De nombreux supermarchés offrent un spectacle désolant, pas de légumes, pas de bière, ou même pas de homard. Eh oui, le malgré tout joyeux résumé hebdomadaire RetailDetailFood vous dévoile l’imminente fin probable de la branche retail alimentaire.
Retour vers le futur
Cela fait maintenant deux ans qu’Amazon bouleversait le monde retail avec un film YouTube dévoilant un magasin sans caisse. Je répète : deux ans. On a dû attendre jusqu’à il y six mois pour vivre l’ouverture du premier Amazon Go – effectivement inutile d’attendre à la caisse, mais bien devant la porte pour rentrer dans le magasin – et ce n’est que lundi dernier que le second magasin a ouvert ses portes. Des gourous auto-proclamés prétendent que la rapidité de changement dans le retail ne cesse de croître de manière insoutenable. Ne les croyez pas. Le rythme est extrêmement lent. Et pour couronner le tout, ce deuxième magasin hightech ne vend pas de bière. Je répète : pas de bière. Le monde ne tourne pas rond, ou est-ce moi ? Jack Ma se tord de rire. Bezos is history, ça c’est clair.
Le fait que Blokker, ce concept retail totalement anachronique, n’ait toujours pas disparu des rues commerçantes prouve que les changements sont ridiculement lents. Plus encore : la chaîne Blokker est définitivement sauvée. Vraiment. La chaîne s’oriente vers un assortiment plus clair et incorpore de nombreuses nouvelles lignes de produits indispensables et distinctives à l’actuel fouillis désordonné qui règne dans les rayons. Comme des billets à gratter, de la nourriture pour chien, des produits de nettoyage et des fleurs artificielles. Vous avez bien lu, des fleurs artificielles. The Future of Shopping en pratique ! Vous comprenez pourquoi Sander van der Laan dort moins bien ces jours-ci.
Une taxe inversée sur le sucre
Pas plus tard que la semaine dernière, nous nous réjouissions du fameux nutri-score, bien perçu par les retailers mais moins bien par les fabricants. Notre sympathique ministre de la santé a continué à souligner avec un sourire béat que cette initiative ne serait jamais obligatoire. Ben oui, si le/la Belge moyen(ne) souhaite être en meilleure santé, il/elle n’aura qu’à faire preuve d’un peu plus de volonté. Pour renforcer cette volonté encore davantage, il existe, par exemple, la taxe soda sur les boissons gazeuses sans sucre et les eaux aromatisées. On n’invente rien.
Le contraste avec nos voisins du Nord est énorme. Pas de travail à moitié pour le gouvernement néerlandais qui lance une taxe sur le sucre qui ne veut certainement porter ce nom. Au lieu d’augmenter le prix des boissons sucrées, ce sont les boissons saines qui diminuent de prix. Vous voyez que cela peut fonctionner. En même temps, les actions promotionnelles sur l’alcool seront interdites et les cantines sportives ne pourront plus vendre de hamburgers. La population sera obligée de faire du fitness, c’est du moins ce que nous avons compris. Hm, de véritables libéraux à La Haye ?
Peine perdue
Pour grandir, il faut manger beaucoup de légumes. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est Intermarché, la chaîne française connue pour ses spots publicitaires avec un degré câlin très élevé dont tout le monde parle. Ils remettent le couvert. Ici aussi, la devise est la suivante : ‘la peur du cliché ne procure jamais de bonnes idées’ : avec comme ingrédients deux adorables enfants, une mère charmante, un père joufflu à l’air quelque peu niais et une musique nostalgique des années soixante (Les Chaussettes Noires, l’ancien groupe d’Eddy Mitchell. Cool, quoi !). Et un message éducatif, donc. Manger des légumes, mais comment faire alors que nous subissons encore toujours les effets de la vague de chaleur dans les rayons des magasins ? Des poireaux ultrafins, plus verts que blancs ; de petits choux-fleurs jaunes ; des concombres légèrement ratatinés … Demandez l’avis à Hein Deprez : son entreprise Greenyard s’attend à de sérieux problèmes d’approvisionnement. Une pénurie de petits pois en conserves : nous allons en être témoins.
