Le nouveau concept de supermarché que Delhaize a présenté à Nivelles est également déployé chez les entrepreneurs indépendants. Ceux-ci sont libres d’y ajouter leurs propres accents, comme nous avons pu le voir dans l’AD Delhaize de Nathalie et Luc Bormans à Belgrade (Namur).
Le cœur du magasin
Après Dour et Aartselaar, c’est l’un des premiers supermarchés Delhaize indépendants à adopter le nouveau concept. Le magasin a rouvert ses portes le 8 novembre après une rénovation en profondeur. Premier constat frappant dès l’entrée : le rayon vins est situé à l’avant du magasin. Comme au bon vieux temps pourrait-on dire. « Le vin est l’un des fers de lance de Delhaize et est un rayon très important pour nous. Tout au long de l’année, il réalise une part du chiffre d’affaires d’environ 9 %, celle-ci passant même à 12 ou 13 % en décembre. Nous y consacrons beaucoup d’énergie, car c’est un levier de différenciation pour nous. Les clients nous demandent des conseils pour bien choisir. Nous avons beau vivre à l’ère du numérique, il n’est pas possible de remplacer tous les conseillers par des écrans. La touche humaine fait vraiment la différence. »
L’AD de Belgrade ne dispose pas d’un Fresh Atelier, mais le triangle du frais forme le cœur du magasin. Luc Bormans est particulièrement enthousiaste à propos du nouveau meuble rempli de produits à consommer sur le pouce. « Il a beaucoup de succès. Mais attention, l’objectif n’est pas non plus de nous transformer en traiteur. Nous restons un supermarché. » L’ensemble du rayon fruits et légumes affiche d’ailleurs de beaux résultats, avec une mention spéciale pour le jus de fruits frais, les fruits rouges et les produits biologiques. Le distributeur de noix et graines bio en vrac doit encore faire ses preuves. « Le plus gros atout du magasin est le nouvel agencement et le fait que les shoppers qui s’engagent dans les allées de l’alimentation sèche débouchent toujours sur le rayon frais. »
Image de spécialiste
À travers ce nouveau concept, Delhaize met davantage ses points forts en valeur, estime Luc Bormans. Le meuble frigorifique réservé aux fromages AOP et à la charcuterie lui semble par exemple une bonne idée. « Cela nous donne une image de vrai spécialiste. Nous proposons une belle offre de produits de qualité. Il faut la vendre comme s’il s’agissait de vin : en conseillant les clients. Il faut leur expliquer que notre savoureux Comté est encore meilleur s’il est sorti du réfrigérateur et de son emballage une heure à l’avance. Les clients avec qui vous partagez cette information reviendront certainement. C’est de cette manière qu’un entrepreneur indépendant peut imposer sa patte. »
Dans la boulangerie ouverte, l’entrepreneur a opté pour l’installation d’une armoire de pousse. « Nous tenons à proposer des produits de qualité supérieure. C’est nécessaire car la concurrence ne se repose pas non plus sur ses lauriers. Prenez l’exemple de la Boulangerie Louise, la chaîne de boulangerie de Renmans. » Le rayon chocolat a lui aussi été modernisé, avec un grand choix de nouveaux produits et la gamme exclusive Delicata. ‘Du bonheur en tablette’ annonce l’inscription en rayon. Un autre fleuron du magasin est la poissonnerie fraîche. « La règle 20/80 est ici d’application : 20 % de l’assortiment réalisent 80 % du chiffre d’affaires. Cette partie de l’offre est emballée sur place par nos soins. » Bormans a en revanche choisi de sous-traiter la boucherie au spécialiste Dufrais qui produit, découpe et emballe la viande sur place. La viande de bœuf provient d’un éleveur local : la famille Van Eyck de Lonzée-Gembloux, dont la photo figure sur l’étiquette. « Il ne s’agit pas d’une ficelle marketing, je connais personnellement ces gens », assure Bormans. Dufrais propose aussi une belle gamme de plats préparés sur place. Les œufs proviennent d’un fournisseur local, tout comme certains produits traiteur. Le café vient quant à lui du torréfacteur namurois Delahaut.
