mais aussi, du riz blanc dans des paquets orange arborant un homme basané. Sans parler des magasins bleus et jaunes. Ou des donuts aux trois couleurs du drapeau belge. Ça y est : Filet Pur annonce la couleur.
Riz de l’oncle Tom
Marketeur chez Mars: un job de rêve pour les hauts potentiels ambitieux. Mais, même si vous êtes un expert de la méthode agile ou scrum, contre l’aveuglement des entreprises, il n’existe aucun remède. Toutes ces années, il n’y apparemment pas eu de stagiaire éveillé pour poser une question pertinente quant à la photo de ces paquets en carton orange, ou de responsable du développement commercial prêt à l’écouter. Ont-ils encore une salle de réunion blanche monochrome ?
Et maintenant, le retour de bâton. Ils peuvent bien travailler 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, pour trouver une solution à un problème des plus urgents : ce brave homme à la peau noire doit partir, et tout de suite. Il est trop stéréotypé. L’oncle Ben fait trop penser à l’oncle Tom : celui du roman « La Case de l’oncle Tom ». Une lecture obligatoire à l’époque. Et personne n’y a pensé. Difficile à croire aujourd’hui : l’évolution des perspectives, voilà tout. Mais c’est aussi un beau défi. Vraiment curieux de voir ce qu’ils vont trouver. Et l’addition sera salée…
Calories collantes
Ils n’ont pas le temps de faire des enquêtes de consommation. Cependant, c’est une formidable invention qui peut facilement prendre toutes les directions. Les répondants ne disent pas ce qu’ils font, et font encore moins ce qu’ils disent, mais ils donnent les réponses qu’ils estiment souhaitables. Des réponses qui sont ensuite librement interprétées par les chercheurs en question afin qu’elles s’inscrivent parfaitement dans le cadre de pensée prédéterminé, afin de ne pas décevoir le client. Un joli nœud papillon pour la forme, c’est prêt. À la caisse !
Pourtant, les études de marché approfondies peuvent parfois donner le ton. Par exemple, une enquête a révélé que notre pays avait grand besoin de bombes de cholestérol extrêmement sucrées, collantes et caloriques. Et elle n’avait décidément pas tort : un jour avant l’ouverture, des accros au sucre campaient déjà sur la De Keyserlei à Anvers, espérant gagner un an de donuts gratuits. Le jeudi matin, les choses étaient devenues tellement incontrôlables que la police a dû intervenir. La distanciation sociale semblait déjà être de l’histoire ancienne, mais qui se soucie encore du coronavirus ? Non, le lancement de Dunkin’ en Belgique n’est pas passé inaperçu. Ça promet.
Une démographie déplorable
Marque mondiale ou non, l’un dans l’autre, ce n’était qu’un fait divers. Il y avait des nouvelles plus urgentes, et pas des bonnes nouvelles. Pas pour les intéressés, en tout cas. Pour être honnête, j’ai même été assez étonné et j’ai relu le communiqué de presse au moins dix fois pour m’assurer que j’avais bien compris. Mais c’était sans équivoque : pour la première fois de mémoire d’homme, Colruyt a perdu des parts de marché. Pas beaucoup, mais quand même : perdu. Il n’y a plus de certitudes. Quoique : nous aurions pu le voir venir, après les précédentes annonces triomphantes de Carrefour et de Delhaize.
La déclaration officielle ? Dans le contexte du coronavirus, les consommateurs redoutent les ruées auprès des grands discounters très fréquentés et préfèrent l’atmosphère conviviale du magasin de proximité ou du supermarché du coin. Un segment dans lequel le groupe Colruyt, malgré la belle croissance d’OKay et de Spar, n’est pas au niveau de ses concurrents. C’est comme ça. Mais est-ce la faute du coronavirus ? Bien sûr que non, cette crise ne fait que renforcer les tendances existantes. Même sans ce maudit virus, le petit est le nouveau grand. La démographie déplorable ne sert tout simplement pas les intérêts de Colruyt : familles moins nombreuses, plus de célibataires, population vieillissante et urbanisation… Les gens préfèrent toujours faire leurs courses près de chez eux.
Noir, c’est noir
Mais pendant ce confinement, il y a eu autre chose que tout le monde a gardé sous silence. Filet Pur vous le révèlera-t-il, en toute franchise ? De toute façon, ce n’est pas un secret : parmi ses clients fidèles, Colruyt compte de nombreux petits entrepreneurs du secteur horeca et des propriétaires de magasins de nuit, qui ont dû fermer leurs portes mi-mars et ne sont donc plus venus chercher des boissons et des snacks bon marché. En d’autres termes : avec le confinement, l’économie au noir s’est elle aussi arrêtée. Cela fait une grande différence.
Comme si tout cela ne suffisait pas, Test-Achat a jugé bon de publier une comparaison des prix, concluant que Colruyt continue à augmenter les prix, alors qu’ils sont (encore) en baisse chez Delhaize et Carrefour. Une formulation un peu malheureuse et, qui plus est, basée sur des données mal interprétées. Nous vous expliquerons tout cela en détails la semaine prochaine. C’est promis!
Ouverture explosive
Mais le mal était déjà fait, et ça ne s’est pas arrêté là. Pour aggraver les choses, il y a aussi eu une enquête auprès des consommateurs. Une enquête qui devait notamment montrer que la Flandre est une région extrêmement accueillante. Authentique : les Flamands adorent les nouveaux arrivants. Ils les accueillent à bras ouverts. Du moins tant que ces nouveaux venus portent du bleu ou du jaune. Qu’ils nous prennent notre argent, personne ne s’en soucie. Et le fait qu’ils en viennent à menacer l’image de marque intouchable du leader du marché inquiète encore moins la population.
Ils poursuivent donc joyeusement leur course à l’expansion. Et, en effet : Albert Heijn est déjà en train de mijoter des plans à Ingelmunster et à Termonde, entre autres. On lui déroule le tapis rouge. Et Jumbo nous a invités à prendre un café la semaine prochaine. Certes, dans un quartier à risque. Cela pourrait bien se convertir en une conférence de presse explosive, puisque le Danger Jaune a l’habitude de déclencher des feux d’artifice lors d’une telle ouverture de magasin. Est-ce une bonne idée, dans un quartier où une grenade explose de temps à autre ? Eh bien, ma veste en semtex est prête. Et la vôtre ? Soyez prudents et à la semaine prochaine !
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