Cette semaine encore des concurrents sournois se sont enquiquinés mutuellement. Et pour obtenir quoi ? Découvrez-le dans le résumé hebdomadaire, partiellement inventé, de RetailDetail Food !
Un leader inébranlable
Apercevoir leur patron tremblant de tout son corps à travers la porte entrouverte de son bureau à l’aménagement spartiate, c’est une scène à laquelle les collaborateurs de l’entreprise s’étaient habitués depuis longtemps. Mais ce matin-là il se passait quelque chose d’étrange. Au lieu du rire libérateur habituel retentissaient des lamentations rageuses et le visage crispé du CEO trahissait une profonde frustration. Non, il ne s’agissait pas là d’une simple session de bio-energy shaking meditation. Finalement un employé courageux a passé la tête dans l’entrebâillement de la porte pour s’enquérir de son état : « Euh, tout va bien, monsieur Colruyt ? »
Le patron tourmenté a interrompu sa session de méditation et a pointé du doigt le dernier numéro du magazine Harvard Business Review posé sur son bureau, avec en grandes lettres le titre ‘The Best-Performing CEOs in the World . « La 95ème place seulement », gémissait-il. « Alors que tous les critères requis me collent à la peau. Lisez plutôt : ‘leadership inébranlable’, ‘ténacité et stabilité en période turbulente’. ‘Une capacité étonnante à maintenir la dynamique, malgré les concurrents sournois, les clients exigeants, les investisseurs appâtés par l’argent, les contrariétés politiques et économiques …’. Cet article reflète de A à Z les défis auxquels je suis quotidiennement confronté. Et malgré tout je termine 95ème ? »
“Mais monsieur Colruyt, il n’y a que deux Belges sur la liste. Et l’autre est un banquier, qui deviendra donc riche en dormant. C’est tout un honneur, non ? Croyez-moi, nous sommes fiers de vous!”
Ces quelques mots de réconfort avaient visiblement fait du bien au CEO, qui s’est alors détendu et les yeux rougis s’est adressé à ses collaborateurs dévoués.
“Bon d’accord, je me laisse peut-être un peu emporter. Mais je sens des ondes négatives dans l’air. Je pense qu’il est temps à nouveau de procéder à une purification énergétique de nos bureaux. Vous faites le nécessaire ? »
Les collaborateurs accourus dans le couloir se sont alors regardés en soupirant : ils auraient, une fois de plus, à supporter des journées entières de nuisances olfactives. Non, malgré les succès indéniables, la vie sur le site du Wilgenveld à Hal n’est pas toujours une partie de plaisir.
Une vague de reconnaissance
« Carrefour et Delhaize achètent des produits en commun », voilà ce que titrait littéralement la page info du site web du journal De Standaard. Cela aurait pu être une grande nouvelle, si elle avait été vraie. Mais bon, un tel site web ne peut coûter trop d’argent, donc des stagiaires inexpérimentés de la rédaction imaginent des titres ronflants, avec toutes les conséquences que cela entraîne. Or chacun sait depuis longtemps – depuis 1875 pour être précis – qu’il y a deux Delhaizes actifs en Belgique. Et ce sont bel et bien les descendants de Louis Delhaize qui pour leurs gros achats ont cherché refuge auprès du grand Carrefour Belgium, tout comme ils l’avaient déjà fait quelques années auparavant en France. Ce qui signifie donc que Provera n’est plus réellement une centrale d’achat. Et tout cela alors que les responsables des achats de Carrefour, les uns après les autres, recherchent de nouveaux défis, paraît-il. Comme si acheter pour Carrefour ét Provera n’était pas un défi.
En tout cas, cela fera quelques rendez-vous en moins pour les 140 key account managers, qui n’auront plus à se taper le trajet vers Brussels South. Donc, en plus c’est bon pour l’environnement. Et ils auront désormais , selon le communiqué, la possibilité de se déployer avec toutes leurs marques auprès de toutes les enseignes des retailers concernés. Que vouloir de plus ? Bon d’accord, moyennant une petite contribution, sans aucun doute, mais ça en vaut la peine . Vous sentez jaillir cette vague de reconnaissance chaleureuse ?
Le gendarme de la concurrence
D’ailleurs chez Carrefour ils sont conscients depuis longtemps qu’ils ne peuvent faire cavalier seul. C’est pourquoi ils ne cessent de conclure des alliances : avec Système U, avec Fnac Darty, avec Tesco, avec Google, avec Tencent, et ainsi de suite. Si un jour Alexandre Bompard frappe à votre porte, vous savez à quoi vous attendre. L’homme n’accepte pas qu’on lui résiste. Et croyez-moi, ces collaborations ne ratent pas leur cible. Car que lisons-nous dans le rapport annuel des descendants de Devos et Lemmens ? Que le chiffre d’affaires français de Continental Foods a chuté suite au regroupement des centrales d’achat, qui sont passées de six à trois et qui toutes trois ont exigé des réductions plus élevées. Pour mieux servir le consommateur, bien entendu. Dans le cadre d’un partenariat win-win, évidemment. Et ils ont gagné, soyez-en sûrs.
Parlant de gagnant, Albert Heijn est lui aussi sorti vainqueur, face à Carrefour, au tribunal. Ce fameux supermarché de Lokeren pourra donc ouvrir ses portes, sans aucun problème. Le fait que le retailer hollandais il y a deux ans ait dû y céder son magasin parce que la fusion avec Delhaize risquait de perturber l’équilibre concurrentiel local, n’était donc que symbolique. Une tentative bien intentionnée du gendarme de la concurrence pour montrer un semblant d’autorité, nous semble-t-il. Un véritable marché libre n’a pas besoin de gendarme. Et ce qui est valable pour Lokeren, le sera également par extension pour Leuven. Lidl peut donc s’épargner les frais d’un procès.
Poker face Muller
Toujours à propos d’Appie : ‘Leading togehter’, telle est la devise de la nouvelle stratégie du groupe fusionné Ahold Delhaize. On pourrait donc en déduire que Delhaize et Albert Heijn vont enfin collaborer en toute solidarité, mais non, Frans Muller n’en dit mot. Le CEO travaille d’arrache-pied et compte doubler le chiffre d’affaires en ligne d’ici 2021. Un projet apparemment très ambitieux, mais pour Delhaize cela ne devrait pas poser problème. Car deux fois rien est égal à rien, n’est-ce pas?
Mais attendez. Dans le journal De Standaard – encore lui – Muller lève un coin du voile : il souligne en quoi dans notre pays les deux chaînes sont parfaitement complémentaires : Delhaize de son côté a des clients très fidèles et AH pour sa part attire de Nouveaux Belges et des shoppers attentifs aux prix. Et quand même, il ne divulguera pas avant 2019 si Albert Heijn restera ou non en Belgique, répète-t-il avec son impassible poker face.
Mouais, un mensonge prononcé une fois, reste un mensonge, mais un mensonge répété un millier de fois, devient une vérité, comme le disait l’éminent expert en communication Joseph Goebbels. Mais vous et moi savons très bien ce qu’il en est. Evidemment que le CEO a déjà décidé. Pas question de supprimer la poule bleue aux œufs d’or. D’autant plus que le péril jaune Jumbo ne va pas tarder à faire son entrée. A la semaine prochaine !
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