1. Showrooming
G.V.O.: « Lorsqu’on discute de showrooming, je pense que l’on se trompe de débat . Le vrai problème n’est pas le fait que le consommateur utilise de plus en plus son smartphone en magasin et achète ailleurs alors qu’il se trouve encore dans le magasin, dans le sens strict du terme ‘showrooming’. Ce qui est plus important c’est la transparence des prix que dissimule ce phénomène.
Aujourd’hui il est extrêmement facile de comparer les prix : on peut en clin d’œil obtenir un aperçu complet des prix de la concurrence. Chacun recherche le meilleur prix, que ce soit en magasin, ou chez soi devant son ordinateur.
Dès lors la question essentielle est de savoir comment gérer cette transparence des prix. Selon moi, il y a différentes possibilités. La première solution, certes assez draconienne, est de faire en sorte de ne pas vendre ce que vend la concurrence. Ainsi des retailers intégrés, comme IKEA et H&M, échappent à ce problème de comparaison de prix, car vous ne trouverez leurs produits nulle part ailleurs.
La deuxième solution est de proposer des produits exclusifs. Pour les marques de fabricants la transparence des prix représente un sérieux problème, pensez aux catégories comme l’électronique et les jouets. Par contre les marques maison et les labels privés ne cessent d’augmenter leur chiffre d’affaires. C’est pourquoi de nombreuses marques créent des lignes de produits exclusifs pour les champions des prix. Il suffit parfois que cette ligne exclusive dévie légèrement du produit standard : rien qu’en changeant le code du produit, il peut devenir incomparable.
Mais avant tout c’est une question qui nécessite une collaboration. Ce problème doit être abordé au niveau international, car souvent les prix varient selon les pays, ce qui constitue un réel problème pour un petit pays, cher, comme la Belgique. Les retailers et les fabricants doivent s’allier pour trouver des solutions : les producteurs doivent être conscients qu’ils ont tout intérêt à ce que les retailers survivent. »
2. Retour vers l’analogique
G.V.O.: « Je ne pense pas que le consommateur souhaite véritablement retourner à l’analogique. Par contre on constate qu’actuellement le numérique n’est apprécié que s’il offre une plus-value.
Comme tout ce qui est nouveau, autrefois il suffisait de suspendre quelques écrans en magasin pour impressionner le client. Aujourd’hui cela ne suffit plus : les écrans doivent communiquer quelque chose. Je parlerais donc plutôt d’un retour au bon sens, plutôt que d’un retour à l’analogique.
Même chose pour les médias sociaux d’ailleurs : au bout d’un certain temps on s’aperçoit également des limites de ces médias et de ce fait l’usage évolue. Ainsi de nouvelles plateformes se créent ou certaines personnes réduisent leur usage des médias sociaux. Les gens deviennent plus critiques face aux médias sociaux, comme Facebook par exemple, sans pour autant les renier, car ils sont déjà bien trop ancrés dans leur vie quotidienne. Mais petit à petit on commence à séparer le bon grain de l’ivraie. »
3. La menace asiatique
G.V.O.: « L’essor asiatique, n’est pas seulement un phénomène propre au retail, mais une tendance générale. Ils ont commencé comme producteurs, mais actuellement un marché est en train de se développer. Les entreprises commencent à y développer des marques et des produits innovants, ce qui en soi est une évolution tout à fait logique. Rien de neuf, somme toute.
Je ne pense pas que les acteurs asiatiques représentent une telle menace pour le retail européen. Il y a 20 ans, on voyait beaucoup d’ enseignes néerlandaises dans les rues commerçantes, actuellement ce sont les chaînes anglo-saxonnes qui se multiplient et demain ce seront peut-être les enseignes asiatiques qui surgiront dans le paysage retail. Cela fait partie d’un processus naturel.
D’autre part il faudra du temps avant que les entreprises asiatiques parviennent à se positionner sur le marché. Pour qu’une chaîne chinoise réussisse à se faire un nom en Occident, les choses sont bien plus complexes que lorsqu’une marque occidentale délocalise sa production en Asie, pour ensuite vendre son produit en Europe. »
4. Durabilité
G.V.O.: « Le souci de la durabilité en soi n’est pas un phénomène nouveau, mais aujourd’hui cette tendance a gagné en importance. Il y a 25 ans tout le monde voulait déjà des produits respectueux de l’environnement, mais au moment de l’achat, le prix et l’efficacité finissaient par primer.
La différence entre autrefois et maintenant, c’ est qu’actuellement les consommateurs accordent encore davantage d’importance à la durabilité. Mais leur comportement par contre n’a pas changé : lorsqu’ils trouvent un T-shirt à 5 euros, ils sont si contents qu’ils ne se posent pas la question de savoir si les normes éthiques ont été respectées.
Par conséquent une règlementation s’impose, bien que l’autorégulation des entreprises ne doive pas être sous-estimée. Le fait de diminuer la consommation d’énergie par exemple crée une situation gagnant-gagnant pour les deux parties : l’entreprise en tire profit et en même temps c’est une manière de faire bonne impression sur le consommateur et en plus l’ impact écologique est bien réel.
D’ailleurs, les employés au sein d’une entreprise sont également des consommateurs, dont les valeurs évoluent avec la société. Il est donc logique, voire même obligé, que les entreprises ajustent leurs valeurs, si elles veulent attirer de nouveaux collaborateurs : aujourd’hui la responsabilité sociale est un facteur important pour se profiler en tant qu’employeur.
En assemblant tous les morceaux du puzzle, nous avançons pas à pas. Il ne faut pas brusquer les choses. D’ailleurs le Benelux dans divers domaines fait figure de précurseur : les sacs en plastique par exemple y ont quasiment disparu, là où d’autres pays n’y sont pas encore parvenus. »
5. Multichannel ou omnichannel?
G.V.O.: « Chacun y donne sa propre interprétation, mais au niveau international, on s’oriente visiblement vers l’omnichannel. J’entends par là que nous évoluons vers un environnement retail, où les commerçants devront utiliser tous les canaux nécessaires en les intégrant de façon cohérente. C’est d’ailleurs ce qu’attendent les consommateurs, car ils ne font pas la distinction entre tous ces canaux.
Comment appliquer cette stratégie de façon pratique, rentable et durable ? Pour l’instant personne n’a encore de réponse à cette question et je ne pense pas qu’un jour quelqu’un aura la réponse absolue : la technologie évolue à une telle vitesse, qu’il n’y aura jamais de méthode idéale.
Par ailleurs les besoins varient d’après les secteurs et d’après les pays. Aux Royaume-Uni par exemple la livraison de courses à domicile est rentable, car le coût salarial y est peu élevé. Sur le continent ce système ne serait pas réalisable. En France par contre, ils ont les formules drive-ins, alors qu’en Belgique on opte plutôt pour les points d’enlèvement en magasin. Il n’y a donc pas nécessairement de convergence, car les marchés différents.
En d’autres termes, la flexibilité est essentielle dans la réflexion sur l’omnichannel. Mais chacun devra y réfléchir, car on ne peut faire autrement. »
Le 25 avril 2013 Retaildetail organise le Congrès « Switch or Die », où des conférenciers de renom, notamment Christian Van Thillo (De Persgroep), Wouter Torfs (Schoenen Torfs), Peter Hinssen (The New Normal) et Pieter Zwart (Coolblue) viendront nous expliquer la nécessité du changement. Pour vous inscrire et obtenir de plus amples informations, consultez notre site www.retaildetailcongres.be.
Traduction : Marie-Noëlle Masure