C’est du sérieux entre Amazon et le marché ‘food’. Le géant du e-commerce invite les fabricants de marques à contourner le supermarché et à servir le consommateur en direct. Enfin, en direct ? Via Amazon, bien entendu, et ce sous des conditions acérées.
Renforcer les liens
La semaine dernière des dizaines de grands fabricants de marques américains du secteur food, dont Mondelez et General Mills, ont reçu une invitation pour le moins surprenante, annonce Bloomberg. Lors d’une convention de trois jours au siège principal d’Amazon à Seattle, ils auront droit à une vaste visite guidée et à un speech de Jeff Wilke, ‘worldwide consumer chief’ et confident du grand patron Jeff Bezos.
Amazon ne cache pas ses ambitions. L’entreprise veut renforcer les liens avec des marques FMCG de premier plan et les convaincre de revoir leur modèle d’entreprise. Au lieu de continuer à investir dans des relations commerciales avec de grandes chaînes de supermarchés, ils devraient se rendre compte que l’e-commerce c’est l’avenir, estime le géant américain.
Autre chaîne d’approvisionnement
Pour ce faire Amazon encourage les fabricants à envisager une autre chaîne d’approvisionnement, où les produits ne seraient plus conçus pour attirer l’attention en rayon, mais devraient être aussi solides et durables que possible, afin d’assurer une livraison dans un état parfait ; où les fabricants ne penseraient plus en termes de palettes, mais en termes d’emballages individuels ; et où le dernier kilomètre serait confié aux bons soins d’Amazon. Ainsi Amazon sera en mesure d’effectuer des livraisons encore plus efficaces dans l’heure, afin d’éviter au consommateur de devoir se déplacer jusqu’au supermarché.
Ces énormes efforts d’Amazon en vue de séduire les marques alimentaires n’ont rien de surprenants, sachant que le secteur FMCG est de loin le plus grand segment dans le retail, mais que pour l’instant l’e-commerce aux USA ne détient que 2% du marché food. Et ce malgré des innovations comme Amazon Fresh, Amazon Dash, Amazon Echo, Amazon Go et Amazon Fresh Pick-Up.
FOMO
Cette nouvelle tactique de Jeff Bezos a-t-elle des chances d’aboutir ? En tout cas les fabricants semblent accepter l’aimable invitation. Même si pour l’instant ils n’ont pas l’intention de mettre en danger leur étroite relation avec Walmart, Kroger & Co, ils constatent néanmoins que le chiffre d’affaires des supermarchés stagne et ont peur de rater le train lorsque le comportement d’achat du consommateur moyen basculera vers l’e-commerce aussi pour les achats alimentaires. Voilà un cas concret de FOMO, fear of missing out. Après tout Amazon sert quelque 300 millions d’e-acheteurs et a déjà commencé à développer ses propres marques alimentaires.
Les chaînes de supermarchés sont d’ores et déjà sur le qui-vive. Plus encore, Walmart mène une guerre concurrentielle acharnée contre Amazon. Le numéro un se sent menacé. C’est pourquoi Walmart investit des millions dans des reprises (notamment Jet.com et diverses petites start-ups), dans le développement d’applis et la mise sur pied accélérée de ses propres activités d’e-commerce, avec notamment un service click & collect.
Une guerre des prix dévastatrice
Mais en même temps Walmart déclenche une guerre des prix dévastatrice. Le mois dernier la chaîne a réuni ses fournisseurs pour une mise au point concernant les conditions d’achat et les prix de vente. Trop souvent le retailer a du mal à garantir sa promesse « Everyday Low Price », face à Amazon qui grâce à un algorithme astucieux compare et baisse les prix. C’est pourquoi Walmart exige des conditions d’achat plus avantageuses, alors qu’Amazon de son côté n’hésite pas à éjecter les marques de ses rayons (virtuels), si celles-ci ne participent pas au jeu des prix (ce fut le cas récemment pour Pampers).
Ainsi les fabricants de marques se retrouvent pris entre deux feux. Ils risquent d’être les victimes de la guerre impitoyable que se livrent deux ennemis jurés. Une guerre dans laquelle ils n’ont rien à gagner. Car quel avantage y a-t-il à échanger un intermédiaire (le supermarché physique omniprésent) pour un autre (la toute puissante plateforme internet) ? Précisément. Ne vaudrait-il pas mieux en tant que marque développer son propre canal de vente en direct ? On serait tenté de le croire …