Les résultats annuels finalement publiés par FNG soulèvent plus de questions qu’ils donnent de réponses : il y a littéralement question d’affaires douteuses, mais personne ne parle… Même le nouveau directeur Yves Pollé a déjà des choses à cacher.
Transactions douteuses à Hong Kong
Les lourdes pertes enregistrées par FNG sont largement imputables à des postes comptables littéralement assortis du qualificatif « douteux » : la perte nette de 292 millions d’euros inclut quelque 94 millions d’euros de « créances douteuses » constituées de « plusieurs transactions et structures internationales complexes dont les pièces sous-jacentes sont manquantes, incomplètes ou ambiguës, ou dont la justification économique est floue », indique le groupe lui-même.
De quelles transactions s’agit-il ? Pour l’instant, on sait juste qu’elles concernent des centrales d’achat en Suisse et à Hong Kong – en lien avec la Turquie et l’Inde. Selon De Tijd, il s’agirait de contrats avec des fournisseurs dans le cadre desquels des commissions ont été promises via une structure complexe d’agents et d’intermédiaires. FNG se verrait ainsi rembourser certaines remises accordées si le groupe parvenait à vendre certains volumes. Il est également question de ventes de données commerciales aux fournisseurs.
Il est en tout cas acquis que ces transactions sont qualifiées de « douteuses » car il est loin d’être certain que le groupe récupérera un jour l’argent promis. Certaines transactions n’auraient même pas fait l’objet de contrats écrits, ont affirmé des sources internes à De Tijd. Mais la question sera approfondie par un conseiller externe désigné par FNG.
Qui ne dit mot consent ?
Que s’est-il exactement passé ? C’est un mystère qui soulève immédiatement une autre question : qui savait ? Le conseil d’administration dit avoir été maintenu dans l’ignorance et n’avoir pas été suffisamment informé – ou l’avoir été trop tard. Selon ces mêmes sources, le conseil d’administration n’a eu connaissance ni des difficultés financières, ni des inquiétudes du chien de garde de la Bourse qui a commencé à se poser des questions en août dernier.
Mais ce même conseil d’administration, qui s’est muré dans le silence, a posé trop peu de questions critiques et s’est laissé berner, n’est pas exemples de critiques, peut-on encore lire de De Tijd. « Ceux qui savaient étaient plus nombreux. Le silence du conseil d’administration a permis à la direction de camoufler de nombreux dysfonctionnements avec les taux de croissance de l’entreprise », explique le quotidien financier.
Yves Pollé revoit son CV
On peut aussi s’interroger sur le comportement du réviseur qui a systématiquement approuvé les comptes annuels – alors que la société a dû y apporter des corrections par la suite quand la FSMA, l’organe de surveillance des marchés financiers, a tiré la sonnette d’alarme. De plus, il est possible que certains cadavres doivent encore sortir du placard : les très controversés résultats d’exploitation 2019 n’ont toujours pas été officiellement approuvés par un réviseur et la cotation de l’action n’a donc pas repris en Bourse.
Le groupe promet désormais transparence et redressement, et a nommé un Transformation Manager à cette fin : Yves Pollé, diplômé du prestigieux INSEAD et ancien du Boston Consulting Group. Ou pas ? Car en dépit de ce qu’affirme son profil LinkedIn, Yves Pollé n’a jamais travaillé au BCG. C’est ce qu’a appris la rédaction RetailDetail de sources bien informées. Le bureau de consultance lui aurait d’ailleurs envoyé un avocat, et cette référence a soudainement disparu de son CV ce matin – comme le prouvent les photos ci-dessous. Un nouveau départ en toute transparence, avez-vous dit ?
« Il est vrai qu’Yves Pollé n’a jamais travaillé pour le Boston Consulting Group », a répondu une source bien informée à notre article. « Mais il a été independent contractor pour BCG Turn, une division de Boston Consulting qui assiste les entreprises dans les restructurations. Ce n’était pas très malin de sa part de mettre une telle référence sur son profil LinkedIn. Mais il n’a pas menti sur son CV officiel et son intégrité n’est pas remise en cause. »
Insolvabilité ?
Quel est l’avenir de FNG et ses plus de 3 000 employés ? Le management a réussi à obtenir le report d’une échéance de dix millions d’euros à 2023 – au lieu de l’an prochain – d’un petit groupe de créanciers, mais on peut se demander si les autres actionnaires seront aussi conciliants. Certains détenteurs d’obligations auraient déjà engagé un avocat, tandis que d’autres exigent un plan de redressement clair.
À cela s’ajoute PMV, le bras financier de la Région flamande, qui a investi 25 millions d’euros dans le propriétaire des marques CKS et Brantano, et les centaines de millions de prêts en cours auprès des banques. Compte tenu des nombreux points d’interrogation actuels et de l’incertitude persistante, il ne sera pas aisé de gagner la confiance de ces créanciers. Une procédure d’insolvabilité avec protection judiciaire et restructuration majeure paraît presque inévitable.
Captures d’écran LinkedIn 12/06/2020 :