Heureusement que la nourriture en conserves ne dépérit pas. Ces emballages sont néanmoins pourvues d’une date de péremption, mais celle-ci n’est pas pertinente et devrait donc être supprimée, selon la N-VA. Après tout, il est absurde de jeter du café, du riz ou des chips alors que ces produits sont encore parfaitement comestibles. Ils ont raison, mais les dates de péremption sont une compétence européenne et non flamande. Peine perdue, donc. D’ailleurs, les Flamands semblent être les deuxièmes plus grands gaspilleurs en Europe. Seuls les Néerlandais font mieux. Ou plutôt pire. Une solution constructive à la confusion persistante au sujet de la DLUO et de la DLC a pourtant déjà été proposée il y a trente ans par le vétérinaire visionnaire néerlandais Toon van Wissen. Ainsi, vous vous rendez compte avec quel genre de mauvaise blague j’aimais rire lorsque j’étais un adolescent téméraire. Et encore aujourd’hui.
Impatient et arrogant
Ils s’impatientent à la frontière : ces entrepreneurs Jumbo qui aimeraient tant ouvrir un magasin dans notre pays. Ils sont convaincus de posséder le secret pour mieux prester que ces nuls qui, aujourd’hui, exploitent des formules dépassées comme AD Delhaize, Carrefour Market ou Spar. Non, vous ne pouvez pas appeler cela de l’arrogance. Il y a d’autres personnes qui entrevoient des opportunités pour concurrencer les sept valeurs établies en Belgique. Des Néerlandais, certes, mais quand même.
Les spéculations les plus folles circulent. Par exemple, que Jumbo serait en phase de conclure un gentlemen’s agreement avec Ahold Delhaize concernant l’acquisition des magasins belges d’Albert Heijn. Oui, ces charmantes personnes de Zaandam feraient donc un cadeau à leur ennemi juré. Ou par exemple que Jumbo achèterait les magasins flamands de Carrefour, pour libérer le retailer français de cette ennuyeuse langue néerlandaise totalement incompréhensible. Yeah right. Oui, Jumbo deviendrait ainsi leader du marché belge en même pas deux ans de temps. Déjà toutes nos félicitations à la famille Van Eerd pour cette belle victoire !
Pas de chance pour la moule
Par contre, nous avons de bonnes nouvelles pour Delhaize. Pour l’instant, le lion ne doit pas craindre une trop forte concurrence de cette chaîne que nous définissons en interne comme ‘le danger jaune’. Les gourmets restent sur leur faim chez Jumbo : le retailer cesse la vente de homards vivants, suite à une ‘protestation sociale’, comme on l’appelle. La chaîne continue néanmoins de vendre des moules vivantes. Le monde ne tourne pas rond ou est-ce moi ? Le fait est que les mollusques subissent un important handicap évolutif dans cette discussion : ils n’ont pas d’yeux. Ils ne peuvent donc pas vous regarder avec tristesse ou reproche avant que vous les jetiez dans la casserole. Pas de chance pour la moule.
Jusqu’à nouvel ordre, Jumbo n’éprouve aucun problème à vendre des animaux morts. Cette décision n’est donc pas très rationnelle, mais quelle décision l’est réellement ? Un psychologue suisse a écrit un petit livre très intéressant à ce sujet. Il s’intitule : ‘Pourquoi les gens intelligents prennent-ils aussi des décisions stupides’. Nous pourrions donner quelques exemples pertinents, mais nous allons nous retenir très sagement. Ah, comme dit mon bon ami et lauréat du prix Nobel, Daniel Kahneman : « Penser pour les humains, c’est comme nager pour les chats. Ils savent le faire, mais préfèrent ne pas devoir le faire. » Je vais y penser ce week-end, voilà. Et vous ? A la semaine prochaine !
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