C’est ce qui ressort de la 25ième édition de l’étude annuelle du marché de la distribution belge, réalisée par Chris Opdebeeck (Marketing Map).
Une course acharnée pour la deuxième place
Chris Opdebeeck souligne avant tout les excellentes performances de Carrefour au cours de l’année dernière. Avec une croissance du chiffre d’affaires global de 2,2% et une hausse de 2% à périmètre comparable, par rapport à respectivement 1,6% et 0,6% chez Delhaize, l’observateur de tendances prévoit une course serrée entre les deux distributeurs pour se hisser sur la deuxième marche du podium du marché alimentaire belge.
Ces trois derniers trimestres Carrefour a connu une croissance plus rapide que Delhaize, tant au niveau du chiffre d’affaires global que sur base comparable. Fait étonnant, vu l’histoire des deux chaînes de distribution. En 2008 les ventes de Carrefour étaient supérieures de 740 millions d’euros à celles de Delhaize. En 2009 cette différence se réduisait à 379 millions d’euros et en 2010 Delhaize a su tirer profit des problèmes sociaux de Carrefour pour se hisser à la deuxième place.
« Aujourd’hui Carrefour a progressé à tel point dans sa manœuvre de rattrapage que l’écart avec son rival Delhaize est devenu infinitésimal. En 2012 l’avance de Delhaize était d’à peine 2,5 millions d’euros, ce qui sur un chiffre d’affaires total de 5,7 milliards d’euros équivaut à une avance négligeable de 0,0435%. », observe Chris Opdebeeck.
Ralentissement et accélération
Pour Delhaize il s’agira donc avant tout de viser l’expansion, commente le fondateur de RetailDetail Jorg Snoeck : « Récemment Delhaize a opéré un revirement, mais qui de toute évidence est une opération de longue haleine. Il s’est avéré également qu’il ne suffisait pas d’améliorer son image de prix. Maintenant que Delhaize est talonné par Carrefour, ce ‘turnaround’ devrait commencer à porter ses fruits au plus vite. »
Gino Van Ossel, professeur à la Vlerick Business School, est du même avis: « Chez Carrefour le changement de cap est chose faite, alors que Delhaize est en plein revirement. En 2012 certains points de vente ont été réduits à l’état de chantier, avec tout au plus une tente sur le parking faisant office de magasin. Il est logique qu’en pareilles circonstances le chiffre d’affaires baisse. De plus en 2013 d’autres transformations de magasins sont programmées.»
Van Ossel indique que ces dernières années Carrefour a été sérieusement remodelé, non seulement en raison des restructurations, mais également par la transformation de plusieurs magasins. Bien entendu, durant les travaux le chiffre d’affaires a chuté momentanément, mais après la réouverture des magasins, les ventes ont repris leur envol, d’où un double essor pour les chiffres.
A l’heure actuelle Delhaize subit donc un ralentissement (temporaire) face à Carrefour, mais peut-être Delhaize après les travaux va-t-il entamer un sprint pour rattraper Carrefour ? Ce sera la question-clé de l’année prochaine : « Cela promet d’être une compétition passionnante », se réjouit le professeur en retail.
Les hypermarchés Planet de Carrefour
Par ailleurs la croissance des résultats des hypermarchés Planet de Carrefour est frappante. Alors que la formule sur le marché intérieur français ne se porte pas si bien, avec une baisse du chiffre d’affaires de 0,1% en 2011/2012 et une baisse de 1,8% pour le premier trimestre 2013, les hypermarchés belges par contre ont progressé de 1,4%.
Les hypermarchés aménagés selon le concept Planet, destinés uniquement au marché belge, ont vu leur chiffre d’affaires augmenter de 3,8%. Fait étonnant, sachant qu’en France ‘l’inventeur’ de l’hypermarché, selon certains analystes, s’est fait devancer par son concurrent E.Leclerc.
A noter toutefois que les autres hypermarchés en Belgique ne suivent pas cette tendance positive. Ainsi le chiffre d’affaires de Cora a régressé de 1,8% l’année dernière, tandis que Makro enregistrait un recul de 2,1%.
« Peut-être ‘l’effet de la nouveauté’ joue-t-il un rôle, tout comme pour les autres magasins transformés du groupe Carrefour », estime Gino Van Ossel. Il est donc possible que cette croissance s’atténue. Ajoutez à cela que les conditions du marché non-food , qui représente une grande part des ventes dans les hypermarchés, ne sont pas des plus favorables. « Si la conjoncture reprend de l’élan, les hypermarchés en tireront profit. »
Colruyt maintient sa position de tête
Les chiffres ne laissent aucun doute : Colruyt continue à régner en maître sur le marché de la distribution belge. Le discounter de Hal, qui en 1988 occupait encore la septième place, s’est maintenu en tête du classement depuis 2005 dans notre pays et détenait une part de marché d’environ 30% en 2012.
