L’incertitude quant au choix de la bonne taille dissuade encore beaucoup de consommateurs d’acheter des chaussures et des vêtements en ligne. Elle se traduit aussi par de nombreux retours qui pourraient être évités. Zalando recherche des solutions innovantes à ce problème.
Pas de standards
« Si vous demandez aux gens s’ils connaissent leur taille, la majorité vous répondra que non. Il est en fait très difficile de trouver des vêtements seyants. Et c’est aussi bien le cas pour les achats en ligne que dans les magasins physiques », affirme Stacia Carr qui, en sa qualité de Director of Engineering chez Zalando, dirige une équipe d’innovation spécifiquement dédiée à la problématique des tailles.
« Autrefois, bien avant l’apparition du commerce de détail, les vêtements étaient confectionnés sur mesure par un tailleur ou par votre grand-mère par exemple. Il existait une relation directe et personnelle avec le fabricant, à qui vous pouviez faire part de vos souhaits. Les choses ont changé lors du passage à la production de masse. Depuis, les marques créent des vêtements pour le grand public, en se basant sur des tailles moyennes. Et comme si cela ne suffisait pas, les tailles de mode ne sont pas standardisées : une taille 36 chez une marque peut très bien correspondre à une taille 38 chez une autre. Les clients le savent et se limitent donc souvent à une poignée de marques dont ils sont sûrs que les vêtements leur iront. »
Éliminer les frustrations
Pour un acteur comme Zalando, ce manque d’uniformité constitue un énorme problème. Plus de 20 % des consommateurs hésitent encore à acheter des vêtements en ligne par crainte qu’ils ne leur aillent pas malgré le choix de leur taille habituelle. Résultat : ils ne commandent pas – ce qui se traduit par un manque à gagner pour les e-tailers – ou retournent de grandes quantités d’articles. « Un retour sur trois est dû à un problème de taille. Autant de renvois qui pourraient être évités. »
Les coûts que cela engendre pour Zalando ne sont pas la principale raison qui pousse l’e-marchand à tenter de solutionner le problème, assure Carr. « Le consommateur, et non l’entreprise, se trouve à la base de notre réflexion. Notre objectif consiste à procurer aux consommateurs une expérience en ligne comparable à celle qu’ils ont en magasin. Qui n’a jamais emmené le même vêtement dans trois tailles différentes dans la cabine d’essayage ? Nous voulons rassurer les gens tout en leur épargnant frustrations et tracasseries. Nous souhaitons lever les réticences qui les retiennent d’acheter une paire de chaussures ou un jeans dans notre boutique. » Une absolue nécessité pour une entreprise qui s’est fixé pour ambition d’être la référence numéro un dans le domaine de la mode.
Recommandations personnalisées
L’équipe dirigée par Stacia Carr se dédie à la recherche de solutions à la problématique des tailles. Certaines de ces solutions en sont encore à leurs balbutiements, mais d’autres sont déjà opérationnelles. Zalando indique par exemple déjà dans la fiche produit disponible dans le webshop si les vêtements d’une marque spécifique taillent grand ou petit. « On connaît tous et toutes le problème : la taille 40 d’une marque de chaussures nous va comme un gant alors que celle d’un autre fabricant nous serre. Nous communiquons ces informations sur base des commentaires reçus de la part de nos shoppers, qui peuvent spécifier quelle taille ils portent dans telle ou telle marque. » Ces informations non personnalisées, valables pour tous les shoppers, ne sont toutefois qu’un début.
