Tant Ahold Delhaize que Colruyt ont vu chuter leur cours boursier : les investisseurs ont perdu confiance. Mais un retailer n’est pas l’autre : Ahold Delhaize semble s’en sortir, alors que Colruyt a des soucis à se faire.
Guerre des prix
Les causes de cette chute boursière sont différentes pour les deux chaînes. Pour Ahold Delhaize, la raison principale est sa situation sur le marché américain ; marché qui représente deux tiers de son chiffre d’affaires. L’arrivée de Lidl a provoqué une véritable guerre des prix, à laquelle participent Aldi et Walmart. Les investisseurs craignent que cela mette également les marges du groupe fusionné sous pression. Et pour comble, Amazon en rachetant Whole Foods a chamboulé tout le secteur.
Soudain les chaînes de supermarchés traditionnelles semblent discréditées, en raison de leur manque d’innovation, tandis qu’une entreprise de technologique change les règles du jeu. Longtemps pourtant le food a échappé à la menace du e-commerce. Mais si Amazon s’en mêle, le temps de la récré est terminé. A noter toutefois que le fameux supermarché sans caisse Amazon Go par exemple n’est toujours pas opérationnel. Amazon n’est donc pas aussi infaillible qu’il n’y paraît.
Cible de reprise
Progressivement le sens de la réalité semble reprendre le dessus : les prédictions sur la mort du supermarché sont fortement exagérées. ING estime que la liquidation des actions Ahold Delhaize est « hors proportion » : selon la banque, le groupe détient une position de leader de marché de grande ampleur et témoigne d’une exécution opérationnelle solide. De plus, le groupe fusionné peut tirer profit des synergies. Les analystes maintiennent donc leur avis acheter, bien que l’objectif de cours ait été revu à la baisse.
John Beijer, directeur de Beursfoon, lui aussi reste confiant. Selon Beijer, le creux actuel est l’occasion idéale d’acheter. D’autre part certains prévoient une nouvelle vague de consolidation aux Etats-Unis. Dans ce contexte Ahold Delhaize – ou du moins la branche américaine du groupe fusionné – pourrait devenir une cible de reprise intéressante, ce qui pour les investisseurs pourrait rapporter une jolie prime. Après son effondrement, l’action commence d’ailleurs à se rétablir.
Marges en baisse
Chez Colruyt d’autres facteurs entrent en ligne de compte : le discounter n’est pas un acteur mondial, ce qui constitue à la fois une force et une faiblesse. Une force parce que personne ne connaît mieux le consommateur belge que Colruyt. De plus la Belgique est un petit pays, donc les chances qu’Amazon en fasse une priorité sont inexistantes. Ce marché devrait encore rester à l’abri un bon moment.
Mais c’est également une faiblesse, car Colruyt est un gros poisson dans un petit bocal, pour qui le potentiel de croissance est devenu minime. Les activités françaises ne sont convaincantes et sur le marché belge le retailer ressent de plus en plus la concurrence de concurrents internationaux beaucoup plus grands, disposant d’un pouvoir d’achat supérieur. Grâce à des promotions bien pensées et de gros investissements dans la communication, Aldi, Lidl et Ahold Delhaize sapent le modèle du meilleur prix de Colruyt, qui de ce fait voit diminuer ses marges.
La garantie du plus bas prix s’effrite
Aujourd’hui la viabilité de la stratégie de Colruyt est ouvertement remise en question. La montée du e-commerce n’arrangera pas les choses, car comment Colruyt pourra-t-il réagir aux prix inférieurs des webshops étrangers ? Songez au niveau de prix d’amazon.fr. La garantie du plus bas prix a bien fonctionné dans le marché protégé qu’était la Belgique, mais avec l’augmentation des achats transfrontières (offline et online) cette garantie s’effrite. Une analyse dure à encaisser pour Colruyt.
En ce qui concerne Colruyt, les experts sont de moins en moins enthousiastes. Les perspectives de croissance sont incertaines, l’action est trop chère. Une majorité d’analystes boursiers conseillent de vendre l’action Colruyt, indique le journal De Tijd. Seule la banque Morgan Stanley reste positive. Préoccupant. Ou est-ce un euphémisme ?