Si ce n’est pas la faute du gouvernement, c’est celle de Colruyt: Filet Pur met le point sur le i de virus, en gardant la distance de sécurité. Et révèle également ce que les chaînes de supermarchés ont en commun avec paquets de frites et les fêtes en plein confinement.
Double bingo
Il est désormais impossible d’ouvrir un journal, de consulter un site d’information, des analyses et des interviews sans se faire rebattre les oreilles avec « la nouvelle normalité ». Merci, coronavirus. Nous n’avons d’autre choix que de nous y faire. La nouvelle normalité, c’est par exemple les livraisons sans contact, avec le livreur qui vous fait signe de loin lorsque vous ouvrez la porte pour réceptionner les pizzas que vous avez commandées. Veillez à ne pas marcher dessus.
La nouvelle normalité, c’est aussi ces prix beaucoup trop élevés au supermarché. Chez Test-Achat, ils ont fait le calcul : même les prix les plus bas sont toujours plus de 5% plus élevés qu’avant ce satané confinement. De belles marges : cela fait une grande différence pour le leader du marché. Et le cours de l’action continue entre-temps de grimper . Double bingo ! Ce coronavirus enrichit les riches, et donc la famille Colruyt, rapportent les journaux. Toutefois, les actionnaires d’ AB InBev resteront exclus du tableau tant que nous ne serons pas autorisés à prendre une pinte. Eh bien, ils auraient dû investir dans les fèves : Douwe Egberts raffle des milliards avec ce que l’on surnomme déjà l’ introduction en bourse de l’année . Ce virus n’a aucune emprise sur un bon café.
Anormalement élevé
Mais nous parlions de ce ticket de caisse anormalement élevé. Selon certains politiques, cela s’explique par un manque de concurrence sur le marché belge. Qu’il y ait réellement des gens qui osent dire ça tout en restant impassibles : on croit rêver. Mettons donc les points sur les i : il y a deux raisons aux prix élevés dans les supermarchés en Belgique. La première est le coût excessif dans notre beau petit pays de la mer du Nord : charge fiscale, coût salarial, paperasses administratives, etc. Ces éléments reposent entièrement entre les mains du gouvernement. Qu’est-ce qu’ils attendent ?
Et la deuxième cause s’appelle tout simplement Colruyt, Jef Colruyt. Ce monopole sur le prix le plus bas décourage les concurrents à s’engager dans une confrontation directe. Ce à quoi Jef ne peut rien faire, soyons clairs : cet homme fait simplement son travail et il le fait bien, peut-être trop bien. On ne peut pas en dire autant de nos politiques. Peut-être devraient-ils envoyer une délégation à Halle ? Ils n’auraient rien à perdre. Et je ne parle pas d’un atelier de fabrication de masques buccaux à la Colruyt Group Academy.
Cinq de gagnés, trois à récupérer
Heureusement, il existe des entreprises dynamiques qui prennent le taureau par les cornes : Albert Heijn va résoudre le problème de la concurrence. Le groupe s’est donc incrusté à Anvers entre un Atelier Delhaize Fresh, un Carrefour Market et un CRU. Et à Gand, il profite de la compagnie agréable de Proxy Delhaize et d’un autre CRU. Le marché des produits frais de luxe n’y voit pas le moindre problème : « nous sommes complémentaires ». Évidemment. Et Delhaize? Bien sûr, tout cela a été discuté au préalable : la marque leader en Belgique prend l’initiative dans la politique d’expansion du groupe ? C’est qui avait été convenu. N’est-ce pas ?
Il est d’ailleurs assez amusant de voir comment AH s’efforce de récupérer les zones de marché qu’il a dû abandonner pour fusionner avec Delhaize : avec Antwerp Groenplaats, Lokeren, Turnhout, Oudenaarde et Leuven, il a déjà récupéré cinq des huit localisations perdues . Plus que trois, les gars ! Cela ne prendra probablement pas longtemps.
