Divers cas de harcèlement transfrontalier ont marqué le secteur FMCG durant la semaine écoulée. Le marché du retail belge risque d’être entièrement envahi. Mais RetailDetail Food doit-il pour autant se retirer dans les tranchées ?
Un leurre
Jef Colruyt commencerait-il à se sentir menacé ? La semaine dernière il a dû affronter trois attaques différentes : une future invasion de Jumbo, l’arrivée d’Amazon Prime et une offensive de prix imminente chez Delhaize. Mais non, selon certains initiés il reste complètement zen.
Ce fut pourtant le scoop de la semaine : pour la première fois Jumbo a officiellement confirmé qu’il envisageait une joyeuse entrée sur le marché belge. Enfin, c’est-à-dire : « Nous ne l’excluons certainement pas, mais nous n’allons pas entreprendre de démarches concrètes dans les prochaines années », a déclaré le directeur financier du groupe. Finalement ce n’était donc pas un scoop, mais alors pourquoi le CFO a-t-il jugé nécessaire de faire une déclaration ? Petit cachotier. En effet, des agents immobiliers ont confirmé officieusement que Jumbo leur avait donné pour mission de trouver une trentaine d’espaces commerciaux appropriés en Belgique d’ici 2019. Rien que ça ! Cette vague déclaration n’était donc qu’une diversion, un leurre pour camoufler ses ambitieux projets, afin de prendre la concurrence de court.
Blitzkrieg bop
Sur quoi certains analystes se sont demandé si une telle ‘blitzkrieg’ orchestrée par Veghel était réaliste ? Après tout, il a fallu beaucoup plus temps à Albert Heijn pour implanter ses trente premiers magasins, qui tous n’étaient pas situés à des endroits stratégiques et souvent hors prix de surcroit. Par ailleurs, selon certains journaux qui ont mené leur enquête – des comparaisons de prix portant sur au moins six produits … du journalisme de qualité ! –, Jumbo ne serait pas meilleur marché que Delhaize, Carrefour et Colruyt. Alors qu’espèrent-ils ?
Selon une autre théorie, Jumbo viserait un mariage avec Colruyt Group. Eh oui, étant donné que Jef Colruyt depuis ses désagréables aventures chez nos voisins du nord ne met plus les pieds sur le sol hollandais, les éventuels prétendants n’ont qu’à faire le premier pas. Hey ho, let’s go ! Tout comme Colruyt, Jumbo offre la garantie du meilleur prix, il y a donc affinité.
Même pas peur !
Mais Frits van Eerd n’est pas le seul à s’adonner au harcèlement transfrontalier. Jeff Bezos lui aussi lorgne le Benelux. Désormais Amazone Prime est disponible dans tout le pays, bien que les clients néerlandophones doivent faire le détour par le webshop allemand du magnat (alors que les francophones depuis fin 2016 passent par le webshop français). Non, visiblement Bezos n’a pas l’intention de miser un seul euro sur l’url amazon.be, considérant sans doute la Belgique comme quantité négligeable. Quant à l’impact de cette incursion, les avis divergent, mais la plupart des retailers belges ne semblent pas impressionnés. Vous vous souvenez de ce que disait Jef Colruyt dans le journal De Tijd du 30 janvier 2016 ? « Je ne crois pas au modèle d’Amazon et bol.com. » Même pas peur !
Nullement intimidé non plus, son collègue Dick Boer d’Ahold Delhaize a annoncé d’excellents résultats trimestriels, avec une hausse du bénéfice et du chiffre d’affaire en ligne. « Nous sommes bien armés pour affronter la concurrence d’Amazon », a-t-il souligné. Armés également pour contrecarrer Colruyt : de fait, Delhaize va diminuer ses prix, promet le CEO. La fusion génère davantage de synergies que prévu, les managers superflus son remerciés pour services rendus et les fournisseurs sont mis sous pression. Facile ! Jetez un coup d’œil à la vidéo online du CEO, qui d’un air faussement spontané ébauche le joyeux avenir du retail où robots, Siri et algorithmes prédictifs font la loi. De quoi réjouir ses collaborateurs.
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Cette semaine un reportage en caméra cachée a révélé les conditions lamentables dans lesquelles étaient élevées les poules pondeuses de l’entreprise Pyfferoen à Wingene. « C’est comme ça que cela se passe dans l’industrie agricole », a déclaré le ministre flamand du bien-être animal Ben Weyts, sans la moindre ironie. Le consommateur averti doit lui-même opté pour le bien-être animal, estime-t-il. Mais comment diable le consommateur peut-il faire la différence entre un œuf de poule élevée au sol ou en plein air ? Lidl pour sa part a mis un terme à sa collaboration avec l’entreprise incriminée.
La succession pénible de scandales agricoles est bien évidemment une publicité gratuite pour le mouvement végan en pleine ascension et semble réellement influencer le comportement du consommateur. De fait, la consommation de viande dans notre pays a diminué de 16,7% entre 2012 et 2016, et pas d’amélioration en vue. Le Belge consomme en moyenne 71 kg de viande par an, la plus faible consommation en Europe. Le flexitarisme tend à devenir la norme.
Lidl suit le mouvement et a élargi son offre de produits végans et végétariens en y ajoutant des salades à tartiner et des salamis et saucisses sans viande. La Commission européenne va d’ailleurs créer un cadre légal pour l’alimentation végératienne et végane – et la différence entre ces deux termes. Les végans refusent le beurre, le fromage et les œufs, alors que les végétariens s’en accommodent très bien. Alors permettez-nous la question suivante : si dans cinq ans un filet pur cultivé en laboratoire sort sur le marché, sous quelle catégorie le classer ? Il ne provient pas d’un animal, mais c’est quand même de la viande … Confus !
Sans commentaire
Les végans ne sont pas les seuls à lire minutieusement l’étiquette d’un pot de choco, comme nous avons pu le constater cette semaine. En effet, des consommateurs allemands critiques ont découvert que Ferrero avait sournoisement adapté la recette de sa célèbre pâte à tartiner aux noisettes Nutella, probablement en vue d’économiser sur les ingrédients : le choco a une couleur plus claire et contient davantage de lait en poudre et de sucre et moins de graisse et de cacao, prétendent-ils. Pour ce qui est du cacao ils ne peuvent le prouver car le fabricant ne mentionne pas la teneur exacte en cacao. Selon Ferrero il s’agit juste d’un peaufinage de la recette, qui ne change rien à la qualité du produit. En d’autres termes, il contient autant d’huile de palme qu’auparavant. Quel soulagement !
Quant à l’opération de renouvellement d’Aldi elle va vraiment très loin. Aux Pays-Bas le discounter lance une tarte à la fricadelle. Eh oui, comme son nom l’indique : une tarte, remplie de fricadelles et de sauce curry, à réchauffer au micro-ondes. Une expérience culinaire incomparable ! Enfin depuis que Dr. Oetker a lancé sa pizza au chocolat, plus rien ne nous étonne.
Un petit coup de bière pour digérer tout cela ? Mais avec modération, car le prix de la bière monte en flèche selon l’Observatoire des prix et qui sommes-nous pour douter leurs chiffres. A noter toutefois que dans nos pays voisins durant la même période le prix de la bière n’a quasi pas augmenté. Signalons également que les marques de bières les moins chères – dont la Cara – ont le plus augmenté en prix. Aucun commentaire de la part de Carlos Britto, ni de Jef Corluyt, … donc ni de notre part. A la semaine prochaine !
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