Afin de renouer avec la croissance, Delhaize va moderniser cette année pas moins de 120 supermarchés. Une centaine d’entre eux sont aux mains de commerçants affiliés. RetailDetail a rendu visite à deux entrepreneurs qui investissent dans l’avenir.
Hausse du chiffre d’affaires, baisse des coûts
Le Proxy Delhaize sur la Nationalestraat à Anvers a été le deuxième magasin à opérer la transition vers le nouveau concept, après Proxy Delhaize Manhattan en 2015. Le chef d’entreprise Bert Lambregts se dit satisfait des résultats de cette rénovation : « Le concept est esthétique et chaleureux. Le chiffre d’affaires a fortement progressé la première année. Les économies d’énergie réalisées permettent en outre d’amortir une partie du coût des travaux. L’installation d’un éclairage LED et d’armoires frigorifiques au CO2 nous a permis de réduire notre facture d’électricité. »
Le nouveau concept de magasin Proxy, imaginé par l’agence Minale, a toutefois nécessité quelques ajustements locaux. « Personne ne connaît nos clients mieux que nous. Il était en outre indispensable de veiller à l’efficacité des opérations en magasin. » Il a donc fallu un peu chercher pour caser le plus vaste assortiment de produits frais dans un espace compact de 399 m², sans trop raboter l’offre d’alimentation sèche. Des arbitrages ont été nécessaires : le facing accordé aux produits d’entretien et au papier toilette a diminué, au profit de la cuisine du monde, des produits sains et des produits bio. Une place de choix a été donnée près de l’entrée aux sandwichs frais, wraps, salades et sushis de Delhaize, qui remportent ici un énorme succès. « Je ne crois pas que les sandwich garnis traditionnels aient leur place dans un magasin comme le nôtre. Il y a déjà en ville une pléthore d’options pour un lunch rapide. En revanche, le snacking ‘on the go’ fonctionne. »
Dans la zone de caisse, les clients ont le choix entre les caisses traditionnelles ou les bornes quick-scan. « Ce système n’est pas forcément source d’économies, mais il favorise une plus grande fluidité aux caisses et donc un meilleur service. » L’entrepreneur compte également moderniser son deuxième magasin de proximité, situé dans la même ville, d’ici la fin de l’année.
Nouveau supermarché urbain
Les projets d’investissement de Bert Lambregts ne s’arrêteront toutefois pas à la future transformation de son deuxième Proxy Delhaize. Cet automne, il ouvrira en effet un supermarché AD Delhaize flambant neuf dans le quartier Cadix, un quartier vert et branché de la métropole. Il se lance dans cette aventure avec deux associés qui exploitent également des magasins Proxy Delhaize à Anvers.
« En ville, il n’y a pas de concurrence entre nous. Les gens entrent dans le magasin qu’ils rencontrent sur leur trajet. Mieux vaut donc s’entraider et apprendre les uns des autres », estime-t-il. « Tel entrepreneur est plus fort en informatique et en automatisation, tandis qu’un autre a davantage de feeling commercial… Ensemble, nous sommes donc plus forts. »
L’investissement dans des magasins supplémentaires est pour lui une question de répartition des risques, de grandeur d’échelle et d’efficacité. Le nouveau supermarché est un projet ambitieux : 1 800 m², vaste parking souterrain, boucherie propre proposant de la viande maturée, comptoir de sushis… « Il s’agira d’un croisement entre un supermarché et un magasin urbain. La situation au bord de l’eau est très agréable, et une nouvelle ligne de tram passe devant la porte. » Le jour J est fixé au 21 septembre.
Parés pour l’avenir
À Turnhout, les entrepreneurs Nele Verstraete et Dirk Boeren ont rouvert le 3 mars leur supermarché AD Delhaize, une ancienne filiale reprise à Delhaize en 2015. Le couple exploite également un Proxy Delhaize dans le centre de Turnhout, ainsi que des magasins AD Delhaize à Vosselaar et Beerse. Les deux supermarchés seront prochainement agrandis et rénovés.
« La durée de vie des concepts de magasin se raccourcit, alors que les investissements sont de plus en plus lourds », témoigne Dirk Boeren. « Nous voulons préparer tous nos magasins pour l’avenir. » Avec un Colruyt et un Aldi à deux pas, un hypermarché Carrefour à moins d’un kilomètre et un Lidl à l’horizon, on peut ici parler d’un marché hyperconcurrentiel. La rénovation était nécessaire : le magasin était totalement défraîchi, et les frais d’entretien et la facture énergétique étaient trop élevés.
