Depuis vendredi dernier c’est limpide : un seul retailer au monde sait comment s’y prendre. Tous les autres pataugent, qu’il s’agisse de Jef, Dick ou Alexandre. Un aperçu rafraîchissant de la semaine écoulée par RetailDetail Food !
Un vin moelleux
Mais d’abord nous vous amenons dans un chapiteau torride à Bruxelles, où deux hommes distingués en costume-cravate discutaient agréablement il y a une semaine environ.
« Et, qu’en pensez-vous ? »
« Un vin moelleux, qui se laisse boire, avec un goût de cerise noire, une touche de figue, voire même de cacao. Cela ne m’étonnerait pas qu’il s’agisse d’un Merlot. Excellent avec la pintade ou la viande porc, n’est-ce pas ? »
« Oh, ce n’est pas un grand cru, je sais bien, mais c’est pour une bonne cause… »
« Très bonne idée. Mais dites-moi, monsieur Knops, le groupe Delhaize peut-il encore être considéré comme une entreprise belge ? »
Le CEO manqua de s’étouffer avec son Bordeaux Jules Delhaize 2015. Il avait pourtant commencé cette journée festive d’excellente humeur, même si l’endroit n’était pas celui qu’il avait espéré initialement. Mais finalement Tour & Taxis s’est avéré une alternative tout à fait valable au lieu du Parc de Laeken et de plus la météo était au beau fixe. Même un article épineux sur retaildetail.be n’aurait pu entamer sa bonne humeur, ni même la chute du cours boursier du groupe fusionné, dont il faisait maintenant partie, bon gré mal gré. Après tout ce n’est pas tous les jours que l’on reçoit le roi. Donc bien vite il se reprit.
« C’est Knoops, Sire, avec deux o. Et ne vous inquiétez pas, nous restons l’enseigne leader en Belgique. Garanti. C’est écrit, noir sur blanc. Pas de doute possible. »
« Ah bon, donc si je comprends bien, ce joli nouveau magasin à Wemmel est à vous aussi désormais? »
« Euh non, Majesté. Du moins, pas encore. Mais ce n’est qu’une question de temps. Encore un an ou deux, et cette difficile période de transition sera derrière le dos. Entretemps, continuez à faire vos courses au Delhaize Mutsaard. »
« Ah, le magasin en face de l’Aldi ? Non, je n’y suis plus allé depuis longtemps. Actuellement je préfère faire livrer nos courses au palais. Faire ses courses est une telle corvée et en plus nous avons si peu de temps. Vous connaissez HelloFresh ? C’est vraiment bon et pratique, je vous le conseille vivement. Et avez-vous vu les prix sur Amazon.fr ? Incroyable ! Mais il faut que j’aille m’occuper des petits … » Alors que le roi se dirigeait joyeusement vers la grande roue, le CEO tourmenté soupira profondément et se fit servir un autre verre.
Des voisins en colère et des investisseurs inquiets
Visiblement les voisins n’ont pas tellement apprécié la fête d’anniversaire de Delhaize : festivités perturbantes et feu d’artifice trop bruyant, plusieurs jours d’affilée, se sont-ils plaints. Mais l’événement, tout comme les autres actualités de la semaine écoulée ont été éclipsés par le récent coup de maître de Jeff Bezos. Du coup tous les autres supermarchés semblent être des incompétents, à en croire les investisseurs. En début de semaine RetailDetail vous a déjà exposé ses conclusions suite à ce deal.
Etrange quand même : jusqu’il y a une semaine personne ne semblait croire que le canal online pouvait chambouler le secteur food. Et voilà que maintenant les analystes et les investisseurs, collectivement, estiment que c’est déjà chose faite. Dans une rubrique pointue pour la station de radio néerlandaise BNR, le journaliste financier Paul Laseur affirmait que l’ancien supermarché traditionnel serait la nouvelle victime de la révolution online dans le commerce de détail. Et qu’Albert Heijn pourrait bien être le prochain V&D. Ahold s’est endormi, selon le journaliste, et l’acquisition de bol.com n’y changera rien : too little, too late.
Jeff ne répond pas
Quoi qu’il en soit, pour notre Jef Colruyt national la semaine ne fut pas des plus réussies. Malgré la publication de résultats plutôt satisfaisants, l’action s’est effondrée à la bourse. Les investisseurs estiment que Colruyt est trop cher. C’est à n’y plus rien comprendre, sachant qu’à Hal ils persistent à réagir à chaque baisse de prix et à chaque promotion de chaque concurrent, sauf d’Amazon. Mais la formule magique semble perdre son effet.
