Pourrait-on affirmer que la semaine écoulée s’est inscrite sous le signe du commerce équitable, des relations loyales, des bonnes causes et des exemples édifiants? On serait tenté de le croire à en juger par la généreuse chronique de RetailDetail Food!
Axé sur des valeurs
Prenez par exemple la chaîne d’hypermarchés allemande Kaufland, la sympathique petite soeur de Lidl. En surfant sur le corporate website de l’entreprise, vous découvrirez un retailer axé sur l’équité, les partenariats sincères et les relations commerciales franches. C’est écrit noir sur blanc. C’est donc par pure honnêteté que la chaîne a décidé de retirer 480 produits de marques des rayons. Plus précisément, des produits d’Unilever, une multinationale qui en matière de durabilité n’a pas vraiment de leçons à recevoir de ses collègues.
Conformément aux directives européennes concernant les bonnes pratiques commerciales, le retailer cherche ainsi à motiver son fournisseur à baisser son pantalon jusqu’à terre, tout comme ses prix. Bref une initiative basée sur des valeurs, qui doit résulter en un véritable win-win. Et lorsqu’un retailer utilise ce terme, cela signifie tout bonnement qu’il veut gagner deux fois. Mais peut-on lui en vouloir, car quoi de plus normal que d’avoir des ambitions saines et un esprit compétitif ? Notre civilisation occidentale toute entière s’est construite sur ces fondements.
A la poubelle
Les consommateurs pour leur part sont totalement déboussolés. Supposons qu’ils entrent dans une poissonnerie attrayante, ils pourraient en ressortir avec une demi-livre de cocaïne dans leur cabas sans même s’en rendre compte. Ce n’est qu’un exemple fictif, certes, mais quand même. Pas besoin d’expliquer ça à Alexandre Bompard, le charismatique PDG de Carrefour, qui en matière de discours passionnés n’a rien à envier à son président de moins en moins populaire. Contrairement à ce dernier le PDG a la ferme intention de tenir les promesses émises par le passé. Et n’avait-il pas promis en janvier que Carrefour deviendrait un leader mondial de la transition alimentaire? A l’époque nous ignorions complètement de quoi il parlait, mais à présent nous savons : il a mis sur papier neuf engagements concrets, on ne peut plus clairs.
Un bref résumé : fini les additifs, fini les pesticides chimiques, fini les antibiotiques, fini les OGM, vive la blockchain, vive l’agriculture bio, vive le mode de vie végétarien. Entre autres. Fini aussi Monsanto pour qui sait lire entre les lignes. Oui, c’est ainsi que le groupe entend rétablir la confiance ébranlée du consommateur : en jetant à la poubelle tout ce qui a fait la gloire de l’industrie alimentaire ces dernières décennies. Chapeau!
Gastronomie virtuelle
Ne disparaîtront pas (plus) dans la poubelle : les légumes qui n’arrivent pas jusque dans nos assiettes parce qu’ imparfaits. Le projet social enVie apprend à des chômeurs de longue durée à préparer de la soupe avec des légumes perdus. Un double win : le projet se veut un tremplin pour les chômeurs vers un emploi stable et un moyen de lutter contre le gaspillage alimentaire. Le résultat est en vente chez OKay. Pouce levé pour cette initiative ! Tout comme pour Nespresso, qui renforce sa collaboration avec Fairtrade pour soutenir les cultivateurs de café (et pour assurer son propre approvisionnement, aussi). De plus, la marque a décidé d’ouvrir un véritable ‘expérience store’ dans la plus belle ville commerciale de Belgique, voire même d’Europe occidentale : Anvers.
Nestlé aussi est plein de bonnes intentions à notre égard. Voyez plutôt. Le géant de l’agroalimentaire aimerait avoir un échantillon de notre sang, de notre ADN. A envoyer à Vevey en Suisse, merci ! Uniquement pour notre bien. Vraiment. L’idée est simple : sur base de paramètres génétiques l’entreprise peut nous prescrire un régime personnalisé avec un tas de suppléments alimentaires intéressants pour nous aider à devenir d’énergiques centenaires … et pour continuer à nous vendre des suppléments, bien entendu. Il n’y a pas de mal à ça, non? Finalement, rien ne vaut une bonne santé.
