Néanmoins Leonidas ne se considère pas comme un ‘fabricant’ : « Au fil des ans, nous avons évolué pour devenir de vrais détaillants. » On comprend mieux cette réflexion quand on sait qu’aujourd’hui Leonidas compte 1.400 points de vente dans le monde entier. De plus le futur lancement du tout nouveau concept des Cafés Leonidas ne fait que confirmer cette orientation vers le retail.
Comment se porte le marché belge de la praline ?
Robert Torck : « Il m’est difficile de vous répondre dans la mesure où je ne dispose pas de chiffres précis. Et d’ailleurs, comment décrire le marché de la praline ? Où se situe la frontière avec la confiserie ? Sans compter qu’un certain nombre de produits chocolatés peuvent être considérés comme des pralines : les Mon Chéri et autres Rocher sont-ils ou non des pralines ? Nous pensons que non, mais leurs fabricants ? La même réflexion vaut pour les bonbons au chocolat que Marcolini fabrique pour Delhaize. Je ne peux donc que m’appuyer sur des estimations et celles-ci indiquent une progression de 1, 2 voire même 3%. »
Entre 2007 et 2012, le chiffre d’affaires de Leonidas n’a progressé que de 7% – passant de 62,2 à 67 millions d’euros – soit moins que l’inflation. Est-ce suffisamment ambitieux ?
R.T. : « Cette progression de notre CA correspond à la progression de nos volumes. La politique de Leonidas est de ne pas imputer la totalité de l’augmentation des prix des matières premières. Nous essayons de la compenser par une meilleure productivité. Avant mon arrivée, le prix au kilo n’avait pas bougé depuis près de dix ans alors que nos concurrents, Neuhaus et Godiva, avaient régulièrement augmenté les leurs. C’est ce qui explique que l’écart des prix au détail n’a cessé de grandir. »
La praline est-elle un produit de luxe ? Autrement dit, les ventes souffrent-elles de la crise ?
R.T. : « Oui et non. La praline est moins un produit de luxe en Belgique qu’ailleurs dans le monde. Je songe notamment aux Japonais qui la considèrent comme de la confiserie fine. On pourrait comparer la praline avec Stella Artois : un produit de consommation courante chez nous, un produit de luxe à l’étranger. Ce qui, hors de nos frontières, signifie des prix plus élevés mais une consommation moindre.
Il ne peut y avoir que deux raisons d’acheter des pralines : pour offrir ou pour les consommer soi-même. Assez normalement, les marques les plus chères sont davantage destinées à être offertes en cadeau alors que les moins chères sont destinées à la consommation personnelle. C’est dans la deuxième catégorie que se situe l’essentiel du marché de Leonidas. Le prix va de paire avec la quantité : 100 grammes de Neuhaus, par exemple, vous coûteront autant qu’un ballotin de 250 grammes de Leonidas. Voila pourquoi, en volume, nous sommes leader du marché belge.
Plus une praline est chère, plus sa clientèle étrangère est importante ce qui n’est donc pas notre cas vu les prix que nous pratiquons. Comme bpost, nous sommes présents dans la plupart des communes et nous nous concentrons sur la consommation locale. Nous avons constaté que, pour son usage personnel, le consommateur avait tendance à se détourner des marques les plus chères au profit de Leonidas. »
Jusqu’où va l’élasticité du prix ?
R.T. : « C’est ce que nous sommes occupés à estimer. Nous menons des tests sur l’élasticité du prix dans une série de magasins à l’étranger. Nous cherchons l’équilibre : nos produits ne peuvent pas être trop chers puisque nous gagnons sur les quantités. Mais nous ne pouvons pas non plus nous permettre d’être trop bon marché car, dans ce cas, nos pralines ne pourraient plus faire l’objet d’un cadeau. »
Les pralines: un produit difficile à innover
Comment entretenez-vous la notoriété de la marque ?
R.T. : « La notoriété spontanée est énorme et il serait difficile de faire mieux : 97% des personnes qui achètent des pralines connaissent notre marque. Je suis plus intéressé à faire progresser l’image de Leonidas et pour ce faire, quel meilleur support de communication imaginer que nos magasins ? Nous avons commencé par réaménager les magasins que nous gérons nous-mêmes, puis les nouveaux magasins et enfin les magasins existants.
