L’épidémie du coronavirus bouleverse les règles du jeu sur le marché des produits de grande consommation, affirme Alan Jope, directeur général de la multinationale Unilever : le prix revient au premier plan comme en toute période de récession, l’hygiène devient une priorité et les ventes en ligne explosent.
Pas de bonnes nouvelles
Dans l’ensemble, Unilever ne se trouve pas en mauvaise posture, explique le directeur dans une interview à CNBC : « Notre portefeuille renferme des produits de base dont les consommateurs ont particulièrement besoin maintenant et nos finances sont solides. » Je suis surtout épaté par l’agilité de nos collaborateurs et la vitesse à laquelle ils ont déployé de nouvelles capacités de production. » Le groupe a notamment converti un certain nombre d’usines en sites de production de gels désinfectants en un temps record, alors qu’il contribue également au consortium Formule 1 qui construit actuellement des respirateurs.
Malgré l’énorme hausse des ventes de savon pour les mains, le coronavirus n’est pas une bonne nouvelle pour Unilever, souligne-t-il : « Nous observons des glissements dans la demande, c’est certain. Il y a ainsi une nette baisse de la consommation de glaces et de produits de restauration hors domicile. Et c’est vrai, nous constatons une augmentation de la demande de certains produits d’hygiène, mais l’effet net ne nous est certainement pas favorable sur le plan commercial. »
Le monde en récession
Il s’agit maintenant de se tourner vers l’avenir et d’anticiper la « nouvelle normalité » qui s’annonce. Certains changements de comportement des consommateurs sont permanents, estime Alan Jope. « Je pense à la plus grande attention pour l’hygiène. J’ai travaillé et vécu en Chine pendant l’épidémie de SRAS et elle a amorcé un tournant remarquable en matière de consommation des médias numériques et d’achats en ligne. »
Le même changement pourrait aujourd’hui se produire en Europe. « Et oui, nous pensons aux parties de notre portefeuille de produits qui présentent un bon rapport qualité-prix, car il ne fait aucun doute que le monde entre en récession. Et dans ce contexte, ces produits sont appelés à jouer un rôle important ces trois prochaines années. »
Cela ne signifie pas qu’Unilever abandonne son ambition stratégique pour devenir le leader mondial de la consommation responsable : « J’ai d’ailleurs la conviction que le coronavirus annonce une nouvelle ère de consommation durable. Les consommateurs commencent à assimiler l’idée qu’on ne peut pas continuer à consommer comme avant. Tout le monde sait que le changement climatique est un problème depuis longtemps, alors que les inégalités ne cessent de se creuser. Les commentaires que nous recueillons sur les médias sociaux montrent qu’une prise de conscience a lieu et qu’il faut s’attaquer à ces problèmes avec plus de vigueur que par le passé. »
Marques de confiance
Les consommateurs ont réagi très différemment à cette crise, note le grand patron. Selon Alan Jope, le phénomène de constitution de réserves était particulièrement marqué aux États-Unis. On l’a également observé au Royaume-Uni, mais beaucoup moins en Europe continentale. Sur les marchés émergents, le pouvoir d’achat est plus faible et les consommateurs n’ont pas la place nécessaire pour faire des stocks importants. Le PDG est donc très inquiet des conséquences dramatiques que pourrait avoir la propagation du virus dans les favelas brésiliennes, les bidonvilles indiens ou les camps de réfugiés au Moyen-Orient.
Unilever a l’avantage d’être un acteur mondial depuis plusieurs décennies : « Nous avons l’expérience des crises, comme la crise économique en Amérique latine ou les troubles au Moyen-Orient. Et nous savons que les crises ramènent toujours les consommateurs vers les grandes marques. Les marques inspirent confiance. Chaque fois que les consommateurs sont inquiets ou en quête de certitudes, ils se tournent vers les marques. »