Début 2012 Colruyt réalisait une croissance de son CA exceptionnellement élevée de 9,6%. Durant le premier trimestre 2013 cette croissance a été réduite de près de la moitié à 5,1%. Les autres grands acteurs se situent loin derrière le discounter. Au premier trimestre 2013 le CA de Carrefour progressait de 3,6%, celui de Delhaize de 2,4%.
« Et cette croissance, bien que ralentie, pourrait bien se poursuivre », estime Opdebeeck. « Actuellement à Hal on envisage un potentiel de 250 à 260 magasins Colruyt, 150 Okay et 25 Bio-Planet. »
Le hard-discount a la cote
Ce qui pour la plupart des détaillants de notre pays est considéré comme une période économique difficile et une époque morose, est généralement perçu comme une période fructueuse pour les hard-discounters : en temps de crise, le consommateur est plus soucieux des prix et est donc particulièrement sensible aux promotions et aux bonnes affaires.
Rien d’étonnant donc à ce qu’Aldi et Lidl obtiennent de bons résultats selon l’analyse de Marketing Map. Leur part de marché a quasi doublé de 1988 à 2012, passant de 8,4% à 16% . De plus le nombre de magasins Aldi et Lidl ne cesse d’augmenter chaque année (deux nouveaux magasins pour Aldi en 2012, six pour Lidl), bien qu’Aldi surtout ait parfois du mal à trouver des sites appropriés.
Aldi et Lidl sortent le grand jeu
« Les possibilités d’expansion pour Lidl ne manquent pas, par contre Aldi aura bientôt atteint son plafond au niveau du nombre de magasins. C’est pourquoi à présent Aldi mise sur une meilleure expérience en magasin, en transformant certains magasins ou en déménageant vers des espaces commerciaux plus grands, tout en maintenant le nombre de SKU, créant ainsi un espace plus aéré », observe Jorg Snoeck.
Le récent élargissement des horaires d’ouverture, ainsi que l’extension du nombre de promotions non-food à deux fois par semaine, cadrent également dans cette nouvelle approche. Une stratégie qui, selon Gino Van Ossel, a également été appliquée avec succès par Lidl, notamment en élargissant son assortiment avec des marques nationales, en proposant du pain frais ou encore par l’action controversée avec GfK.
Les circonstances sont idéales pour les casseurs de prix. L’année 2013 s’annonce passionnante, selon Jorg Snoeck : « De janvier à mai Aldi a réalisé une croissance de son chiffre d’affaires de 4,8%, une progression relativement stable par rapport aux 5% durant la même période en 2012 et les 3% en 2011. Je suis curieux de voir ce qui se produira durant le reste de l’année. Malheureusement Lidl ne communique pas ses chiffres et donc nous ne savons pas réellement ce qui se passe derrière les coulisses. »
La distribution belge sur un quart de siècle
Depuis 1987, lorsque Chris Opdebeeck publiait sa première analyse de la distribution alimentaire belge, le tableau a subi de sérieux changements. Trois grands acteurs ont parcouru une énorme évolution durant ce dernier quart de siècle, à savoir Colruyt, Delhaize et Aldi. Tous trois ont progressé à grands pas tant au niveau du chiffre d’affaires , du nombre de magasins, que du nombre de m².
Mais le champion absolu est le groupe Colruyt, qui avec toutes ses enseignes alimentaires réunies (Colruyt, Okay et l’ancien CoMarché) a triplé le nombre de ses magasins depuis 1987, d’où une explosion du chiffre d’affaires ces 25 dernières années : celui-ci a été multiplié par 11,1.
Pour terminer Chris Opdebeeck indique qu’il est « de plus en plus important pour les détaillants d’entretenir de bonnes relations avec les indépendants. » Chaque année le nombre de magasins affiliés à Delhaize ou Carrefour ne cesse de croître. Leur part dans le chiffre d’affaires avoisine les 50%. Seul chez Colruyt, l’on constate un mouvement inverse : la part y est en baisse, car les filiales Colruyt se développent plus rapidement que les chaînes de franchise Spar retail et Alvo.
Traduction : Marie-Noëlle Masure