Nous avons essayé d’améliorer notre image en travaillant sur les détails susceptibles de faire la différence : meilleur éclairage, réagencement des étalages, multiplications des emballages en fonction d’occasions ou de fêtes particulières, etc. Nous demandons à nos gérants de mettre en vitrine les emballages spéciaux car, même s’ils n’en vendent pas, ils contribuent à notre image pour que nos produits soient davantage perçus comme une idée de cadeau. Dans les magasins que nous avons transformés, les ventes par m² ont structurellement et significativement augmenté. »
Les innovations jouent-elles un rôle important ?
R.T. : « Non, il y a peu de nouveaux produits. Nous avons bien sorti cinq nouvelles pralines pour de notre centenaire, mais il s’agit d’une occasion très spéciale même si le fait de sortir ces cinq pralines n’a rien d’exceptionnel : chaque année, nous proposons huit nouvelles versions de nos pralines ce qui n’est pas si mal sur un total de 120 à 130 sortes de praline. Grâce à notre réseau, nous voyons aussi très vite ce qui se vend bien et ce qui ne se vend pas. En fait, les vraies innovations, ce sont nos emballages. »
Cherchez-vous à imaginer de nouveaux moments de consommation ?
R.T. : « Oui et ce n’est pas simple. Nous réalisons 40% de notre chiffre d’affaires en novembre et décembre. Cela signifie que les 60% restants se répartissent sur dix mois. Nous cherchons des solutions pour sortir de cet état de fait. Ce pourrait être avec de la glace ou avec une combinaison Leonidas/café, mais rien n’est encore décidé.
Une fois que la température dépasse 28°C, les gens n’achètent plus de pralines. De ce point de vue, le climat belge nous est plutôt favorable. Pas étonnant que la Belgique soit devenue le pays du chocolat ! »
Pensez-vous à élargir votre offre ou vos activités ?
R.T. : « A mon arrivée, je me suis posé la question de savoir si nous étions un fabricant ou un détaillant. En fait, nous nous considérons de plus en plus comme un détaillant qui veut avoir les ‘bons produits’ dans ses magasins. En général, il s’agit de produits que nous fabriquons nous-mêmes mais à l’étranger, en France avec les macarons par exemple, nous vendons également des produits fabriqués par d’autres.
Nos franchisés belges nous demandent régulièrement de pouvoir faire la même chose : leurs clients aimeraient retrouver en Belgique ce qu’ils ont acheté ailleurs. L’idée est bonne mais, pour l’instant, nous en sommes encore à examiner ce qui est possible. A lumière de tout ceci, je pense que vous serez d’accord avec nous pour dire que nous sommes devenus des détaillants. »
Comment Leonidas se démarque-t-il de la concurrence ? Quel est son USP ?
R.T. : « Nous continuons à utiliser de la crème fraîche et du beurre frais pour fabriquer nos pralines. Nous ne cédons donc rien sur le plan de la qualité mais cela signifie que leur durée de conservation est limitée et qu’il nous est difficile de les vendre préemballées. Pour cela, il faudrait une durée de conservation de 9 à 12 mois or nous sommes limités à 9 mois pour les pralines les moins fragiles et même à 8 semaines pour les pralines blanches.
Ce n’est pas vraiment un problème dans la mesure où notre rotation est telle que nos produits sont toujours très frais. Savez-vous que nous vendons plus d’un million de pralines par jour ? Par ailleurs, il vaut mieux ne pas les conserver au frigo car elles prennent rapidement le goût des autres aliments. La température de conservation idéale est de 18°C. »
Comment décririez-vous votre force de vente, en Belgique et à l’étranger ?
R.T. : « Nous avons 350 magasins en Belgique et le même nombre en France. Dans le monde, nous disposons de 1350 à 1400 points de vente, entendez par là, des magasins où les pralines sont vendues à la pièce et où les clients peuvent composer eux-mêmes leur assortiment. A côté de cela, on retrouve également nos ballotins dans les aéroports et dans les gares.
En région bruxelloise, les magasins sont gérés par le siège central. C’est également le cas pour les endroits où nous tenons absolument à être présents et ceux pour lesquels le contrat doit être signé dans des délais très brefs. A l’étranger, nous travaillons exclusivement avec des franchisés : il serait trop compliqué de suivre la législation sociale de tous ces pays. »
Le ‘vrai’ chocolat belge
A l’étranger justement, que pèse l’étiquette ‘belges’ accolée à vos pralines ? Est-ce vendeur ?
