C’est avec de brillants résultats que Lily Deforce fait ses adieux à Fairtrade Belgium, après plus de huit années intenses. L’organisation cueille les fruits d’une stratégie claire et cohérente, où retailers et fabricants jouent le premier rôle.
Cross selling
Lorsque Lily Deforce a débuté en tant que directrice de l’organisation de commerce équitable, celle-ci s’appelait encore Max Havelaar. Depuis le nom a changé en Fairtrade Belgium, qui est devenu une organisation solide avec une équipe dynamique et une vision claire. Le succès n’est pas tombé du ciel.
« Notre stratégie a consisté à nous focaliser radicalement sur nos grandes catégories clés, en particulier les bananes dans le secteur du retail et le café sur le marché out-of-home. Ce sont les moteurs à partir desquels nous misons ensuite sur le cross selling vers d’autres catégories. Et ça marche », explique la directrice sortante avec enthousiasme. Fairtrade parvient à attirer de nouveaux acheteurs dans toutes les catégories, comme en témoignent les chiffres.
Les bananes pour recruter les acheteurs
« Les bananes sont idéales pour recruter des acheteurs. Elles figurent souvent sur la liste de courses, surtout chez les jeunes ménages avec enfants. Il est donc important que tous les retailers vendent des bananes Fairtrade. Maintenant que récemment Aldi les a ajoutées à son assortiment, la boucle est bouclée et je peux partir avec la conscience tranquille », indique Lily Deforce en riant.
Que doivent retenir les retailers avant tout ? « Les acheteurs Fairtrade sont de précieux clients. Ils dépensent 21,3% de plus annuellement par rapport à des ménages belges qui n’achètent pas de produits Fairtrade. » Donc le type de client que l’on souhaite attirer dans son magasin.
Le cacao, une priorité
Fairtrade profite de la conscientisation accrue de la société concernant le développement durable, mais cela n’explique pas tout, souligne Lily Deforce : « Je persiste à dire que le principal moteur de croissance de Fairtrade n’est pas le consommateur, mais l’industrie : les retailers et les fabricants. » Si l’offre et la disponibilité augmentent, la consommation suivra.
« Les observateurs de tendances ne tiennent pas toujours compte de la durabilité dans leurs analyses. Or aujourd’hui nous constatons que tous les grands fabricants de chocolat s’en préoccupent. Ils se demandent si demain ils trouveront encore du cacao … De grandes marques comme Cadbury et Kitkat au Royaume-Uni sont passés au Fairtrade. Cela me donne de l’espoir. L’envergure amène l’efficacité au niveau des coûts. Cela a fonctionné pour les bananes, maintenant nous devons nous attaquer au chocolat. »
Fairtrade, signe de qualité
Le label Fairtrade n’est accordé que si tous les ingrédients sont issus du commerce équitable, mais cela n’est pas toujours possible. C’est pourquoi dans la nouvelle stratégie de Fairtrade International l’accent s’est déplacé vers le sourcing. Le fabricant allemand de figurines en chocolat Riegelein par exemple utilise du cacao 100% Fairtrade, mais pas de sucre Fairtrade – la transition du sucre de betterave vers le sucre de canne ne semble pas évident. Ferrero utilise déjà 10% de cacao Fairtrade. Lidl en Allemagne propose des céréales pour enfants avec du chocolat 100% Fairtrade. Ces produits ne peuvent afficher le label Fairtrade, mais ils peuvent néanmoins utiliser le logo Fairtrade Cocoa Program pour indiquer qu’ils collaborent avec Fairtrade si tout le cacao contenu dans le produit est 100% Fairtrade.
« A l’avenir cela va générer de gros volumes. Mon rêve est qu’un jour tout le chocolat belge soit Fairtrade », indique Lily Deforce. « Et pourquoi pas ? Le Fairtrade va de pair avec la qualité. Dans le sud la qualité des produits augmente. Plusieurs cafés Fairtrade raflent des prix. Aujourd’hui l’achat de produits Fairtade ne se fait plus uniquement par solidarité, c’est devenu un mode de vie. Mais dans ce cas-là le consommateur s’attend à de la haute qualité. »
Un nouveau chapitre
Lily Derforce estime que la tendance à la différenciation chez les retailers est encourageante. « Après 2008 tout tournait autour du prix. Aujourd’hui les retailers cherchent à se distinguer et en ce sens le Fairtrade a son rôle à jouer. Nous discutons avec des membres de la direction, ce qui prouve à quel point ils y accordent de l’importance. Nous les convainquons avec des chiffres, car il n’est pas uniquement question d’émotion. Les acheteurs Fairtrade sont principalement de jeunes ménages avec enfants, un groupe cible très intéressant pour les retailers. »
Lily Deforce se montre très concernée également par la problématique du climat – les pays du sud souffrent le plus du changement climatique. Elle précise que l’approche Fairtrade cadre parfaitement dans les Sustainable Development Goals des Nations Unies. Elle se félicite qu’un marché Fairtrade se soit développé également dans le sud, où l’organisation a commencé à introduire son label bleu et vert.
Deforce pour sa part a décidé d’entamer un nouveau chapitre. « La succession est assurée et je pars en toute confiance. Nous avons une belle équipe. Durant six mois je vais ‘goûter’ à différentes possibilités. Je vais à nouveau déterminer mon propre agenda et étudier. En janvier 2017 je me remettrai au travail. » Où ? La question reste ouverte …