« Le » cyberacheteur belge n’existe pas : Les consommateurs francophones sont déjà into Amazon, alors que les consommateurs flamands ne le sont pas (encore). « Divisez le pays », conseille le cabinet de consulting Wunderman Thompson ; mais pas sur le plan politique. Quoi qu’il en soit, l’arrivée imminente du géant du web dans la région néerlandophone aura un impact majeur. Êtes-vous prêt ?
Bruxelles montre la voie
Le marché belge du e-commerce est « extrêmement » différent de celui des autres pays, déclare Denis Ghys, responsable du centre d’expertise en commerce de détail du cabinet de consulting Wunderman Thompson dans notre pays. « Nous aidons les marques et les détaillants à mettre en place une approche omnicanale intégrée. La base est une connaissance approfondie de l’acheteur : pour notre rapport Future Shopper, nous avons interrogé plus de 15 000 consommateurs dans le monde entier, dont 1 507 en Belgique, qui font des achats en ligne au moins une fois par mois. Cette enquête se fera désormais annuellement : plus tard dans l’année, nous dresserons un profil encore plus détaillé de ce cyberacheteur. L’arrivée d’Amazon aux Pays-Bas aura sans nul doute un impact en Flandre », prévoit-il.
Ghys souligne les très grandes différences entre le comportement d’achat des Flamands, des Bruxellois et des Wallons. La plupart des « primo adoptants » sont dans la capitale : 20 % des habitants de Bruxelles ont déjà recours à des assistants numériques pour effectuer des achats en ligne, contre 15 % en Flandre et 13 % en Wallonie. 24 % des habitants de Bruxelles envisagent un avenir sans argent liquide, contre 13 % en Wallonie et 11 % en Flandre. La Wallonie et Bruxelles francophone se rapprochent fort de la France, et les consommateurs effectuent leurs recherches sur Amazon plutôt que sur Google. À Bruxelles et en Wallonie, Amazon est également l’un des principaux canaux d’achat, alors qu’en Flandre, la plateforme n’est que cinquième. Les Flamands se tournent plus souvent vers les moteurs de recherche et les plateformes locales comme bol.com ou 2dehands.be.
Les marchés mettent la barre plus haut
Mettre en place une stratégie unique à travers tout le pays ne tient donc pas la route : au contraire, mieux vaut comprendre les préférences hyperlocales en matière de marques et de canaux », explique Denis Ghys. « Divisez donc le pays, du moins pour ce qui a trait à votre stratégie marketing. » C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le cabinet Wunderman Thompson compte deux bureaux en Belgique, un à Bruxelles et un à Anvers.
Ghys entrevoit des opportunités réelles pour les entreprises qui innovent dans le secteur du numérique. Ce sont de nouveaux marchés qui aujourd’hui placent la barre toujours plus haut : ils représentent déjà 51 % des achats en ligne des Belges. « 39 % des consommateurs sont prêts à bénéficier de meilleurs services que ceux proposés actuellement par la plupart des boutiques en ligne. 52 % consultent les avis et les prix en ligne, même pendant les achats. 36 % attendent une livraison dans les 24 heures. Et un bon programme de fidélité serait la deuxième raison majeure qui pousserait les Belges à se tourner vers d’autres détaillants qu’Amazon. »
Les frontières entre le monde en ligne et hors ligne ne cessent de s’estomper. 46 % des consommateurs préfèrent acheter des marques présentes à la fois en ligne et hors ligne. 55 % des personnes interrogées recherchent des informations en ligne avant de faire leurs achats hors ligne. Les sites internet des marques ont un rôle à jouer de plus en plus important, notamment en tant que canal d’inspiration pour les jeunes consommateurs (16 à 24 ans).
Nouvelle technologie d’achats
46 % des personnes interrogées souhaitent que les marques se montrent plus innovantes dans l’utilisation de la technologie numérique pour améliorer l’expérience client. 21 % des Belges interrogés achètent déjà des produits de consommation électroniques par le biais de systèmes automatisés, et 18 % ont un abonnement en ligne. Des services tels que HP Instant Ink, HelloFresh ou Birchbox sont déjà bien établis dans le pays : cela montre que les Belges sont particulièrement ouverts aux nouvelles technologies d’achats. « 40 % des Belges déclarent qu’ils utiliseront des assistants numériques d’ici deux ans. 15 % en utilisent déjà. C’est plus que dans nos pays voisins. »
La durabilité et l’éthique sont également à l’ordre du jour. Pour 46 % des personnes interrogées, l’éthique d’une entreprise est un critère de sélection important dans la décision d’achat, et 40 % ont déclaré préférer les entreprises respectueuses de l’environnement. Les opportunités de réussir à faire concurrence aux grandes plateformes sont donc réelles, pense Denis Ghys. « Comment l’emporter contre Amazon ? En faisant mieux. Actuellement, Amazon est la référence. La plateforme fixe les règles en termes de prix, de gamme, de rapidité, d’avis, de personnalisation… Elle détermine les attentes, car il n’y a pas d’alternative. Mais Amazon est également homogène et stérile, et son offre locale pertinente est faible. Concentrez-vous donc sur l’expérience, sur l’émotion, sur la personnalisation et sur l’offre locale. Prenez notamment exemple sur l’expérience unique de Nike. Flexibilisez votre offre sur différents canaux et investissez dans le design : photographies, emballage et description des produits deviennent des éléments essentiels. »
L’empathie est la clé
En fin de compte, tout est une question d’empathie : comprendre ce que veulent les consommateurs et utiliser la technologie numérique pour améliorer leur expérience. Trop de détaillants manquent encore la cible : « Dans les magasins de télécommunications, on trouve invariablement des présentoirs avec les appareils les plus récents et une caisse. Mais la plupart des gens s’y rendent pour poser des questions ou émettre des plaintes concernant un produit existant, et les centres d’appel sont surchargés. Les fournisseurs de télécommunications n’ont pas correctement réparti les offres et les services entre le monde réel et le monde virtuel. Dans quel magasin de télécommunications êtes-vous reconnu, habilité et reçu personnellement en tant que client ? Pour Ghys, les formules d’abonnement ont un fort potentiel : pour les lentilles de contact, par exemple, c’est une mine d’or. “Mais trop de marques ne maîtrisent pas l’essentiel et considèrent leur boutique en ligne comme un magasin de plus”.
Qui est l’exemple à suivre ? “Un exemple typique est Ikea : le magasin de meubles est devenu un écosystème. Lunch Garden est également un bel exemple, l’enseigne s’est réinventée. On peut également constater que les petits détaillants s’en sortent souvent bien ; le marché des baskets, par exemple, est très dynamique.” La conclusion est faussement simple : “Osez voler les bonnes idées, et répondez aux besoins qui ne sont pas satisfaits par Amazon.”