Un gros investissement
Bormans se réjouit de la décision de Delhaize de jouer pleinement la carte du Nutri-Score. « Tout le monde parle de la qualité, mais le sens qu’on lui donne est vaste », explique-t-il. « La nouvelle campagne d’Aldi par exemple aborde aussi la qualité sous l’angle du goût. Comment la qualité se traduit-elle aux yeux du client ? Par le goût, l’odeur, les ingrédients, l’esthétique de l’emballage… ? Le Nutri-Score est un moyen d’objectiver la notion de qualité. »
La famille Bormans est à la tête de trois magasins dans la région : deux supermarchés AD Delhaize à Salzinnes et Belgrade, et un Proxy Delhaize à Rhisnes. À Belgrade, l’investissement a été de taille. « Nous n’avons pas lésiné sur la qualité des finitions et des matériaux. Le mur en maçonnerie au fond du magasin est fait de vraies briques, et cela se voit. Il confère une ambiance plus chaleureuse au magasin. Nous n’avons pas non plus économisé sur l’éclairage. Nous avons également investi dans la logistique et dans le confort de nos équipes : un nouveau quai de chargement, un parking pour le personnel, un entrepôt spacieux, des chambres froides et ateliers flambant neufs, des locaux agréables pour nos collaborateurs… Nous avons au total investi 3 millions d’euros, et ce dans un magasin de 1 200 mètres carrés qui réalise jusqu’à présent un chiffre d’affaires de 12 millions d’euros… »
La loi du plus fort
L’investissement est-il rentable ? « Les clients me font part de leur enthousiasme, mais cela ne veut pas dire grand-chose : les sondages d’opinion ne comptent pas, les chiffres si. La semaine d’inauguration s’est déroulée à merveille, et nous avons aussi observé une nette augmentation par la suite, mais la comparaison est difficile car nous sommes dorénavant aussi ouverts le dimanche. J’estime que nous avons réalisé une hausse du chiffre d’affaires de 7 à 10 % grâce à un assortiment alimentaire pas beaucoup plus large et à un gain de superficie de 400 m². Je suis donc plutôt satisfait. »
Sur un marché de la distribution alimentaire particulièrement difficile, cette augmentation de 25 000 à 30 000 euros par semaine va forcément être ressentie par les concurrents, anticipe l’entrepreneur. « Le marché fait face à un déclin en volume de 2,5 %, auquel s’ajoute une déflation de 1,3 %. Si votre chiffre d’affaires baisse de 3,8 %, vous êtes déjà en situation de survie. Et puis, n’oublions pas non plus le canal en ligne. Nous ne savons pas comment tout cela va évoluer. Est-il possible d’intégrer l’e-commerce dans notre modèle d’affaires ? Il faut tenir compte du coût de la préparation et de la livraison des commandes, alors que les marges sont déjà bien maigres. Personnellement, je préfère continuer à investir dans nos points forts, comme la qualité et le service. »
C’est bien la preuve de la confiance des entrepreneurs. « Nous sommes situés en bordure de la ville, dans un quartier dont les habitants disposent d’un bon pouvoir d’achat. Nous sommes un magasin du soir et du week-end enregistrant un panier moyen relativement élevé, autour de 40 euros. » Mais la concurrence est rude. Le magasin a pour voisin un Carrefour Market du Groupe Mestdagh. Un Aldi est implanté un peu plus loin, et Lidl va prochainement déménager vers un nouveau bâtiment tout proche. À Sant-Servais et Jambes, Intermarché ne chôme pas non plus et mène une politique très agressive. « C’est la loi du plus fort. Seuls les meilleurs survivront. Et nous voulons en faire partie ! »