Passons maintenant à cette nouvelle tendance branchée, quelque peu inquiétante : celle des restaurants invisibles, où vous ne pouvez aller manger. Des restaurants virtuels qui n’ont ni porte d’entrée, ni tables, ni chaises. Par contre une cuisine, oui, ainsi qu’un business model astucieux : ils cuisinent uniquement pour des services de livraison, comme Uber Eats ou Takeaway.com, et composent leurs menus sur base – eh oui, là encore – de big data. Alors que vis-à-vis du public ils se profilent comme de petites adresses authentiques, évidemment. Et ça marche, comme en témoigne Deliveroo, dont le chiffre d’affaires est 5,5 fois plus élevé que l’an dernier. Alors que l’entreprise n’a même pas de coursiers à son service. Et quand même elle est en perte. Faut le faire !
Simplicité géniale
Chacun sait que les promotions entraînent parfois une destruction de valeur. Mais à ce point-là? Non, nous n’aurions pu l’imaginer : saviez-vous que chaque année les marques et retailers jettent pas moins d’un milliard de kilos de displays en carton. Alors que la solution est d’une simplicité géniale. Quelques esprits brillants ont mis au point un display réutilisable, adaptable et hyper-intelligent, qui au moyen de capteurs enregistre les chiffres de vente et recommande du stock si nécessaire. Incroyable. Certains jobs risquent d’être menacés …
Le plus grand brasseur au monde investit lui aussi dans les capteurs et les big data. Des robinets de tirage connectés, par exemple, envoient des statistiques concernant votre consommation de bière en direct vers le smartphone de Carlos Brito, qui sur base de ces chiffres concrets adaptera la politique d’investissement d’AB InBev. RetailDetail est parvenu à convaincre l’un des complices du CEO de venir nous expliquer tout cela lors de notre fameux RetailDetail Day. Dépêchez-vous de réserver vos tickets.
‘Smurfentaart’
Et pour terminer ceci. Nous avons été invités par Delhaize à venir goûter quelques centaines de nouveautés? Comment, en tant que reporter spécialisé, refuser cette invitation. Mais sachez qu’une tâche d’une telle ampleur demande une sérieuse préparation : une bonne condition physique s’impose et le jeûne quelques jours auparavant est à conseiller, si vous voulez tenir jusqu’au bout. Il nous est déja arrivé de voir des collègues décrocher à mi-chemin. Un manque total de professionnalisme !
Lors de cette de dégustation nous avons pu constater que le retailer se préoccupait avant tout de notre santé. En effet, chez Delhaize si un produit n’est pas bio, il est soit sans gluten ou pauvre en lactose ou riche en fibres, ou alors sans sucres ajoutés, ou sans sel ou végan ou – pire encore – tout cela à la fois. N’y avait-il vraiment aucunes gourmandises ou friandises ? Mais bien sûr que oui. Jugez plutôt : croquettes de crevettes contenant au moins 40% de crevettes, escargots à la bourguignonne, prosciutto crudo veiné de graisse, … et ainsi de suite. Sans oublier la célèbre ‘smurfentaart’ (une tarte aux abricots couverte d’une épaisse couche de crème fraîche, parsemée de copeaux de chocolat blanc), la mousse aux châtaignes sur un lit de crème de châtaignes (458 kilocalories et 28g de sucre/100g), la bière Jungle Joy au goût mangue et fruit de la passion et le gin japonais Roku avec un taux d’alcool de 43%.
Bref, ne vous laissez pas impressionner par cette campagne médiatique bien orchestrée : les produits dotés d’un nutri-score E rouge foncé ne manquent pas (encore) dans les rayons de l’enseigne au lion. Et heureusement d’ailleurs. Le principal élément d’un régime alimentaire équilibré, c’est de manger tout compte fait. Et boire, évidemment. Ou comme disait ce petit rigolo : « Autrefois j’ai suivi un régime, mais il ne m’a pa suivi en retour, je l’ai donc désuivi. » Hm, cela me fait penser à quelqu’un, mais je ne citerai pas de nom. Si vous avez besoin de moi d’urgence : je suis dans la cuisine. Et vous ? A la semaine prochaine.
Vous souhaitez recevoir chaque vendredi un résumé de l’actualité FMCG dans votre boîte mail ? Inscrivez-vous ici pour la newsletter gratuite de RetailDetail Food.