Vendredi 13 dans le retail alimentaire : des victimes sont à déplorer, du sang coule et des tueurs en série rôdent. Il ne faut pas compter sur la chance aujourd’hui : nous sommes tous condamnés… Lisez et frémissez !
Pas un trouillard
Parascavedekatriaphobie, ce mot exotique dérivé du grec ancien signifie la « peur du vendredi 13 ». Les personnes qui en souffrent sont incapables de sortir de leur lit aujourd’hui et ne lisent donc pas cette chronique pourtant éclairante et divertissante. Nous-mêmes ne croyons pas à cette superstition : cela porte malheur. Et en plus c’est aussi la pleine lune !
L’entrepreneur Stijn Martens n’est certainement pas un trouillard : il veut en effet lancer le tout premier supermarché 100 % en ligne de Belgique. Hopr possède déjà trois fourgonnettes électriques opérationnelles et lancera ses activités l’année prochaine dans une ville belge dont le nom n’a pas encore été dévoilé. Et ce, à l’image de l’entreprise néerlandaise Picnic. Ils existent depuis quatre ans maintenant, et devinez quoi ? Ils n’ont pas encore fait la moitié d’un euro en bénéfices. Pas un seul pure player d’ailleurs, mais bien des tonnes de capital-risque. Claquer de l’argent, c’est une affaire en soi.
Il suffit de demander aux capital-risqueurs derrière Deliveroo : là aussi, les investissements ne rapportent pas grand-chose pour le moment. Mais cela n’empêche pas le livreur de repas d’innover. Qu’ont-ils encore inventé ? Qu’ils ne livreront pas. Et oui : à partir de maintenant, vous pouvez venir chercher vous-même votre commande dans le restaurant de votre choix. Bien vu : ainsi, ils n’ont pas à payer de coursiers, mais perçoivent quand même leur commission. Les initiateurs du marché alimentaire couvert bruxellois, Wolf, sont également très courageux : bien que leurs collègues de Gand et d’Anvers aient dû fermer boutique, ils pensent pouvoir faire mieux. Qu’ont-ils l’intention de faire ? Ils vont compléter leur offre de stands alimentaires habituels par un marché bio. Vous avez bien lu : un marché bio. Non, ils n’en avaient pas encore à Bruxelles…
Un rapport brillant
Le délit d’initié n’est certainement pas légal, mais chez RetailDetail vous êtes à l’abri. Des observateurs attentifs l’avaient vu venir depuis deux semaines. Des petites étincelles dans les yeux, une démarche enjouée sur scène, une allure décontractée, et même la bonne volonté de répondre gaiement à quelques questions devant la caméra : on ne pouvait le manquer, ce sacré Jef était remarquablement excité pendant notre RetailDetail Night. Depuis lundi soir, nous savons pourquoi : il était déjà sûr qu’il allait publier un excellent rapport. Si brillant, en fait, qu’il ne pouvait tout simplement pas attendre pour le rendre public : il a révélé ces chiffres semestriels solides un jour plus tôt que prévu.
Cela n’a pas plu à tous les analystes. Ils ont même réagi avec une certaine amertume : après tout, ces résultats n’étaient pas si formidables que ça. Un petit peu d’augmentation du chiffre d’affaires, un peu de gain de parts de marché, un peu d’amélioration de la marge, un résultat net un peu plus élevé… Pas de quoi s’exciter, ont-ils pensé, assez déçus. Après tout, Jumbo ne s’était pas encore lancé en Belgique lors du premier semestre. La véritable compétition n’a pas encore commencé. En gros, les recommandations de vente sont maintenues. Oui, enfin, que Colruyt ait entre temps déjà ouvert quelques beaux nouveaux magasins, comprenant même un potager urbain sur leur toit, ça, ce n’était qu’un détail.
Tueurs en série
Et pourtant, nous sommes tous condamnés. Parce que cette guerre des supermarchés n’a pas encore éclaté dans toute son intensité, comme nous avons, par exemple, pu le déduire la semaine dernière des chiffres divulgués pour les trois premiers magasins belges du Danger Jaune. Selon les initiés, chacun d’eux réaliserait facilement 350 000 euros de chiffre d’affaires hebdomadaire, c’est-à-dire une productivité de 9 100 euros environ par mètre carré. Pour ceux qui ne s’y connaissent pas en chiffres d’affaires de supermarchés : ce sont en effet des montants très respectables. Même si l’intérêt pour ces magasins flambant neufs venait à se stabiliser dans les mois à venir, l’ensemble des concurrents devront encore renoncer à plusieurs centaines de milliers, pour ne pas dire des millions, d’euros de chiffre d’affaires. Au final, il y aura des morts avec Jumbo dans le rôle du tueur en série.
Sans oublier l’autre tueur en série, bien sûr : Albert Heijn a décidé d’ouvrir un magasin à Ostende sur la Torhoutsesteenweg, une variante de l’horrible Boomsesteenweg à Wilrijk, possédant une concentration sans précédent de magasins en périphérie mal entretenus. Sont situés à proximité immédiate : Lidl, Colruyt, AD Delhaize, Aldi et Carrefour Market. Malgré une grande variété de choix, les chalands locaux ont choisi de faire la file devant le nouveau supermarché. Et le très sympathique bourgmestre a jugé nécessaire de venir souhaiter en personne la bienvenue à ce concurrent supplémentaire pour les acteurs du commerce de détail locaux. C’est comme ça qu’on apprend à connaître ses amis.
Bain de sang
Un autre voisin du nouveau magasin d’AH, le héros local Spegelaere, le dernier des Mohicans, un supermarché encore indépendant à 100 % qui a récemment fait peau neuve en ajoutant entre autres un marché frais, un restaurant et un pizzaiolo à son magasin. Une rénovation qui a dans tous les cas coûté une petite fortune. Les entrepreneurs se seraient inspirés du London Borough Market : un haut-lieu touristique également connu depuis 2017 pour avoir été le théâtre d’une attaque terroriste. En fait, ils se jettent une malédiction sur eux-mêmes. Avons-nous déjà dit que du sang allait couler ? La région est également sur la liste d’envie de Jumbo…
Chez Carrefour, ils ne se sentent toutefois pas concernés. Un combat de supermarchés ? Laissons ça aux autres. Le détaillant va se concentrer encore davantage sur les citadins branchés disposant d’un budget illimité et a donc développé une nouvelle génération de ses magasins de proximités Express. La version 3.0 se veut cosy : avec un coin salon cosy, un bar à salades, un bar à soupes, un bar à pizzas, beaucoup de produits bio, des jus frais, des murs en béton brut, des vélos pendus aux murs… À Evere ils l’ont bien compris : vendre est devenu une question secondaire, c’est l’expérience qui prime. La boutique sera une sorte d’espace de co-working amélioré. Et si on suit ce raisonnement, si le wifi fonctionne, alors le reste suivra. Ça m’arrange bien puisque nous allons encore devoir camper quelques semaines entre les cartons donc un espace de travail « on-the-go » confortable pourrait nous être très utile. On arrive ! Et vous ? À la semaine prochaine !
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