Les investisseurs et analystes financiers ont mal accueilli les résultats semestriels de Colruyt Group. L’action a chuté, bien que le retailer soit parvenu à augmenter son chiffre d’affaires et sa part de marché. Alors quel est le problème ?
Action trop chère ?
Colruyt reste une enseigne très populaire auprès des consommateurs belges, mais les investisseurs se montrent moins enthousiastes. Plusieurs analystes ont conseillé de vendre l’action, car ils jugent le potentiel de croissance limité et s’interrogent sur la baisse du résultat d’exploitation. Le ratio cours/bénéfices n’est pas favorable et contrairement aux produits en magasin, l’action à la bourse est trop chère.
Toutefois la croissance attendue par tout investisseur semble plus au moins avoir atteint son plafond pour les magasins Colruyt Meilleurs Prix. Jef Colruyt a beau fixer la barre toujours plus haut lorsqu’on l’interroge sur le nombre de magasins supplémentaires encore prévus, la couverture du marché semble quasiment complète. Certes, la part de marché continue d’augmenter, mais moins rapidement : le risque de cannibalisation lors de l’ouverture de nouveaux magasins est de plus en plus grand.
Critique douloureuse
Dans le communiqué de presse concernant ses résultats trimestriels, le discounter souligne avec insistance qu’il continue d’investir dans sa stratégie du meilleur prix : les réductions de prix et les promotions sont immédiatement prises en compte dans les prix de vente. Or bon nombre d’observateurs se demandent si cette stratégie restera tenable pour Colruyt, car cette politique du plus bas prix lui coûté énormément d’argent et pèse sur les marges.
De plus la concurrence – venant principalement de grands groupes internationaux – ne cesse d’augmenter. Lidl est pris d’une soif de conquête et intensifie son expansion, Aldi se démarque en introduisant des marques dans son assortiment, et la résistance d’Ahold Delhaize à partir de l’an prochain s’annonce sérieuse. Par ailleurs dans le canal online la garantie du meilleur prix est difficile à assurer, comme il s’est avéré pour les clients de Collect & Go.
Cette critique doit être bien douloureuse pour le discounter, car en mettant en cause sa politique de prix, c’est son ADN que l’on attaque. Toutefois cette politique, Colruyt ne la lâchera jamais, mais elle lui coûte de plus en plus chère, comme en témoignent les chiffres une fois de plus. De quoi inquiéter les investisseurs.
Nouveaux concepts
Que fait Colruyt pour contrer cette critique ? D’une part le groupe investit dans de nouveaux concepts de supermarchés : Okay, Bio-Planet et CRU ont de belles perspectives de croissance et ne ploient pas sous le poids du meilleur prix. Pourtant là aussi les investissements dans la croissance pèsent sur les résultats, notamment pour Bio-Planet et CRU qui ne sont toujours pas rentables.
Par ailleurs le potentiel de CRU est plutôt limité : à terme le groupe vise à peine une vingtaine de magasins, bien que l’on puisse imaginer qu’un jour CRU fasse son apparition dans d’autres magasins en tant que marque premium. Quant à Bio-Planet, son concept est attrayant, mais d’autres chaînes traditionnelles vendent elles aussi des produits bios. De plus la concurrence s’intensifie, surtout dans la partie francophone du pays avec des enseignes telles que Färm, Sequoia, BioCap, Bi’OK ou encore le français Bio C’Bon.
Coup de semonce
D’autre part le retailer met les fournisseurs en garde. Dans l’Echo il y a quelques semaines Jef Colruyt a déjà tiré un coup de semonce : si les fabricants accordent de meilleures conditions au groupe fusionné Ahold Delhaize, il tapera du poing sur la table. Un avertissement qui inquiète les fabricants de marques, qui perdent de plus en plus de chiffre d’affaires au profit des marques de distributeurs et recherchent donc d’autres débouchés.
Toujours est-il que dans la pratique les différences de prix entre les chaînes de supermarchés sont rarement entièrement liées aux différences de conditions d’achat – les fournisseurs de marques ne pourraient se le permettre. Par conséquent pour Colruyt la solution sera avant tout de maîtriser ses coûts. Chose pour laquelle le discounter s’est toujours montré très doué, n’est-ce pas ?