Qu’est-ce que De Mol et Pokémon Go ont à voir avec le shopping en cette crise du coronavirus ? Plus que vous ne pourriez le croire, comme en témoigne un Filet Pur déjà bien grillé, qui pose son doigt soigneusement désinfecté exactement là où le bât blesse.
Foyers de méfiance
Bien que nous nous sentions un peu à l’étroit à la maison, la visite hebdomadaire au supermarché n’est plus une simplement une petite sortie. L’expérience a disparu. Oui, les asperges de Malines sont aussi blanches que les autres années, mais elles ne nous apportent que très peu de joie. Le Grüner Veltliner qui les accompagne peut tout au plus atténuer la tristesse. Le dîner de Pâques que nous allons préparer ne suscite aucune excitation, faute d’invités. Comme tous les ans, nous mangerons des œufs en chocolat à nous en rendre malades, mais cette année peut-être encore plus. Que peut-on faire d’autre ?
Ce qui était jadis un joyeux voyage de découverte à travers les rayons frais et les stands de dégustation est aujourd’hui devenu l’équivalent d’un épisode passionnant du jeu télévisé flamand De Mol. Chaque client, chaque vendeur peut être porteur du virus. Chaque chariot, chaque paquet peut être contaminé. Sans parler des terminaux de paiement. Des foyers de méfiance, c’est ce que sont devenus nos supermarchés, des lieux empreints de suspicion et de peur. Et pour le personnel du magasin, c’est même mille fois plus stressant que pour l’acheteur vigilant, qu’il porte ou non masque. Heureusement qu’entre-temps, presque toutes les chaînes de supermarchés, y compris Lidl et Colruyt, ont conclu un accord de compensation pour leurs employés. Alors qu’en ce moment dans le pays économe que sont les Pays-Bas : Albert Heijn récompense ses courageux collaborateurs avec un chèque cadeau de 25 euros. Je répète : vingt-cinq euros.
Une Pâques bien sombre
Cela ne réjouit pas non plus les comptables. Oui, le chiffre d’affaires fait un joli bond en avant, non seulement grâce aux consommateurs touchés par cette stupide folie du stockage, mais aussi parce qu’ils cuisinent plus souvent avec des ingrédients frais à la maison : la cuisine est la nouvelle cantine d’entreprise. C’est pourquoi Ahold Delhaize peut s’attendre à une augmentation respectable du chiffre d’affaires atteignant quelque 15 % pour le premier trimestre. Mais à côté de ce chiffre d’affaires digne des périodes de fêtes de fin d’année, il faut aussi compter de nombreuses dépenses supplémentaires. Frans Muller a calculé que ce satané virus avait déjà coûté plus de 170 millions d’euros à l’entreprise. Cela représente environ un dixième du bénéfice net de l’année dernière. Les sentiments sont également mitigés chez Tesco, le leader du marché britannique : 30 % de chiffre d’affaires en plus au moins de mars, c’est réjouissant. En revanche, un milliard (!) de coûts supplémentaires dus au coronavirus, voilà des chiffres qui viendront assombrir cette fête de Pâques.
Les crises sont des défis, écrivait, après tout, déjà en 1995 un capitaine d’industrie bien connu dans un best-seller, qui n’est plus disponible ici qu’en occasion. Et elles engendrent aussi bien des gagnants que des perdants. Les plus grands gagnants sont probablement les fournisseurs de panneaux en plexiglas : ils ne connaîtront plus un mois aussi exceptionnel de toute leur vie. Les services de livraison battent également des records. Les grands perdants : les producteurs de frites surgelées, qui n’arrivent pas à écouler leurs délices. Ce n’est pas (encore) visible dans les magasins. Où restent ces offres 1 +2 gratuites quand on en a besoin ?
