Depuis le mois d’octobre, le lieu de référence ‘De Vos’ à Hoboken n’est plus un magasin de jouets mais un supermarché ethnique. L’exploitant n’en est pas à son coup d’essai puisqu’il tenait déjà des magasins dans la périphérie d’Anvers, en l’occurrence deux Hoboken Market sur la Sint-Bernardsesteenweg. S’agirait-il d’une chaîne en devenir ? Nous avons ouvertement posé la question à Ferit Kirtan en personne.
Assortiment varié
« Nos magasins à Hoboken marchaient bien, raconte Ferit Kirtan, mais de plus en plus de clients réclamaient un magasin disposant d’un parking plus spacieux – pas évident dans un environnement urbain – et d’un assortiment plus vaste. De plus, l’aménagement des Hoboken Market n’était plus vraiment de notre époque. » Entrepreneur dans l’âme, Ferit est toujours à l’affût de mieux, plus, plus spacieux… Lorsque l’opportunité de reprendre De Vos s’est présentée, il n’a pas hésité.
Le nom choisi a de quoi surprendre : Versmarkt De Vos. Pourquoi pas Versmarkt Kirtan ou quelque chose comme ça ? « Nous avons conservé le nom du magasin de jouets – qui, pour l’anecdote, était auparavant un supermarché, car il s’agissait d’une valeur sûre dans la région depuis 1906 ! Et puis, nous ne voulions pas non plus d’un nom qui nous profilerait comme un magasin exclusivement turc. Nous proposons une offre variée, convenant à un large public. Nous accueillons les gens de toutes origines. »
Concept ethnique
Ferit envisage le concept de son supermarché ethnique d’une manière plutôt inclusive qu’exclusive. « Nous sommes nous-mêmes d’origine turque, en provenance des Pays-Bas, et habitons à Anvers. Nos collègues sont d’origine turque, marocaine, slave et belge. Nous ne nous limitons pas à un public exclusivement turc, marocain ou originaire des Balkans. Une telle exclusivité n’est plus viable ni souhaitable à notre époque. Notre clientèle est à 70 % ethnique et à 30 % belge. »
Le frais représente 70 % du chiffre d’affaires : fruits et légumes, boulangerie, boucherie. Ce parti pris est visible dès le parking : ce ne sont pas les chariots ou les conteneurs qui dominent le paysage, mais d’accueillants étals de fruits et légumes frais rappelant l’ambiance des marchés. À l’intérieur du magasin, de nombreux mètres de linéaires sont consacrés à l’épicerie sèche, mais ce sont surtout les rayons frais avec service à la découpe qui tiennent la vedette. La signalétique est partout bilingue néerlandais-turc. La musique exotique évoque plutôt une destination de vacances.
Achats avantageux
L’entreprise de Ferit et de son équipe doit sa croissance soutenue à un système d’achat en direct. « Nous achetons la plupart de nos produits en gros volumes auprès des fabricants ou d’une coopérative. Cela vaut pour 90 % de l’épicerie sèche. Par ailleurs, les produits frais sont d’origine belge – comme les fruits et légumes ou encore la viande et la volaille – et nous avons des contrats avec des grossistes et des marques comme BelOrta et PepsiCo (Lay’s). »
Cette approche confère un positionnement concurrentiel fort et distinctif à Versmarkt De Vos. « Les exploitants de magasins opérant sous les enseignes Carrefour, Delhaize ou Colruyt commandent à partir d’un portefeuille central. Cette façon de faire ne nous semble pas intéressante. Nous collaborons avec une cinquantaine de fournisseurs directs, en grande partie en Turquie et au Maroc, mais aussi en Belgique pour le frais. Notre charcuterie vient bien de chez nous mais porte des inscriptions en turc et en marocain en plus du néerlandais.”
Satisfaction client
Versmarkt De Vos préfère sciemment le service au comptoir plutôt que le préemballé. « Nombreux sont ceux à avoir la nostalgie du shopping d’antan, où le contact social et la confiance occupaient une place centrale. Cette vision du commerce est certes plus onéreuse, mais elle est rentable. De nombreux clients belges nous font explicitement savoir qu’ils la préfèrent. Le service inspire confiance. Nous tenons évidemment à faire des bénéfices, mais la satisfaction client est également importante. »
Ferit raconte l’échec rencontré lors d’une expérience menée avec un petit frigo rempli de marchandises préemballées, qui a par conséquent été vite abandonnée. « Les gens ne voient pas ce qui est préemballé, ni comment. Quand vous achetez du haché, vous voulez quand même savoir de quelle viande il vient ? C’est un sujet sensible. Dans la culture halal, la confiance est par ailleurs extrêmement importante. Avec le préemballé, il est plus difficile de convaincre les clients de la pureté de vos intentions. »
Compléter l’assortiment
Comment Ferit voit-il l’évolution de Versmarkt De Vos ? « L’assortiment n’est pas encore définitif. Nous pensons ajouter des produits asiatiques pour compléter la démarche éthique. Dans une ville comme Anvers, un concept ethnique diversifié est la seule option valable. Il importe de proposer un assortiment représentant toutes les régions du monde tout en mettant l’accent sur le frais. Ce que j’achète à la criée se trouve en rayon le lendemain midi. »
Ferit est un entrepreneur ambitieux. « Nous envisageons aussi d’ouvrir un Versmarkt De Vos à Bruxelles. Dans dix ans, nous aimerions être à la tête d’une chaîne de dix, quinze magasins desservis par un entrepôt centralisé. Si notre concept fait mouche, nous devrions pouvoir attirer des investisseurs et poursuivre notre croissance. Nous nous efforçons de rester à l’écoute des attentes des clients de supermarché et d’y répondre le mieux possible. »