La disruption numérique bouleversera le retail alimentaire et chamboulera (à nouveau) le secteur tout entier, prévient Jo Caudron qui prendra la parole lors du RetailDetail Congress du 28 avril. Selon le co-fondateur de Duval Union, nous n’avons encore rien vu.
La vente en ligne d’aliments frais représente le prochain dérèglement
Nous connaissons déjà l’effet de la numérisation sur le secteur du retail. Du moins, c’est ce que nous croyons. Des acteurs comme Zalando et Amazon ont changé les règles du jeu et les commerçants traditionnels ont du mal à tenir la tête hors de l’eau. Mais, selon Jo Caudron, ce n’est que le début : le secteur des aliments frais est le prochain à en faire les frais. HelloFresh, Instacart et Amazon Fresh constituent les premières pierres de touche.
Lors du RetailDetail Congress du 28 avril prochain, l’auteur des livres Digital Transformation et Media Morgen, entre autres, démontrera que cette nouvelle vague de numérisation servira également de catalyseur pour les autres domaines du retail.
Vos plaidoyers sur la numérisation ont déjà secoué un bon nombre de secteurs. Pourquoi le secteur alimentaire est-il le prochain ?
J.C.: « Il n’est pas obligé, mais il est déjà en train de suivre la tendance. Un secteur est touché par la disruption, même s’il ne le souhaite pas. Une multitude de circonstances peuvent provoquer cette perturbation, mais la plupart du temps, il s’agit plutôt d’une combinaison de facteurs : les temps sont mûrs, la technologie est présente, elle peut s’inscrire dans l’esprit des gens, certaines start-ups rencontrent le succès et de grandes entreprises comme Amazon enregistrent de bons résultats. Si tous ces facteurs forment un ensemble cohérent, les choses se font tout simplement.
Ces cinq dernières années, nous avons observé ce phénomène dans le retail avec des produits qui s’y prêtent bien. Cela a débuté avec les livres et les cd, puis les chaussures et les vêtements, et ensuite l’électronique. Nous avons remarqué qu’un certain nombre d’acteurs du retail alimentaire se sont préparés ces deux à trois dernières années, et aujourd’hui, l’élan se concrétise. »
Pensez-vous que le supermarché physique a encore un avenir devant lui ?
J.C.: « Lors de la transformation d’un secteur, une forme hybride fait son apparition, sans que cela fasse disparaître autre chose pour autant. Le changement se trouve très souvent dans le mélange. Un secteur devient un secteur composite lorsqu’il se transforme véritablement. Cela signifie qu’il y aura de l’ancien et du nouveau. Qui peut alors résister ? Les acteurs qui sont prêts à adopter le mélange. Les acteurs qui veulent survivre, doivent proposer du vieux et du neuf.
La réponse à votre question est donc ‘oui’. Dans 10 ans, le retail physique sera encore d’actualité dans le secteur alimentaire des produits frais. Les gens n’iront, par exemple – et c’est effectivement un grand point d’interrogation – plus toutes les semaines au Colruyt ou au Carrefour. A l’heure actuelle, nous faisons nos courses à un rythme hebdomadaire, mais si les produits frais disparaissent du modèle d’achat classique et se tournent vers le modèle d’achat en ligne, comme HelloFresh ou Amazon Fresh, cette nécessité de faire ses courses dans de grands supermarchés toutes les semaines va s’estomper.
Peut-être que cela deviendra une activité mensuelle, ce qui aura certainement un impact sur la dynamique de ces supermarchés. Vont-ils disparaître ? Je ne le pense pas, mais les supermarchés qui continueront à se forger sur cette dynamique hebdomadaire, devront revoir leur offre puisque la fréquence des visites diminuera. »
La gratuité est impossible, chaque service supplémentaire a un prix, affirme Jef Colruyt. Etes-vous du même avis ?
J.C.: « Bien entendu, mais ne soyons pas naïfs. Comme si un HelloFresh n’avait pas de frais de livraison ? Ils ne l’indiquent pas, mais ces coûts sont repris dans le prix du colis.
Pour pouvoir comparer, prenons l’exemple de Zappos, le fondateur d’un nouveau modèle de livraison à domicile. Leur stratégie d’entreprise prévoit l’inscription des frais de retour en tant que coût marketing. C’est le coût qui est nécessaire pour inciter les gens à acheter chez vous. Il s’agit bien entendu d’un coût, mais vous devez l’envelopper dans un bel emballage.
C’est également une histoire de l’ancien contre le nouveau. Pour Colruyt, le coût du transport représente une colonne dans un tableur, alors qu’une start-up aborde ceci différemment. Mais au final, quelqu’un doit évidemment payer. »
Le fait de retirer les courses commandées en ligne dans des points de collecte, est-ce une étape intermédiaire vers la livraison à domicile en tant que future norme ?
J.C.: « Si tout cela s’assouplit un peu, ce que nous commençons d’ailleurs à percevoir avec notamment la livraison de colis à heure précise, avec ou sans frais supplémentaires, alors je pense que le confort et la facilité prévaudront et que les gens opteront pour la livraison à domicile. Le fait que les gens ont encore tendance à aller chercher leurs commandes dans des points de retrait est dû aux coûts liés aux livraisons sur rendez-vous ou à un manque de flexibilité.
Dès que nous pourrons travailler de manière plus souple, le retrait des courses dans des points de collecte glissera partiellement vers le ‘home delivery’. Bien entendu, cela aura à nouveau un coût, mais aujourd’hui, il existe déjà des modèles où l’on expérimente le ‘peer-to-peer home delivery’. Cela peut également aller très vite. »
Vous dites que l’impact sera plus large que dans le retail alimentaire uniquement. En quoi la numérisation du retail alimentaire influencera-t-elle d’autres domaines ?
J.C.: « Le retail alimentaire est le défi le plus complexe au sein du retail. Les règles dans le secteur food sont très strictes. De plus, pour le client les produits alimentaires relève de ‘l’immédiat’. Y décrypter le code logistique est nettement plus complexe que pour un Coolblue, par exemple. Si nous y parvenons, nous atteindrons une nouvelle flexibilité et nous serons en mesure de le faire dans tous les domaines.
J’ai entendu l’histoire d’une personne qui assistait à une réunion à Londres et qui avait passé une commande en ligne durant l’après-midi. 40 minutes plus tard, Amazon Fresh livrait un colis rempli de collations. Si ceci est possible, il est également possible de commander une télévision à 19h00 et de se faire livrer l’appareil par Vanden Borre à domicile à 19h40.
Si nous arrivons à mettre tout ceci sur pied dans le retail alimentaire, on assistera à une accélération générale. Si nous pouvons faire en sorte que chaque produit puisse être livré le jour-même et si nous parvenons à contrôler les coûts, les consommateurs seront encore plus nombreux à faire le pas vers le retail en ligne. »
Jo Caudron sera l’orateur d’honneur lors de l’avant-programme #MARKETING au RetailDetail Congress 2016 qui aura lieu le 28 avril à Willebroek. Cliquez ici pour réserver votre place ou pour obtenir de plus amples informations.