L’amour des Belges pour les supermarchés hollandais, le rapport entre la lasagne et les achats frontaliers et pourquoi Jef Colruyt a dû se rendre chez l’ORL : une fois de plus, Filet Pur fait le plein de révélations exclusives. Profitez-en !
Extrait de levure dégoûtant
En dépit de promesses généreuses, d’avantages fiscaux douteux et de pots-de-vin inattendus d’un Premier ministre lobbyiste infatigable, Unilever, après une énième introspection, est arrivé à la conclusion que la véritable identité du groupe était britannique et non hollandaise. La double nationalité n’est plus une option. Rotterdam gardera peut-être ce magnifique siège social, mais Brexit ou pas Brexit, les véritables décisions seront désormais prises de l’autre côté du canal.
On pourrait penser qu’une décision d’une telle ampleur serait le fruit d’une étude approfondie sur son impact financier, mais non : le réflexe nationaliste de quelques grands actionnaires aurait été principalement motivé par leurs habitudes alimentaires plutôt excentriques. Vous savez : ils mangent des saucisses avec des haricots au petit déjeuner et ils boivent de la bière sans mousse, mais ce n’est rien comparé à ce qu’ils mettent sur leurs toasts. Un extrait de levure brun foncé à l’aspect répugnant dont on ne veut surtout pas connaître le goût. Marmite semble cependant n’être rien de moins qu’une question d’importance nationale, qui ne devrait pas tomber entre les mains d’un peuple barbare qui met de la sauce cacahuète sur ses frites. Boris – Mark : 1-0.
Lasagnes froides
Si les prix dans les supermarchés belges ont atteint des sommets presque indécents depuis la mi-mars, ce n’est certainement pas la faute de l’industrie alimentaire, a souligné hier la fédération du secteur, Fevia : les fabricants n’ont pas répercuté sur leurs clients la facture pourtant plus salée du coronavirus. C’est peut-être vrai : les détaillants n’acceptent pas les augmentations de prix à moins qu’ils ne les appliquent eux-mêmes.
Le président, Jan Vander Stichele, a une fois de plus dénoncé le handicap de coût contre lequel ses membres se débattent et a fait indirectement référence à ce vieux hit culinaire de 10CC : « Life is a minestrone, served up with parmesan cheese. Death is a cold lasagne… » Et ainsi de suite, vous connaissez la chanson. Et cette lasagne, c’est l’abondance de taxes, accises et autres contributions qui s’additionnent couche par couche pour rendre notre nourriture locale si chère en comparaison des pays voisins. Avec la réouverture des frontières, les achats frontaliers redeviendront rapidement le passe-temps favori du consommateur.
Le Far West
Parce qu’on ne parle pas d’une guerre des prix sur le marché belge du retail alimentaire, mais d’une guerre tout court. Ça tourne carrément au délire. Cette grenade qui a explosé mardi soir devant la porte d’un supermarché en construction sur la Ten Eekhovestraat, dans le quartier nord de Deurne, était-elle une tentative de faire changer Jumbo d’avis ? Intimidation violente, deux semaines avant l’ouverture de ce quatrième magasin belge : ça semble suspect. Mais les chances que Frits van Eerd se laisse impressionner sont minces. Peur de rien, cet homme. Sinon, il n’ouvrirait pas un magasin dans le quartier parfois surnommé le Far West de la ville, n’est-ce pas ?
Non, ce sont plutôt les concurrents qui ont la frousse. Car le constat de la nouvelle enquête de consommation, présentée exclusivement par RetailDetail, est sans appel : Les Flamands sont déjà conquis par Jumbo, même s’ils n’ont pas de magasin à proximité. Le Danger jaune a toutes les cartes en mains pour devenir à long terme une marque forte en Belgique. Vous êtes prévenus : tremblez.
Un encerclement prudent
Et ce n’est pas tout, car le potentiel commercial de Jumbo n’est encore rien comparé à celui de l’autre nouveau Hollandais, Albert Heijn. La chaîne occupe déjà une solide troisième place au classement et s’apprête à jouer à saute-mouton avec sa marque sœur Delhaize, qui la sent déjà sur ses talons. Un peu de concurrence en interne : Frans Muller n’y verra pas d’inconvénient. L’enseigne bleue vient d’ouvrir son 51e magasin en Belgique, à Leeuw-Saint-Pierre, et ce n’est pas un hasard s’il est situé à quelques pas d’un Delhaize, dans le même parc commercial. Une nouvelle étape dans sa stratégie d’encerclement de Bruxelles. Je me demande néanmoins s’ils franchiront un jour cette frontière linguistique après ce rapprochement prudent. Si bol.com peut le faire…
En outre, l’enquête confirme qu’il est très difficile pour les marques d’ajuster leur image ou leur positionnement : Delhaize s’enferme dans l’idée qu’il serait trop cher, que dans cent ans les gens parleront encore des « produits bon marché Aldi » et que Carrefour ne fonctionnera jamais. La plupart des chaînes de supermarchés n’ont rien qui ressemblerait à une image de marque. Le marketing laisse à désirer. En bref, chers détaillants alimentaires : virez immédiatement ces directeurs marketing, qui ne servent de toute façon à rien.
Dommage auditif permanent
Il y a une exception : Guy Elewaut. Ah oui. Ne serait-il pas charpentier à ses heures perdues ? Cela se pourrait bien : après tout, il n’y a qu’une seule chaîne de supermarchés qui enfonce invariablement le même clou depuis des années. Et ça paye. Vous verrez, la semaine prochaine : malgré le scepticisme des analystes financiers, les chiffres seront une fois de plus meilleurs que prévu pour Colruyt. Que savent les spéculateurs boursiers du commerce de détail ? Au final, ils ne font que jouer aux fléchettes. Les yeux bandés. Tout le monde a pourtant vu ces longues files d’attente devant les magasins, non ? La caisse enregistreuse a sonné si fort que Jef a subi des lésions auditives presque permanentes.
Elle a chanté en chœur avec celle du fabricant de jouets Clics Toys, à Wuustwezel, qui a soudainement reçu une commande de six millions de Clipeez. Plus, en réalité : six millions de paires ! Et ce ne sont certainement pas des jouets : ces poignées amovibles nous protègent du coronavirus, tout en soulageant le détaillant soucieux des coûts d’un travail de désinfection inefficace. Ils se renvoient la balle. Mais est-ce que tout le monde en sortira gagnant ?
Bricolage
En tout cas, c’est une variante de « ramène le tien » : comme lorsqu’ils demandent d’apporter sa propre caisse de Cara pils à cette fête de confinement. Ou d’utiliser son ordinateur portable personnel pour le travail. Cela s’applique donc désormais également aux poignées des caddies. N’oubliez pas vos propres sacs de fruits et légumes. Et votre sac de courses réutilisable que vous devrez désormais fabriquer vous-même, une idée Veritas et Lidl : si vous achetez les matériaux à l’un, vous bénéficiez d’une réduction à l’autre. Le libre-service se transforme en bricolage, et nous blâmons ce satané virus. Nous en sommes là.
Non, ce week-end n’arrive pas trop tôt. Pas de fête à la Cara pils ce soir, mais à une lasagne fraîche que je n’ai même pas à préparer moi-même, elles sont à 1+1 chez Lidl, et donc également chez Colruyt, je ne dis pas non tout de suite. Vous bien ? Soyez prudents et à la semaine prochaine !
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