Si j’étais Jef Colruyt, je vendrais mon enseigne à Bezos, pour autant qu’il soit intéressé, évidemment. Le problème est que Jeff ne se donnerait même pas la peine de répondre si Jef l’appelait. Colruyt est trop petit, alors qu’Amazon est grand et riche assez pour racheter tout Carrefour, sans se ruiner. Et en Amérique Kroger n’a qu’à faire de même avec Ahold Delhaize. C’est ce qu’on appelle ‘une fuite en avant’. Comme si ces chaînes deviendraient soudainement innovantes, si elles devenaient encore plus gigantesques qu’elles ne l’étaient déjà.
On le sait, le changement est laborieux pour de grandes entreprises peu maniables. C’est pourquoi les nouvelles idées viennent souvent de parties externes qui ne sont pas freinées par une riche histoire et une organisation vaste et coûteuse. L’innovation dans le monde financier ne vient en général pas de banques et dans le monde automobile elle ne vient des grands constructeurs. Et dans l’univers du retail, elle vient d’Amazon. Une entreprise de technologie, pas une chaîne de supermarchés. Jusqu’à aujourd’hui, donc.
Gastro-touristes
Si nous devions choisir le mot de la semaine, ‘gastro-nationalisme’ sortirait gagnant. Lancé par la Fevia, ce terme décrit très justement le protectionnisme larvé dont souffre le marché alimentaire. La cause ? Le législateur français joue sournoisement sur les sentiments chauvinistes du consommateur, qui dès lors n’apprécie plus les produits laitiers et la viande belges. Et pour comble, les Belges eux-mêmes sont de plus en plus nombreux à traverser la frontière française pour faire leurs courses, ce qui fait de nous des gastro-touristes ; tendance qui ne fera qu’empirer avec les vacances d’été à venir.
En contrepartie nous achetons de moins en moins chez nos voisins néerlandais. Peut-être est-ce dû au fait que les Hollandais ont eux-mêmes traversé la frontière pour nous proposer leur ‘pindakaas’ et ‘muisjes’ , avec les conséquences que l’on connaît. Pour garantir sa place de leader en Belgique, Delhaize va même jusqu’à ouvrir ses magasins 7 jours sur 7 et 24h sur 24, du moins certains magasins. Histoire de rétablir l’équilibre, Aldi a organisé une semaine belge aux Pays-Bas. Le folder présente une série d’articles belges douteux que l’on aurait du mal à refiler à un client belge. Quant à savoir si ces produits sont fabriqués chez nous, rien n’est moins sûr. Seriez-vous tentés d’acheter des ‘drops’ en forme de ‘Brusselse Mannekes’ ?
Concombres caricaturaux
Et que penser du reste de l’actualité food ? La morte-saison, le ‘kokommertijd’ comme dit l’expression néerlandaise, approche, nous semble-t-il. Que les produits en vente rapide montrent des signes de dégradation semblait être une grande nouvelle pour les médias. En quoi est-ce surprenant ? Le conflit entre la Hongrie et Heineken prend des allures caricaturales. L’étoile rouge sur l’étiquette de bière rappellerait un symbole communiste et Viktor Orban estime que son peuple a déjà suffisamment souffert. Effectivement : si en plus les Hongrois étaient obligés de boire de la Heineken, c’est alors que leur vie deviendrait un véritable enfer.
Et à part ça ? Walmart rachète la marque Bonobos. Un fait divers, tout au plus. Actuellement on ne parle que de cessions et de reprises. Le groupe de boissons alcoolisées Diageo par exemple a déboursé 620 millions d’euros pour un projet amateur de l’acteur George Clooney, à savoir la marque de tequila Casamigos. Some guys have all the luck.
Si vous êtes intéressés par les marques de confiserie américaines de Nestlé, n’hésitez pas à faire une offre. Vous préférez le salé ? Les sauces Devos Lemmens sont à vous pour à peine un milliard d’euros. Une bonne petite bière allemande en accompagnement ? Contactez Leuven, ils vous arrangeront cela. Et que pensons-nous des beaux résultats de Duvel ? Eh bien, sans dévoiler de noms, nous connaissons certaines personnes qui y ont largement contribué. A la semaine prochaine !
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