« Les clients sont extrêmement exigeants. Durant l’année qui a suivi la reprise, nous nous sommes montrés très à leur écoute. Nous avons ainsi appris que la fraîcheur des fruits et légumes laissait selon eux à désirer, et sommes donc passés à deux livraisons hebdomadaires. Nos promotions manquaient de clarté ou n’étaient pas disponibles à temps. L’agencement du magasin n’était pas fonctionnel, et nos collaborateurs étaient inexpérimentés. Dans nos magasins de Beerse et Vosselaar, l’ambiance est plus relax, mais ici, nous n’avons pas une seconde de répit… » C’est que la clientèle citadine a des attentes bien spécifiques. L’offre diversifiée de charcuteries préemballées remporte beaucoup de succès à Turnhout, alors qu’à Beerse et à Vosselaar, c’est le comptoir traditionnel qui tient la vedette.
Le frais comme levier de différenciation
Pour la rénovation en profondeur de leur supermarché, les entrepreneurs ont opté pour l’ouverture et la lisibilité. Les clients voient ce qui les attend dès qu’ils franchissent le seuil. Cela les rassure et leur facilite les courses. Le magasin est aujourd’hui divisé en trois grands blocs, reliés par des allées plus courtes. Rien ne vient entraver le parcours du client, qui peut librement se mouvoir d’un département à l’autre. L’offre food est présentée sur une surface plus compacte : il y a davantage de références, mais moins de facings. Le frais doit faire toute la différence, et cela semble fonctionner : la boulangerie a enregistré une hausse des ventes de 30 % depuis la réouverture. Les fruits et légumes se taillent désormais une part de 15 %, ce qui est énorme. Un autre facteur clé a été la formation des employés de magasin : le service passe par l’attitude, la disponibilité, la réactivité, les connaissances produit…
Les entrepreneurs ont donc de bonnes raisons d’être satisfaits. Le magasin est-il pour autant prêt pour l’avenir ? « Les magasins physiques se ressemblent de plus en plus », observe un Dirk Boeren critique. « Nos concullègues se laissent volontiers inspirer par nos innovations en matière d’aménagement de magasin, de promotions, de nouveaux produits… En soi, c’est un complément pour Delhaize, puisque cela prouve que nous sommes sur la bonne voie. Cela reste un défi de continuer à innover et à se différencier du reste. »
Conditions de concurrence équitables ?
« On assiste dernièrement à l’essor des formules d’Amazon, Smartmat et HelloFresh. Le marché évolue, c’est évident, et Delhaize suit le mouvement. Ces modes et tendances n’empêchent toutefois pas les clients de rester fidèles à leur magasin physique. L’explication se trouve selon moi dans la conviction qu’ils peuvent trouver chez nous le meilleur service, le plus vaste assortiment, des produits frais et des promotions intéressantes, le tout combiné à une agréable expérience de shopping. »
« Je suis confiant en l’avenir. Les investissements que nous consacrons aujourd’hui à nos magasins en sont la meilleure preuve. Je crois fortement en l’avenir de Delhaize. J’espère simplement que la législation va elle aussi évoluer, afin que nous puissions bénéficier de conditions de concurrence équitables à l’égard de ces nouveaux acteurs du marché. »
Tout coordonner soi-même, ou pas ?
Voilà bien une question essentielle pour les entrepreneurs ayant des projets de rénovation. Dirk Boeren a réalisé la transformation de l’AD Delhaize de Turnhout en régie propre avec l’aide de sous-traitants indépendants. Cette solution offre un plus grand contrôle, mais représente beaucoup de travail. Le magasin a fermé ses portes pendant 12 jours, ce qui relève quand même de l’exploit pour une telle transformation. « Je préfère fermer que de rester ouvert pendant plusieurs mois de travaux, avec toutes les nuisances pour la clientèle et la perte de chiffre d’affaires que cela implique. »
Bert Lambregts a lui aussi pratiquement coordonné seul les travaux de rénovation de son Proxy Delhaize. Le magasin a fermé pendant une semaine et demie. Une nécessité pour un petit magasin, estime l’entrepreneur. Pour la construction du nouvel AD Delhaize Cadix, les associés anversois ont fait appel à l’agenceur de magasins Stamhuis, qui a fait son entrée en Belgique dans le sillage d’Albert Heijn et qui a déjà démontré – notamment à Schoten – sa capacité à mener une rénovation de supermarché de grande envergure en un temps record.
« L’entreprise nous décharge de maints soucis et nous évite de perdre du temps en tracasseries administratives liées aux permis, au planning et au suivi. Sa méthode de travail unique présente de nombreux avantages. Elle regroupe plusieurs fournisseurs et monte le mobilier et les appareils à l’avance, dans ses propres ateliers. Le fournisseur du système de caisse ne doit ainsi pas attendre que le meuble de caisse soit installé, sans parler du raccordement à Bancontact… L’entreprise utilise en outre des rayonnages facilement modulables, installés avec des étiquettes intégrées. » Le gain de temps est un fameux atout. Grâce à sa position de négociation forte, Stamhuis est en mesure d’obtenir de belles remises dont l’entrepreneur profite également. Delhaize est en outre assurée d’une exécution uniforme en magasin. Une vraie situation gagnant-gagnant.