La prochaine étape consistera à fournir des recommandations personnalisées. Les clients peuvent d’ores et déjà compléter et gérer leurs profils de tailles. « Sur base des données de votre compte et de votre historique de commande, nous sommes en mesure de formuler des recommandations précises pour des articles spécifiques. Nous vous conseillons alors de commander une taille plus grande ou plus petite en fonction de l’article. » Cela reste évidemment plus facile à dire qu’à faire. « Nos algorithmes ont beau être corrects, notre encadrement reste nécessaire. Tous les shoppers ne font pas aveuglément confiance à nos conseils. Pas même nos propres collaborateurs. Un de nos employés s’est fait conseiller de commander une taille plus petite que sa taille habituelle et ne comprenait pas bien pourquoi. À juste titre. Nous devons expliquer plus clairement les choses. »
Zalando est en tout cas mieux placée que quiconque pour formuler des conseils personnalisés. « Avec nos 28 millions de clients uniques et notre énorme assortiment de marques et de modèles, nous avons une bonne vue sur le paysage de la mode. Nous disposons des données, nous comprenons les différents schémas de comportement et pouvons venir en aide à divers types de consommateurs. »
Numérisation corporelle
Zalando étudie également le potentiel à moyen et long terme de plusieurs solutions technologiques innovantes. L’essayage virtuel semble notamment très prometteur. La technologie 3D vous permet de visualiser une pièce spécifique sur vous. Zalando teste déjà cette fonctionnalité pour le denim : vous sélectionnez votre morphologie et voyez le résultat. La réalité augmentée permet de repousser encore plus loin les limites de l’essayage virtuel, comme c’est le cas aujourd’hui avec les miroirs intelligents testés par diverses enseignes.
Les scans corporels pourraient eux aussi s’avérer très utiles. « Il serait quand même génial de pouvoir simplement dire ‘Voici mes mesures corporelles’, de créer un avatar et de commander des vêtements qui vous vont parfaitement. À terme, cette technologie fera certainement son chemin, mais il y a encore du pain sur la planche », estime Carr. On peut en effet se demander si les consommateurs accepteront de partager ces informations personnelles. Le scan doit en outre être réalisé avec une grande précision. « Le processus de numérisation corporelle proprement dit n’est pas la principale pierre d’achoppement, mais bien les conditions dans lesquelles il est exécuté au domicile du consommateur. Il faut tenir compte de l’arrière-plan, de la luminosité… » D’ici la fin de l’année, Zalando démarrera un projet pilote de numérisation corporelle pour les clients de son service de personal shopping, Zalon. L’idée est d’apprendre grâce à la pratique.
Pionnier du changement
Quelle est donc la finalité de ces initiatives ? « Je pense que l’industrie de la mode va évoluer vers la personnalisation de masse, avec une production en plus petites séries, d’une centaine de pièces par exemple. Ceci permettra d’apporter plus de variation au niveau des tailles et des motifs. En soi, c’est déjà possible : les machines à découper et à coudre sont à disposition. Le défi réside dans l’aspect logistique qui se complexifie. Par contre, l’implantation de petites usines locales, à même de répondre aux besoins régionaux, contribuerait d’office à la durabilité de l’industrie de la mode. Cela constituerait un énorme changement pour le secteur. L’industrie serait littéralement transformée ! Il est encore tôt, mais les attentes des consommateurs augmentent rapidement et le secteur est actuellement emporté par un ‘parfait concours de circonstances’ qui ouvrira la voie à ce genre d’innovations. »
Même si Zalando existe déjà depuis onze ans et emploie quelque 14 000 personnes, elle a conservé son esprit de start-up, constate Carr. « L’entreprise est très ouverte d’esprit et réactive. Le retail est un business exigeant. En préférant le pragmatisme à l’innovation, il est impossible de changer les choses. On ne peut pas savoir quelle solution finira par l’emporter. Je pense que les entreprises européennes sont à cet égard plus frileuses que les start-ups de Californie, dont je suis originaire. Zalando parvient néanmoins à trouver un juste équilibre entre l’exécution opérationnelle et l’optimisation des affaires courantes d’une part, et l’innovation et l’adaptation à de nouveaux cadres de référence d’autre part. Nous sommes un véritable pionnier du changement dans le secteur de la mode. »