L’étude a-t-elle révélé des éléments quant aux modes de consommation d’aujourd’hui ?
K.V.P.: « Le Rapport Fé Vrouwen & Mannen est une vaste enquête menée auprès de 4.000 Belges concernant des sujets très variés de la vie courante, dont le comportement d’achat, bien évidemment. La crise semble jouer un rôle primordial dans la vie des gens, pas uniquement au niveau du pouvoir d’achat, mais la crise persistante affecte également le consommateur d’un point de vue émotionnel .
Lorsque la crise bancaire a éclaté en 2008, les gens ont eu l’impression que cela ne les toucherait pas personnellement, une lointaine réalité qui n’allait pas tarder à disparaître. Entre temps, cette perception a totalement changé : les gens ressentent la crise de façon radicale avec des conséquences durables.
Quand on analyse la façon dont les gens gèrent cette situation économique, on voit apparaître deux groupes bien distincts. Le premier groupe réagit face à la crise avec un sentiment très profond d’angoisse et d’incertitude. Ils craignent l’avenir, épargnent frénétiquement et sont pessimistes.
Par contre, l’autre groupe a une attitude nettement plus positive : ils recherchent des solutions. Ce mécanisme se met en place graduellement, mais l’idée que les choses ne peuvent plus continuer ainsi, émerge. Leur réponse est la suivante : nous nous contentons de moins et nous faisons les choses différemment. Je les appelle les ‘nouveaux avares. »
En quoi consiste exactement cette nouvelle avarice ?
K.V.P.: « Contrairement à l’avarice classique, il s’agit ici d’un sentiment positif. Ce sont des consommateurs critiques qui gèrent consciencieusement leur milieu de vie et sont disposés à investir eux-mêmes dans un meilleur environnement. Grâce à ces soi-disant ‘nouveaux radins’, l’alimentation biologique et les produits fairtrade, par exemple, ne souffrent presque pas de la crise. 1 Belge sur 2 achète de temps en temps et même régulièrement des produits bio et fairtrade.
Mais ils s’efforcent également de trouver de nouvelles initiatives et osent sortir des sentiers battus. Ainsi, des projets relatifs à l’échange, le partage (allant de voitures jusqu’aux maisons) et les achats groupés voient le jour et connaissent très vite un franc succès. Ainsi 48% des Belges sont intéressés par les achats groupés. »
Y a-t-il une différence entre les consommateurs masculins et féminins ?
K.V.P.: « Il est frappant de constater qu’ils ont tendance à se rapprocher. Autrefois, la femme était à peu près la seule responsable des achats ménagers. A l’heure actuelle, c’est encore très souvent le cas, mais l’homme est de plus en plus impliqué dans le processus de consommation. Il commence à se préoccuper de l’alimentation biologique, des repas équilibrés, … .
En général, les femmes sont légèrement plus angoissées que les hommes face à la crise. Par contre, ce sont souvent de jeunes femmes avec des idées politiques de gauche qui, par exemple, font de l’autopartage. Elles semblent avoir une longueur d’avance dans ce domaine. »
Imaginons que la crise se termine, les gens ne retourneront-ils pas à leurs anciennes habitudes ?
K.V.P.: « Non, il s’agit d’une tendance durable, qui se poursuivra même après la crise. Le consommateur devient plus critique. Pensez au scandale de la viande de cheval, la première crise d’une longue série. Suite à la digitalisation, on assiste souvent à des fuites d’information : toutes les dérives seront dénoncées. Etant donné qu’il est si facile aujourd’hui de divulguer tout écart et qu’on ne tolère plus les abus, tout un chacun qui a quelque chose à cacher, sera mis sur la sellette.
Une nouvelle forme d’ économie est née. Aujourd’hui, ceux qui se préoccupent de la consommation durable ne représentent qu’un petit groupe, mais le potentiel est énorme. Un très bon exemple est le succès immense que connaît New B, une nouvelle banque coopérative belge qui, en 48 heures de temps a déjà attiré 10.000 coopérants. C’est un signal fort d’un mouvement de société et d’une intention sincère et profonde d’aborder les choses autrement.
Les retailers peuvent très certainement en tirer des leçons. Plus encore, ils doivent le faire : il est important de soutenir ce mouvement. Pourquoi les chaînes de supermarchés ne lancent-elles pas des initiatives d’achats groupés ? Pourquoi les retailers ne s’associent-ils pas aux consommateurs pour s’investir de manière valorisante et transparente? »
Katja Van Putten donnera une conférence lors du pré-congrès ‘The new consumer’ à l’occasion du Congrès retaildetail du jeudi 25 avril à Schelle. Découvrez ici la totalité du programme et inscrivez-vous via www.retaildetailcongres.be.