La responsabilité sociale des entreprises ne doit pas faire obstacle à la croissance, c’est ce que prouve l’entreprise de cosmétiques Yves Rocher : la durabilité est désormais inscrite dans ses statuts. La marque se montre en même temps extrêmement ambitieuse : « Nous devenons une marque mondiale. »
Plus de produit, moins d’emballage
Le leader du marché français est récemment devenu la deuxième marque de beauté en Belgique : Yves Rocher a dépassé L’Oréal l’année dernière et n’a donc plus qu’à passer devant Nivea, selon les calculs d’Euromonitor. « Mais ce que nous voulons par-dessus tout, c’est être la meilleure marque pour la planète. Alors nous serons aussi la meilleure marque pour le consommateur », déclare le CEO de l’entreprise, Guy Flament, qui s’est rendu à Bruxelles pour s’adresser à la presse et dévoiler la philosophie de l’entreprise de cosmétiques. Il me montre un petit flacon : « c’est un gel douche super concentré : 100 ml suffisent pour 40 douches, soit autant qu’une bouteille moyenne de 400 ml. Plus de produit, mais donc moins d’emballage. »
Cela illustre parfaitement l’approche durable de l’entreprise. Yves Rocher est récemment devenu la première entreprise à se conformer à la nouvelle loi « PACTE » en France, qui accorde le statut officiel d’« Entreprise à Mission » aux sociétés ayant une mission. « Le fondateur Yves Rocher était un écologiste avant même que ce mot n’existe. Jeune homme à la santé fragile, il a appris à connaitre la nature et s’est passionné pour les plantes et la verdure. L’idée de fonder une entreprise qui fabriquerait des produits de beauté à partir de plantes était révolutionnaire à l’époque. »
Biodiversité
Et cette vision est plus que jamais d’actualité, indique le dirigeant : « Nous nous sommes éloignés de la nature et avons plus que jamais besoin d’y retourner et de la protéger. » La mission de la société est « Reconnect people to nature ». Celle-ci se traduire par plusieurs objectifs concrets.
Yves Rocher s’engage notamment en faveur de la biodiversité. C’est le cas, par exemple, de la municipalité de La Gacilly en Bretagne, où l’entreprise a vu le jour il y a 60 ans et où se trouvent encore aujourd’hui son siège social et son centre de distribution mondial. Yves Rocher y a aussi exercé la fonction de maire. « Depuis 1997, nous avons adopté la culture biologique. Nous ne testons plus de produits sur les animaux depuis 1989, soit 15 ans avant que la loi ne l’interdise. Aujourd’hui, nous allons encore plus loin. Tous nos sites travaillent en étroite collaboration avec la Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO). Et d’ici 2030, nous voulons être complètement neutres en carbone. »
200 millions d’arbres
En tant que marque de consommation, Yves Rocher est bien conscient de son impact sur l’environnement. L’entreprise veut être un précurseur. « Nous n’utilisons plus de sacs en plastique dans nos magasins depuis 2006. Nous avons réduit l’utilisation du plastique dans nos emballages de 20 % depuis 2010. D’ici 2030, nous voulons réduire de 30 % le nombre de nos emballages plastiques et veiller à ce qu’ils soient recyclés et recyclables à 100 %. »
« Nous touchons plus de 20 millions de clients dans le monde entier. Nous voulons les engager eux aussi », déclare Guy Flament. « Avec la Fondation Yves Rocher, nous menons depuis 2007 la campagne “plantons pour la planète” : chaque fois qu’un client ouvre une carte de fidélité ou achète un produit particulier, nous plantons un arbre. Nous planterons notre 100 millionième arbre en 2020 et nous visons les 200 millions pour 2030. »
3.000 points de vente
L’un des avantages est qu’Yves Rocher est une entreprise intégrée qui contrôle l’ensemble de sa chaîne d’approvisionnement, le tout sans intermédiaire. « De cette façon, nous pouvons offrir les meilleurs produits à des prix accessibles. Nous ne sommes pas une marque de luxe : nos clients correspondent à un échantillon représentatif de la société et nous vendons nos produits aux mêmes prix que les marques de la grande distribution. Le fait que nous soyons une entreprise familiale est également important dans ce contexte : cela nous permet de développer une vision à long terme. Bris Rocher, petit-fils du fondateur, en est d’ailleurs le Président-Directeur Général depuis 2010. »
Aujourd’hui, les produits Yves Rocher arrivent chez les consommateurs par différents canaux. Tout a commencé avec la vente par correspondance, qui représente encore aujourd’hui 17 à 18 % des ventes. « De nos jours, elle est bien sûr principalement utilisée par des clients plus âgés avec lesquels nous entretenons une relation très directe. Ils sont très fidèles. » Depuis les grèves postales de mai 68, la société a décidé d’ouvrir ses propres magasins. Les environs 3 000 points de vente répartis à travers le monde représentent 60 % du chiffre d’affaires de l’entreprise. « Nous sommes particulièrement bien représentés en Europe, en Russie et en Turquie. À long terme, nous voulons continuer à nous développer en Asie du Sud-Est et en Afrique. La marque a certainement de beaux jours devant elle sur ce continent : nous y avons déjà 200 magasins. »
Conseils et expérience
Le commerce en ligne représente 10 % du chiffre d’affaires. « Nous développons ce canal de vente en synergie avec nos boutiques : ce sont en effet les mêmes clients. 70 % des clients de nos magasins physiques visitent d’abord notre site web et plus de 50 % des acheteurs en ligne se rendent également dans nos magasins. Nous ne proposons pas le service “click & collect” car nos magasins sont trop petits pour cela. Cependant, les clients peuvent rapidement et facilement passer du magasin à la boutique en ligne. »
Enfin, le dernier canal de l’entreprise est la vente directe ou vente sociale, comparable au célèbre modèle Tupperware : des ambassadrices vendent des produits à la commission. Ce modèle est surtout populaire en Italie, au Portugal et en Amérique du Sud. « La vente par correspondance va diminuer, le commerce électronique continuer de se développer, mais le retail n’est pas mort. », souligne M. Flament. « Nous attachons une grande importance au rôle humain de nos vendeurs et à l’expérience client dans nos magasins : les clients y reçoivent des conseils, peuvent sentir les produits, les toucher… Nous mettons cela de mieux en mieux en scène. Nous proposons par exemple des diagnostics de peau. »
Opportunités en Flandre
En Belgique, Yves Rocher possède environ 90 magasins, pour la plupart exploités par des franchisés indépendants. « Nous travaillons avec des entrepreneurs motivés qui connaissent parfaitement leurs clients. La plus grande partie du marché est couverte, mais il existe encore quelques opportunités, surtout dans le nord du pays. »
Enfin, quels sont les grands défis pour Yves Rocher selon Guy Flament ? « Nous sommes une marque avec un ADN riche et un modèle commercial unique, nous arrivons donc très bien à nous démarquer. Toutefois, nous devons veiller à poursuivre notre développement et à nous tenir au courant des dernières tendances et technologies, tant en termes d’innovation produit que d’expérience en magasin et de numérisation. Notre développement international est également une priorité : nous voulons devenir une marque mondiale à part entière. Et enfin, nous devons respecter nos engagements durables. C’est ce que demandent les jeunes générations. »