Le premier assouplissement des mesures prises dans le contexte de crise du coronavirus a été annoncé : les détaillants alimentaires peuvent à nouveau se livrer bataille. C’était urgent, car ils accumulent les pertes. Après tout, trop de succès n’est pas bon non plus. Testé et diagnostiqué positif : votre collation préférée du vendredi.
Noël au printemps
Il semble que ce virus donne faim. Cette semaine, GfK a rapporté un effet du coronavirus sur les ventes des magasins : les gens viennent moins souvent mais dépensent 20% de plus par visite, et ce depuis trois semaines consécutives. C’est Noël au printemps, même si l’ambiance n’y est pas. Néanmoins, les chaînes de supermarchés ont farouchement réfuté l’idée qu’ils gagnent de l’argent facilement, maintenant qu’elles devraient récupérer la quasi-totalité du chiffre d’affaires de la restauration et, en outre, qu’elles n’avaient pas pu proposer de promotions pendant deux semaines. Non, bien au contraire : nous devrions être désolés. Albert Heijn se même plaint ouvertement dans le journal des « difficultés financières » générées par ces mesures de confinement qui coûtent tellement cher. La faillite est imminente : je pense qu’il est grand temps de procéder à un renflouement.
Ils savent ce qu’ils font, bien sûr : encouragés par les syndicats, tous les employés du secteur de la distribution alimentaire tendent à présent la main. Pas pour proposer leur aide mais pour réclamer leur part du gâteau, sous la forme d’une importante prime coronavirus. Ils ont senti la bonne affaire. Donc les sièges sociaux réagissent.
Certes, ces chiffres étonnants continuent de perturber la chaîne d’approvisionnement. L’absentéisme est élevé, la charge de travail des courageux rescapés devient intenable, la peur d’être infecté pèse lourdement. Chez Delhaize, les syndicats ont réussi obtenir une prime et des masques buccaux. Quant à savoir d’où ils sont « miraculeusement » apparus, c’est une autre histoire. En tout cas : chez Carrefour, les employés en veulent aussi. C’est pourquoi certains magasins à Bruxelles sont restés fermés aujourd’hui. Les commerçants des nightshops s’inquiètent aussi pour leur santé. Rester ouverts pour accueillir une poignée de clients ivres, ils n’en ont plus envie : ils demandent donc une fermeture obligatoire, avec la prime qui l’accompagne. C’est chacun pour soi.
Un retour spectaculaire
Toutefois, quel n’a pas été le soulagement lorsque le gouvernement a décidé, en début de semaine, d’ autoriser les magasins à relancer leurs actions promotionnelles. L’interdiction visait jusqu’alors à lutter contre le surstockage : un bon plan, mais pas tout à fait fondé sur le plan psychologique. C’est souvent le cas avec les décisions du gouvernement.
Albert Heijn a été le premier à relancer, avec la parcimonie hollandaise, six (6) actions promotionnelles. Étonnant, en effet, mais compréhensible compte tenu des énormes difficultés financières dans lesquelles se trouve actuellement l’entreprise. Le leader du marché a alors sans hésitation donné le bon exemple. Plusieurs dizaines d’actions ! Le retour spectaculaire des prix rouges ! Reprise immédiate d’une pression promotionnelle de 9%! Comme s’ils avaient quelque chose à se faire pardonner, en effet. Colruyt, un suiveur de prix ? Hmmm, je ne pense… Après tout, il n’y avait rien à suivre : les autres détaillants préfèrent attendre, en quelque sorte. Ou ils ne sont tout simplement pas prêts pour reprendre la bataille.
Contre-offensive intelligente de Delhaize : un « rabais de solidarité » de 5% sur tout achat. Et ce afin de ne pas mettre davantage de pression sur le personnel fatigué des magasins et des centres de distribution. Bien choisi, ce terme. Nous sommes tous dans le même bateau. Hashtag #ensemblecontrelecorona et tout ça. L’église au milieu du village : un petit pouvoir d’achat supplémentaire, sans faire de mal à personne. Quoique : à Halle, il y a eu quelques contestations. Après tout, l’autorisation ne s’applique officiellement qu’aux actions promotionnelles qui avaient déjà été convenues à l’avance – comme les prospectus. Mais un tel rabais de solidarité improvisé, c’est encore autre chose. On ignore s’ils ont déjà appelé la sécurité sociale, mais dans tous les cas la bonne ambiance est revenue.
Emploi thérapeutique
Et qu’est-ce que les gens achètent, maintenant que les caves et les placards sont remplis de papier toilette ? Ceci : « Avec la quantité de farine vendue chez Colruyt et OKay depuis le début de la crise, on peut faire 2,5 millions de gâteaux… » Oui, c’est ce qu’a calculé quelqu’un qui avait un peu trop de temps cette semaine. Quiconque consulte son fil d’actualité sur Facebook (et, ces jours-ci, qui n’est pas en permanence sur Facebook ?) peut en effet conclure empiriquement que la moitié du pays s’est lancée dans la pâtisserie. En particulier cette moitié qui se retrouve coincée en télétravail avec des enfants grognons, bien entendu.
C’est bien beau, la pâtisserie comme emploi thérapeutique. Mais quelqu’un va bien devoir manger tous ces gâteaux, ces tartes, ces muffins et ces brownies. Avoir un beach body ne sera probablement pas la priorité cet été. Avec toutes les conséquences que cela implique : nous prévoyons des pics de ventes discrets pour les médicaments Rennie, Maalox et Gaviscon. Espérons que les pharmaciens aient rempli leurs stocks !
Circulation à sens unique
D’ailleurs, d’autres acteurs du secteur alimentaire profitent de la quarantaine : HelloFresh, par exemple, rapporte que son chiffre d’affaires explose. Eh bien, apparemment, ils sont les seuls à pouvoir encore traiter l’afflux de commandes en ligne, donc je suppose qu’ils se réjouiront de cette croissance exponentielle. Le service de livraison Uber Eats se frotte aussi les mains : désormais, il livrera à domicile les courses Carrefour. Bien joué ! Ce partenariat débutera à Paris, mais Uber Eats espère le déployer en Belgique. Tiens, tiens, pour concurrencer ShipTo ?
Et pour terminer. Garder une distance de sécurité dans les magasins, oui mais comment ? Chez Walmart, ils ont cru qu’ils avaient inventé l’eau chaude en instaurant la circulation à sens unique dans les magasins. Oui ! Ils ont installé des marquages au sol et même des panneaux de sens unique sur les têtes de gondole. Cela vous semble familier ? En effet. Nous savons tous où mène une telle mesure : les clients qui suivent scrupuleusement les flèches chez Colruyt risquent d’être traités d’autistes par les clients qui estiment que la libre circulation dans le magasin est un droit de l’homme essentiel. Encore une fois : un bon plan, mais pas tout à fait fondé sur le plan psychologique. C’est souvent le cas avec les décisions de gestion.
Comme l’a dit Douglas Adams, l’auteur de l’inégalable Le Guide du voyageur galactique : « L’homme est unique parce qu’il peut apprendre de l’expérience des autres. Et parce qu’il refuse généralement de le faire. » Effectivement. À contre cœur, je pense que je vais déboucher une autre bouteille ce soir. Et vous ? À la semaine prochaine !
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