Colruyt et Delhaize continuent à dominer la grande distribution en termes de valeur de la marque, mais Albert Heijn est sur leurs talons. Jumbo a également le potentiel de devenir une marque forte en Belgique.
Colruyt champion
C’est ce que révèle une récente enquête consacrée à la valeur des marques de supermarchés menée par doubleyouresearch. En avril, le bureau de recherche a interrogé un échantillon représentatif de 1800 consommateurs sur des aspects comme la connaissance des différentes marques, leur performance, leur pertinence, l’affinité et leur réputation. Douze marques de supermarchés leur ont été soumises : Colruyt, Delhaize, AD Delhaize/Proxy Delhaize, Lidl, Aldi, Albert Heijn, Carrefour, Carrefour Market/Express, Jumbo, Intermarché, Okay et Spar.
Colruyt est – de loin – la marque la plus forte : si le distributeur de Hal obtient son meilleur score en Flandre, il arrive également en tête en Wallonie et à Bruxelles. Et Colruyt domine tant chez ses clients que chez ses non-clients. Il devance la concurrence sur pratiquement tous les paramètres. Le leader du marché est d’ailleurs la seule marque à recueillir actuellement un vrai bon score en matière d’engagement social.
Delhaize et Albert Heijn
Delhaize arrive en deuxième position : la chaîne est numéro deux dans presque toutes les dimensions et arrive en tête pour la qualité. Les consommateurs voient en Delhaize une marque très fiable, avec un bouche-à-oreille positif. Ils voudraient compter parmi ses clients, mais la perception du prix reste un obstacle. L’enseigne au lion obtient également des résultats décevants pour ce qui concerne les promotions. La satisfaction et surtout le net promoter score (NPS) sont ainsi nettement inférieur.
Albert Heijn, sa marque sœur, complète le podium. Elle pourrait cependant dépasser Delhaize et monter sur la deuxième marche dès qu’elle disposera d’un réseau plus étendu qui permettra à un plus grand nombre de Belges de s’y habituer. Elle obtient en effet un score inférieur à la moyenne en matière de familiarité. Mais un consommateur sur trois dit déjà avoir une très bonne image d’AH. Leur part atteint même 47 % dans la province d’Anvers.
« Albert Heijn présente un profil de nouveau venu intéressant », comment Bart Warlop (doubleyouresearch) : « C’est la marque la plus souvent perçue comme unique, différente de toutes les autres. AH arrive également en tête en matière de promotions, et est performante dans le frais. De nombreux consommateurs peuvent s’imaginer en devenir clients. Albert Heijn a également la deuxième plus grande proportion de clients satisfaits après Colruyt et un NPS nettement plus élevé que Delhaize. » Mais elle dépasse à peine la moyenne en termes de qualité perçue.
Les hard-discounters
Lidl et Aldi arrivent en quatrième et cinquième position. Tous deux obtiennent de bons résultats pour leur rapport qualité/prix, mais ils n’excellent dans aucun autre domaine. Dans ce duel particulier, Lidl l’emporte systématiquement sur Aldi. C’est sur les paramètres fraîcheur, qualité et étendue de l’assortiment que l’écart est le plus important. Les consommateurs sont ainsi plus nombreux à pouvoir s’imaginer devenir clients de Lidl que d’Aldi. Lidl affiche également un NPS sensiblement plus élevé qu’Aldi.
Comme son « grand frère » Colruyt, Okay se distingue par son rapport qualité/prix, mais conserve un profil plutôt discret. La marque obtient des résultats nettement meilleurs en Flandre. En revanche, les atouts de Colruyt ne ruissellent pas sur Spar : c’est la plus faible de toutes les marques mesurées. Les consommateurs ne perçoivent pas suffisamment ce que représente Spar.
AD Delhaize et Proxy Delhaize surfent sur l’ADN de leur marque mère : ils obtiennent de bons résultats en matière de qualité, mais éprouvent des difficultés à se différencier. AD et Proxy ont d’ailleurs été évalués ensemble dans l’enquête parce que les consommateurs ne sont pas toujours capables de distinguer les deux formules.
Intermarché, pour sa part, se niche dans le ventre mou : la marque ne figure nulle part parmi les plus faibles du marché, mais elle ne se distingue réellement sur aucun paramètre.
Carrefour en difficulté, Jumbo en force
Carrefour a un problème. Sa formule d’hypermarchés lui vaut de bons résultats en matière d’assortiment de produits, mais l’enseigne recueille souvent des scores inférieurs à la moyenne sur d’autres aspects. La marque accuse même un retard considérable par rapport au top 3 sur des critères comme la qualité, le prix, la fraîcheur, l’unicité et le bouche-à-oreille. Mais les hypermarchés obtiennent de meilleurs résultats en Wallonie et à Bruxelles qu’en Flandre. Carrefour Market et Express présentent un profil encore plus faible. Les marques Carrefour obtiennent ainsi les scores de satisfaction et les NPS les plus bas du marché.
Et qu’en est-il de Jumbo, autre nouveau venu ? L’enseigne néerlandaise reste en retrait dans la perception de la qualité. Mais Jumbo obtient souvent des scores supérieurs à la moyenne, et parvient même à se glisser dans le top 5 pour le rapport qualité/prix, l’unicité et l’affinité. Logiquement, elle présente un niveau de familiarité encore faible, mais un consommateur sur dix a déjà une très bonne idée de ce que représente Jumbo dans les provinces du Limbourg et d’Anvers.