La misère du commerce en ligne
En France, il semble que ce sont les services drive, les supermarchés et les magasins de proximité qui sortent vainqueurs, tandis que les hypermarchés et les hard-discounters se retrouvent perdants : les uns parce que les consommateurs doivent aller trop loin pour s’y rendre, les autres parce qu’ils ne disposent pas d’une boutique en ligne ou de points de collecte. Chez nos voisins du sud, les commandes en ligne ont augmenté de plus de 50 %, et ce qui est étonnant, c’est que le secteur a réussi à faire face à la plus grande partie de cet afflux. Les courses en ligne représentent déjà 7,7 % de part de marché. Chapeau !
Dans notre pays, en revanche, la misère du commerce en ligne continue. Vous les avez sans doute vus apparaître sur votre écran, les collègues et les membres de votre famille aux joues creuses et affichant d’épaisses cernes sous leurs yeux rouges et humides : ce sont les acheteurs désespérés qui restent assis devant leur ordinateur portable jusque tard dans la nuit en espérant qu’un créneau se libère quelque part. C’est comme chasser un Pokémon rare : addictif, mais aussi épuisant et généralement en vain. Ce sont des témoignages déchirants. Des situations humainement dégradantes même.
En revanche, qui ne semble pas être perturbé le moins du monde par toute cette situation ? Le responsable financier de Jumbo, Ton van Veen. Tant que ses camions sont autorisés à traverser la frontière, il n’y a pas de problème. Les magasins belges réalisent un chiffre d’affaires élevé et les projets d’expansion sont tout simplement dans les temps. Ah oui ? Exactement : qu’aucun nouveau magasin n’ait ouvert cette année était tout simplement à prévoir. Ces douze à quinze supermarchés jaunes étaient tous prévus pour l’automne. Nous le savons aussi. Le fait qu’un comité d’action ait réussi à empêcher l’arrivée prévue de la chaîne à Roulers, c’était sans doute tout simplement planifié. N’est-ce pas ?
Réunions virtuelles
Il faut toujours voir le bon côté des choses : ce coronavirus peut affecter les poumons, mais les neurones restent intacts. La crise stimule en tout cas la créativité. Nous voyons apparaître de nouveaux modèles commerciaux et de merveilleuses collaborations, par exemple entre les entreprises de livraison de repas et les supermarchés, ou encore entre Carrefour et ses producteurs régionaux. Delhaize et Décathlon, la naissance d’une belle alliance : pour compenser l’excès de calories contenu dans ce gigot d’agneau et cet incontournable Brunello di Montalcino, il vous suffit d’ajouter une corde à sauter et un tapis de yoga à votre caddie. Et la chaîne de sport envoie aussi ses employés motivés et en pleine forme, qui s’ennuient de toute façon à la maison, en renfort chez Colruyt. Bien joué !
Tout cela a sans doute été convenu, dans l’esprit du temps, au cours d’une réunion virtuelle – et nullement accompagnée d’une vigoureuse poignée de main, une vieille habitude à laquelle il faudra peut-être mettre un terme une fois pour toutes. En attendant, nous nous rendons de plus en plus compte que de nombreuses réunions – ainsi que les déplacements qui les accompagnent – ne sont pas du tout indispensables. Gardera-t-on ces nouvelles habitudes ? Bien que cette remarquable technologie de vidéoconférence provoque aussi beaucoup de confusion : alors que j’étais en réunion Zoom, j’ai reçu un message sur Messenger dans lequel on me demandait pourquoi mon profil affichait le statut occupé dans Teams et si nous pouvions parler par Skype plus tard. Ah oui, et ce soir, c’est le Whatsapéro avec les collègues, à ne surtout pas oublier. C’est quelque chose, cette nouvelle façon de travailler. On voudrait presque en revenir à ce bon vieux fax. Vous pas ? Même si cette fête de Pâques ne sera sans doute pas si joyeuse, n’oubliez pas de profiter de votre long week-end. Eh oui, nous ne devons pas aller travailler lundi ! Profitez-en ! À la semaine prochaine !
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