A l’heure où les multinationales demandent à l’Europe les mêmes mesures de protection que les agriculteurs et les petits producteurs, les retailers s’inquiètent. Cela remet sur la tapis la question de savoir qui a le plus de pouvoir : les retailers ou les fabricants de marques ?
Nouvelle directive
Pour protéger les petites et moyennes entreprises dans leurs relations avec des acheteurs de grande envergure, la Comission européenne prépare depuis un moment déjà une directive pour mettre fin aux pratiques commerciales déloyales. Parmi ces mesures figurent notamment des délais de paiement plus courts pour les produits frais et l’interdiction de certaines pratiques, comme de modifier des contrats unilatéralement ou avec effet rétroactif, d’annuler des commandes en dernière minute, ou encore d’obliger les fournisseurs à payer pour les produits jetés.
Plusieurs organisations sectorielles de l’industrie alimentaire demandent à ce que cette protection soit étendue à tous les acteurs, petits et grands. Parmi eux notamment la European Brands Association, qui représente les grands fabricants de marques.
Coûts élevés, faibles marges
Dès lors les retailers craignent d’avoir moins de poids dans les négociations. Selon eux, une modifiaction de la directive perturberait considérablement le marché, avec pour conséquence des bénéfices plus élevés pour les fabricants et des hausses de prix pour les consommateurs. Dans une lettre ouverte les CEO de 22 grandes enseignes (dont Ahold Delhaize, Carrefour, Colruyt, Lidl et Metro) expriment leurs préoccupations. Ils soulignent que même les plus grands retailers européens ont une capitalisation boursière qui représente moins de 10% par rapport à celle des grands fabricants alimentaires. En outre ces fabricants génèrent un bénéfice net de 15 à 30%, alors que celui des retailers se limite à 2 à 4%. Aucun retailer ne représente plus de 2% du chiffre d’affaires mondial de ces multinationales.
Les CEO précisent également que le secteur du retail se caractérise par des coûts élevés et de faibles marges. Et la forte croissance du e-commerce menace encore davantage ces marges. « Les retailers font d’énormes efforts pour rester à la page dans cette ère digitale, en adoptant de nouvelles infrastructures et technologies, de nouveaux services ou encore de nouveaux modèles d’entreprises. L’obtention de plus gros bénéfices pour les multinationales par le biais de cette directive ne fera qu’augmenter la pression et aggraver les risques en matière d’emploi », concluent-ils.