« Sachant que les perceptions mesurées proviennent presque exclusivement de non-clients – qui sont généralement plus sévères –, nous pouvons supposer que Jumbo a le potentiel pour devenir une marque qui compte en Belgique », déclare Bart Warlop.
Qu’est-ce qui fait une marque forte ?
Il souligne que les marques fortes ne se contentent pas de combiner de bons produits et des clients satisfaits : « Une marque forte doit également être pertinente pour le consommateur : elle doit inspirer confiance et posséder un petit quelque chose en plus que la concurrence. Le consommateur doit être attiré par la marque, elle doit lui convenir et lui donner l’envie de compter parmi ses clients. Et il faut évidemment qu’elle ait une bonne réputation : son entourage doit en parler de manière positive et le consommateur doit avoir le sentiment que la marque est engagée socialement, ne se contente pas de rechercher le profit. »
Le bureau de recherche a développé un modèle et une méthode de mesure qui permettent aux consommateurs d’exprimer leur sentiment sur une marque de manière très intuitive. Pour ce faire, ils sont invités à évaluer toutes les marques dont ils sont suffisamment familiers sur une seule et même échelle, et donc d’établir un classement. « La force d’une marque est alors la somme des scores obtenus sur toutes les dimensions du modèle. Nous avons ainsi calculé la force de chacune des marques et examiné les différences entre le Nord et le Sud, ainsi qu’entre les clients et les non-clients. »
Cohérence
L’une des conclusions à tirer l’étude est que dans la grande distribution, il est très compliqué d’inverser la perception d’une marque traditionnelle. Pensez à la réputation de Delhaize en matière de prix ou au manque de rayonnement Carrefour, alors que les deux enseignes ne ménagent manifestement pas leur peine pour y remédier.
« Ces associations se sont construites au fil des ans et sont souvent profondément ancrées dans l’esprit des consommateurs », explique Bart Warlop. « Corriger une telle perception demande donc beaucoup de temps et nécessite surtout une grande cohérence dans la communication. Ce qui n’est pas le point fort des markeeters… La seule manière de corriger une perception consiste souvent à taper sur le même clou pendant des années. Mais rares sont les marques à s’y résoudre. En fait, seul Colruyt répète très régulièrement le même message dans la grande distribution. »
Les marques font souvent preuve d’une grande prudence quand elles entreprennent de rectifier la manière dont elles sont perçues, mais ces petits ajustements progressifs n’ont pas d’impact significatif et durable. « Sans le crier haut et fort, il est tout simplement impossible de se faire entendre dans un environnement aussi concurrentiel. Et si votre concurrent crie encore plus fort, il ne restera plus rien de votre message dans l’esprit du consommateur. »
Le prix et la promotion ne sont pas tout
Il n’est pas surprenant qu’une marque comme Delhaize, par exemple, reste perçue comme chère en dépit des efforts qu’elle déploie en matière de promotions, poursuit Bart Warlop : « Nous savons grâce aux enquêtes que le baromètre annuel des prix de Test-Achats et les comparaisons directes que communique Colruyt ont un effet majeur sur la perception des consommateurs concernant les prix pratiqués par les différents supermarchés. Le sentiment dominant est que Colruyt est imbattable : pour le même produit, Colruyt est moins cher, point. Il n’y a rien à ajouter. Ce n’est donc pas parce que Delhaize propose de nombreuses promotions 1+1, parfois très intéressantes d’ailleurs, que la perception des prix pratiqués par Delhaize va changer. Delhaize va juste convaincre les consommateurs sensibles aux promotions de faire leurs courses chez lui cette semaine pour en profiter. »
Le prix et la promotion ne sont pas tout. « Nous savons que Colruyt est le champion absolu des prix, mais cela ne signifie pas que vous y ferez toujours vos achats au meilleur prix. Quelqu’un qui aime acheter son jambon par paquet de 100 grammes sera peut-être obligé d’acheter 200 grammes chez Colruyt. Au final, son jambon lui reviendra plus cher que s’il s’était rendu dans un magasin où il pouvait acheter pour 100 grammes. La présence de marques A est également séduisante : les marques A sont plus chères, et ceux qui ne peuvent résister à la tentation se retrouveront avec un ticket de caisse plus élevé. »
L’effet de surprise s’estompe rapidement
Pour Delhaize s’ajoute le fait que l’enseigne, avec son assortiment étendu et plus raffiné, renforce en permanence son image de qualité – et les enquêtes le démontrent : la chaîne arrive en première position pour ce critère. Mais les consommateurs vont indirectement y associer un prix plus élevé. « Il est tout simplement impossible pour Delhaize de combiner le meilleur assortiment et une bonne image en matière de prix. »
Le déficit d’image de marque de Carrefour, malgré les nombreuses rénovations de magasins et les campagnes Act for Food, peut également s’expliquer. « Toutes les enseignes de supermarchés rénovent constamment leurs magasins. Les enquêtes apprennent que les consommateurs remarquent chaque rénovation, mais qu’ils s’y habituent très vite. Lidl et Aldi aussi ont récemment rénové leurs magasins. L’effet “Wow !” s’estompe rapidement. Une rénovation vous permettra surtout de ne pas être définitivement largué. La campagne “Act For Food” aussi reste relativement marginale. Si vous n’en faites pas un fer de lance de votre stratégie et vous ne communiquez pas de manière puissante et cohérente à son propos, une telle campagne n’aura aucun effet durable sur le vécu de la marque. »
Valeur de marque des supermarchés : score (sur 100) par marque
Valeur de la marque des supermarchés : différences entre la Flandre (jaune) et la Wallonie/Bruxelles (rouge)