Dans un marché de la mode en repli il faut se battre pour chaque euro cent, affirme Bart Claes, CEO de JBC. Le retailer investit pleinement dans l’amélioration de l’expérience client en magasin et la transformation numérique. Les premiers signes de redressement commencent à se manifester.
Année de transition
Claes Retail Group, le holding chapeautant les enseignes JBC et Mayerline, a réalisé un chiffre d’affaires de 240,2 millions d’euros durant l’exercice comptable 2018, contre 267,9 millions d’euros l’année auparavant. L’EBITDA s’est élevé à 2,4 millions d’euros et la perte nette s’est établie à 18 millions d’euros, une légère amélioration comparé aux 19 millions d’euros de 2017. Donc des chiffres rouges pour la troisième année consécutive, mais l’entreprise contre-attaque, souligne le CEO Bart Claes d’un air combatif : « Nous sommes en état de guerre, oui, il faut se battre … ».
Néanmoins il ne perd pas confiance : « Pour commencer nous avons un bilan sain : grâce aux capitaux propres que nous nous sommes constitués au fil des années, nous avons de quoi résister. Pour l’heure le cashflow est plus important que le résultat net. Ces dernières années nous avons effectué beaucoup d’amortissements et nous n’avons quasiment plus de dettes, ce que peu de collègues peuvent prétendre. 2019 sera une année de transition, durant laquelle nous viserons une amélioration structurelle. En 2020 nous devrons revenir dans le vert au niveau de l’EBIT. En tout cas nous avons déjà constaté une tendance positive durant les trois premiers mois de 2019, les premiers signes d’un redressement. Mais je reste prudent : nous ne sommes qu’à mi-chemin … Il faut continuer à se battre pour chaque client. »
Tomorrowland
JBC est loin d’être la seule enseigne de mode à éprouver des difficultés. Quel est le problème ? « C’est un fait, le consommateur dépense moins en vêtements, et c’est là que le bât blesse. La part du budget familial consacrée à l’habillement a chuté de 7% à 5% en quelques années. Les gens ont d’autres priorités : ils préfèrent acheter un ticket pour Tomorrowland qu’une nouvelle tenue. Ils achètent plus souvent d’occasion, une app comme Vinted bouleverse le marché. Vu la baisse de la demande, le chiffre d’affaires est sous pression et les retailers y répondent par des réductions. Les consommateurs le savent et attendent : chaque semaine il y a des offres attrayantes. Cela pèse sur les marges. »
De plus, les coûts augmentent. Les retailers doivent investir sur deux fronts : d’une part dans les magasins physiques, afin qu’ils restent attrayants pour les clients, et d’autre part dans le développement d’un canal en ligne pour contrecarrer les ‘pure players’ qui mettent la barre très haut en termes d’expérience utilisateur. « On doit suivre le mouvement, sinon on est fini … Mais c’est néfaste pour la bottom line. Les concepts de magasins vieillissent plus vite, leur cycle de vie ne dépasse plus les sept ans depuis longtemps. Les clients exigent plus d’expérience, plus d’innovation. Mais peut-on amortir un nouveau magasin sur trois, quatre ans ? C’est un énorme défi. Nous devons être extrêmement flexibles. »
En outre le secteur de la mode est un marché très international, avec de sérieux concurrents. « Nous participons à la Ligue des Champions, mais sans prime de participation. Tous les groupes de mode souffrent de la transformation numérique. Je ne vois qu’une seule exception : Inditex, qui s’en sort admirablement. Dans ce contexte en tant que Belges, nous sommes confrontés à un handicap au niveau de l’envergure, un pouvoir d’achat limité. »
Maîtrise des coûts
La réponse à ces défis réside en partie dans une stricte maîtrise des coûts. « Tous les retailers optimalisent leur réseau de magasins. Songez à Liège par exemple : H&M y a fermé tous ses magasins en centre-ville pour ne garder que ceux situés dans les centres commerciaux Médiacité et Belle-Ile. Nous aussi, nous rationalisons : l’an dernier nous avons fermé cinq magasins et en avons ouvert un seul, à Soignies. Donc au final, quatre en moins. Certains emplacements ne sont plus rentables, tout simplement. Nous revoyons la situation tous les six mois. Renégocier des contrats de bail n’est pas si évident, bien que certains propriétaires commencent à bouger. Ils doivent nous soutenir. Nous constatons une évolution vers un modèle variable, sur base du chiffre d’affaires. »
JBC taille également dans les coûts. L’entreprise continue d’optimaliser et d’évaluer tous ses départements. « A chaque départ d’un collègue, nous réfléchissons consciencieusement a son remplacement. Nous avons toujours agi en fonction de nos moyens. Mais des mesures d’austérité poussées peuvent avoir des effets négatifs sur la satisfaction client et au final ça se paie. Nous voulons rester proches de nos clients, donc nous ne pouvons pas économiser sur les services. Les clients qui nous envoient un message par Whatsapp, s’attendent à une réponse immédiate. » Autre priorité du retailer : l’utilisation plus judicieuse des données des 1,1 million de clients de la chaîne, et ce à l’aide de l’intelligence artificielle. « Le temps des actions marketing de masse est révolu, il faut affiner le tir. »
Axé sur les enfants
JBC se doit d’innover encore davantage, le CEO en est convaincu. « Durant la période 2018-2019 nous avons déjà testé bon nombre de nouveaux concepts. Nous élargissons les collections et améliorons les magasins. Nous misons plus que jamais sur le shopping en famille. Voir des parents avec leurs enfants dans nos magasins me donne de l’énergie. Nous sommes une enseigne familiale, c’est ce qui nous rend unique. C’est pourquoi l’aménagement de nos magasins est fortement axé sur les enfants. Nous prévoyons du divertissement partout, sans pousser les enfants dans un coin jeux. Les parents aiment faire du shopping en compagnie de leurs enfants. Nous avons adapté nos collections en ce sens : c’est ce que nous appelons le ‘twinning’, c’est-à-dire le fait d’assortir la tenue de la maman et de sa fille par exemple. Nous sommes des pionniers dans ce domaine. Songez par exemple à la collection familiale créée en collaboration avec Katja Retsin, pour la maman, la fille et et le fils. »
Autre belle initiative de JBC : le projet de personnalisation Studio Unique, permettant aux clients de faire broder leur propre texte sur un sweater. « Dans ce contexte nous collaborons avec les ateliers protégés Bewel (Beschutte Werkplaatsen Limburg), ce qui confère une dimension sociale au projet. Et ça plait : en deux semaines de temps nous avons déjà personnalisé quelques milliers de sweaters pour nos clients, qui ne manquent pas d’imagination. Ainsi nous renforçons le lien avec le client, ce qui à son tour fait grimper la fidélité client et les dépenses. »
Qu’en est-il des projets d’avenir ? « Dans les six prochains mois nous allons rénover 15 autres magasins. A l’automne les premières collections adaptées feront leur entrée, au printemps 2020 vous constaterez un élargissement de notre offre, avec d’autres atouts qualité-prix. Chez Mayerline aussi nous évoluons. Les collections seront plus stylées et le 5 septembre nous rouvrirons le magasin de Wijnegem, selon un nouveau concept. »
Malgré la pression JBC ne fait aucune concession sur la durabilité, souligne Claes. « Notre volonté dans ce domaine est claire. Ce n’est pas un hasard si ma sœur Ann a été proclamée ‘CSR Professional 2018’. Nous restons membres de la Fair Wear Foundation et allons encore plus loin en organisant une collecte permanente de vieux vêtements à partir de cet automne, pour que nos clients contribuent à réduire les déchets. »