Les frites les plus fraîches
Et si l’enseigne bleue sur fond blanc semble inarrêtable, le Péril Jaune ne peut pas se laisser distancer : l’épais portefeuille de Frits van Eerd s’est ouvert la semaine dernière pour l’acquisition de deux supermarchés Alvo florissants, à Deurne et à Ranst. Félicitations pour votre achat, monsieur van Eerd. Bon choix. Enfin, dans le fond, il n’avait pas vraiment le choix : les nombreux projets de construction sont retardés à cause de ce vilain virus. Jumbo l’admet désormais lui-même : plus de dix n’ouvriront probablement pas cette année. Et cela inclut les acquisitions.
Mais pour pouvoir financer ces acquisitions, il semble qu’il faille supprimer des postes au siège social. L’organisation est devenue trop grasse, estime le directeur financier, Ton van Veen. Un choix de mots judicieux : chez Jumbo, ils comparent leur entreprise à un paquet de frites. Et ce n’est pas nous qui l’inventons : en haut se trouvent les magasins, en bas le siège social. Et tout le monde sait que, dans un paquet de frites, les frites les plus grasses se trouvent au fond. N’est-ce pas ?
La caisse d’abord, la morale ensuite
Peut-on reprocher à la famille Francken de vendre ? Ils estiment avoir travaillé assez dur, et il n’y a pas de successeur. Aux Pays-Bas, en revanche, ce serait impossible : il existe depuis longtemps un accord non écrit entre les chaînes de supermarchés familiaux selon lequel les magasins doivent rester gentiment dans le club. Vendre aux étrangers, ça ne se fait pas (et certainement pas à Colruyt : c’est ainsi que le discounter a été habilement bloqué alors qu’il lorgnait sur le nord il y a une petite quinzaine d’années).
Mais les Belges sont des individualistes pragmatiques. La caisse d’abord, la morale ensuite. Et ce même Colruyt n’avait apparemment pas (ou pas assez) d’argent pour maintenir les magasins dans ses rangs. Dommage pour Alvo, bien que la chaîne des derniers vrais supermarchés indépendants ait attrapé un gros poisson au printemps dernier : le supermarché Magda à Malderen, un monument de l’entrepreneuriat local original. On en .
Pour toutes vos fêtes pendant le confinement
Fait de son mieux dans un contexte difficile pour protéger un tant soit peu notre pouvoir d’achat : Carrefour. Pour la deuxième fois en moins de six mois, la chaîne a baissé un millier de prix. Un millier : cela semble impressionnant, mais un grand supermarché présente 20.000 références dans ses rayons, et un hypermarché le double. Et il n’y en a en réalité par exactement un millier, nos amis de Daltix ont compté. Il faut être précis. Les baisses de prix sont à première vue plutôt modestes. Et bien choisie, d’ailleurs, pour ne pas entrer en collision frontale avec les vrais prix les plus bas. À cet égard, la nouvelle normalité est étrangement similaire à l’ancienne. Vous ne le feriez pas, vous ?
Quoi qu’il en soit, c’est un soulagement de voir qu’il y a tout de même un concurrent qui enfile les gants. Il y a quelques semaines, nous avons été témoins, masque buccal en place, de l’enregistrement d’un nouveau spot télévisé, qui est déjà à l’ antenne . En parlant de dextérité. Et Aldi se la joue fine. Revendique-il le prix le plus bas ? Non, mais plutôt le caddie le moins cher. Si vous sortez du harddiscounter avec votre petit caddie, vous avez globalement dépensé beaucoup moins que chez Colruyt, qui vous appâte vers les emballages familiaux aux allures industrielles et les produits de marques coûteuses.
Autre bonne idée : dès mardi prochain, vous pourrez acheter chez Aldi des brochettes, des ribs et du filet pur, histoire de ne pas vous ruiner pour cette soirée barbecue illégale. Car l’amende est déjà assez chère. Eh oui, ils ont tout compris à la vie. Toujours surprenants, mais toujours avantageux. Enfin, vous voyez ce que je veux dire. Soyez prudents et à la semaine prochaine !
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