R.T. : « C’est capital ! Tous nos produits sont fabriqués dans deux usines situées à Anderlecht et cela participe à notre image belge. Certains concurrents sous-traitent à des fabricants étrangers mais ils mentionnent bien sur leurs emballages ‘fabriqué selon une recette belge. »
Le ‘manger sain’ est plus que jamais à la mode. Cela vous nuit-il ?
R.T. : « C’est un faux débat. Les pralines ne sont pas un aliment de consommation quotidienne. Acheter des pralines est affaire de plaisir et de saveur et voila qu’il faudrait s’intéresser à leur teneur en graisses ! Il s’agit d’un produit dont on sait qu’il contient des graisses. C’est la même chose pour les chips. Ceci dit, nous avons essayé de fabriquer des pralines sans graisse : c’est tout simplement impossible.
J’ai été neuf ans CEO d’Intersnack France et nous étions très attentifs au type d’huile ou la quantité de sel que nous utilisions. J’ai également travaillé dans le secteur laitier où, par exemple, on a abandonné le lait entier au profit du lait demi-écrémé et du lait maigre. Mais il s’agissait de produits de consommation quotidienne. Nous n’avons donc aucun sentiment de culpabilité. Vous ne buvez tout de même pas un litre de whisky par jour ? Cloue-t-on les brasseurs au pilori parce qu’ils fabriquent des bières à forte teneur en alcool ? »
Adaptez-vous les saveurs en fonction des pays ?
R.T. : « Non, même s’il existe quelques différences. Certaines sortes de pralines ont plus de succès au Japon qu’en Europe, les Français aiment l’amertume du chocolat noir alors que, chez nous, les manons blanches font un véritable carton. Notre gamme est suffisamment large pour contenter tout le monde. Que ce soit au Japon, en France ou en Belgique, toutes nos pralines ont le même goût ! »
Cafés Leonidas
Vous avez imaginé un tout nouveau concept, les Cafés Leonidas, un croisement entre un magasin et un café en quelque sorte ?
R.T.: « Effectivement, nous combinons le point de vente et le café, avec l’accent sur le chocolat bien entendu. La partie café sera plus grande que la partie magasin, car nous prévoyons que le chiffre d’affaires proviendra davantage de la vente de boissons et de nourriture que de pralines. Nous estimons que le CA, hormis la vente de pralines, pourrait bien atteindre 50% à 80%.
L’essentiel est de combiner les deux : le café vous est servi accompagné de pralines et lorsque vous venez acheter des pralines, vous pouvez en profiter pour boire quelque chose par la même occasion. Au menu, nous proposerons tout ce qui se marie bien avec le chocolat, notamment des gaufres, des pâtisseries et des glaces. Par contre nous ne servirons pas de repas chauds. »
D’où vous est venue cette idée ?
R.T.: « Il y a quelques années, Leonidas a déjà tenté de lancer de tels cafés, mais le concept était trop sophistiqué à l’époque. Néanmoins certains indépendants ont entrepris des initiatives similaires avec succès. Mais jusqu’à présent ces établissements fonctionnaient de façon entièrement indépendante et ne reflétaient pas le look Leonidas. L’ensemble n’était pas cohérent. C’est ce que nous voulons changer aujourd’hui.
Comme nous l’avons déjà dit, la praline est un produit fortement lié aux saisons. Nous réalisons environ 40% de notre CA durant les mois de novembre et décembre et environ 15% à Pâques : plus de la moitié des ventes est donc concentrée sur une courte période. Grâce aux Cafés Leonidas nous souhaitons compenser ces mois moins rentables (notamment l’été) et cette forte dépendance aux saisons. »
Avez-vous déjà des emplacements en vue ? Ces flagships seront-ils exploités en gestion propre ou en franchise ?
R.T.: « D’ici fin 2013 nous envisageons d’ouvrir un Café Leonidas respectivement en Belgique, aux Pays-Bas, en France et en Allemagne. Nous opterons pour les capitales, où il y a beaucoup de passage. Bien que nous ayons déjà quelques endroits en tête, ceux-ci – contrairement au concept – ne sont pas encore définis à 100%. La superficie de l’endroit importe moins que le lieu : le concept a été développé selon différents formats, de petit à grand.
Dans un premier temps nous ouvrirons nos propres Cafés Leonidas, afin de tester le concept, mais l’objectif n’est pas de continuer à les exploiter en gestion propre. Si la formule séduit le public, nous n’hésiterons pas à mettre le concept à disposition d’entrepreneurs indépendants. »
Une partie de cet article est déjà parue dans l’édition du mois de février de notre Magazine Retaildetail.