Le fait qu’Aldi et (surtout) Lidl s’aventurent sur le terrain d’action des supermarchés de proximité – à savoir le frais et les produits de marque – ne devrait pas faire l’affaire de l’exploitant moyen. Qu’en est-il en réalité ?
Pression accrue sur les prix
L’atout prix des hard discounters risque de pénaliser les supermarchés ordinaires dans la course aux parts de marché. Développer le réseau, accroître la part de marché… c’est bien beau tout ça, mais encore faut-il que la situation reste tenable. À force de voir leur part du gâteau rapetisser, les exploitants de magasins vont finir par se retrouver en réelle difficulté.
« Nous suivons les consignes de la centrale, qui demande des prix corrects pour des produits de qualité », explique Geert Vanden Meerssche du Carrefour Market à Tremelo. « Aldi est un gros générateur de trafic. Et ce que les clients ne trouvent pas là-bas, ils viennent l’acheter chez nous. La proximité d’Aldi s’avère donc finalement plutôt avantageuse pour nous. »
Des pommes et des poires
Stef Nuyts des magasins Spar (Lambrechts) d’Oostmalle et Vlimmeren n’a pas non plus à se plaindre : « Notre chiffre d’affaires continue de progresser de 1 à 2 %. La valeur du panier est toutefois beaucoup plus élevée à Vlimmeren (€ 24) qu’à Oostmalle (€ 11-12). Le type de public, la situation, le chiffre d’affaires par m², le personnel… ces deux magasins n’ont rien en commun, ce qui fait que la dynamique concurrentielle est elle aussi tout à fait différente. »
Le hard discount est étroitement associé à la notion de sensibilité au prix. « Nous avons un Aldi sur le parking, mais il ne faut pas comparer des pommes et des poires », nuance Yannick Vandendael du Spar Colruyt à Haasrode. « C’est vrai que la pression est particulièrement forte au rayon fruits et légumes ; en revanche, le client est prêt à payer un peu plus cher pour les produits de marque, compte tenu de la différence de qualité. »
Politique vis-à-vis des marques
Lidl propose depuis un certain temps déjà des produits de marque dans ses rayons et, depuis peu, Aldi commercialise également Coca-Cola, Nutella et quelques autres grands noms. Est-ce un problème ? « Cela n’a pas vraiment d’impact sur nos ventes », témoigne Yannick Vandendael. « Ces enseignes vendent d’autres formats de conditionnement que nous, ce qui complique la comparaison des prix. Je ne pense pas que ce phénomène prendra de l’ampleur tant que les discounters continuent de se concentrer sur les prix. »
Selon Kris Bonne de Proxy Delhaize Heuvelpoort à Gand, la présence d’un assortiment limité de marques chez les discounters joue en faveur du consommateur, « car toutes les enseignes alignent leurs prix. Le choix reste toutefois limité, et les MDD dominent ; c’est donc un peu un faux débat. Si vous privilégiez la qualité et le goût, c’est chez nous que vous les trouverez. »
Une riposte adaptée
Stef Nuyts envisage le problème sous un tout autre angle : « Depuis que Coca-Cola est en vente chez Aldi, les ventes de produits Coca-Cola à Vlimmeren ont chuté de 13 %, et même de 30 % pour le pack de six regular », confie-t-il. « Et pourtant, le chiffre d’affaires global du rayon boissons est en hausse de 6 % ! Notre collaboration avec la marque a-t-elle dès lors encore un sens ? Les petits magasins sont les premiers à souffrir de la situation. »
Geert Vanden Meerssche rejoint son point de vue : « L’arrivée des marques chez les discounters va forcément attirer davantage de clients qui venaient jusqu’à présent s’approvisionner chez nous. Ce n’est donc pas une très bonne nouvelle pour nous. Il ne nous reste plus qu’à nous profiler autrement, en pratiquant des prix justes, en proposant des promotions avantageuses et en misant sur les produits locaux. »